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VAN LIFE - En moins de trois ans, ce couple a visité plus de 25 pays, alors que Marie est atteinte du syndrome d'Usher, une maladie génétique dégénérative.

Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils découvrent sans cesse des paysages de rêve, et pourtant, tout n'a pas toujours été aussi rose dans leur vie. Après dix ans à travailler comme développeur de logiciels au Canada, Corentin a connu la dépression, le sentiment que quelque chose clochait dans sa vie. Marie, elle, a terminé ses études de psychologie sans job à la sortie et comme une envie d'en finir avec la théorie et l'abstraction.

Surtout, elle est atteinte du syndrome d'Usher, qui lui fait perdre peu à peu l'audition et la vue. Alors avant qu'il ne soit trop tard, le couple décide de partir sur la route. "Le plus difficile, c'est de sauter le pas !" nous raconte Marie, appuyé par Corentin : "l'idée, c'est d'abord d'essayer. On est partis pour faire un test en voiture avec le minimum, un matelas, un duvet, un réchaud, quelques affaires... Et on s'est rendus compte qu'on n'avait pas besoin de plus !"

Corentin et Marie au Canada © Sourires autour du monde
Des hivers rigoureux qui ne rendent pas le voyage toujours facile © Sourires autour du monde

"tu te retrouves parfois dans un endroit merdique sans le vouloir"

 Le choix est donc fait : le voyage se fera en van. "On connaissait bien le backpacking, explique Corentin, on avait envie de quelque chose de plus confortable. Comme on n'était pas encore très au point sur le bricolage, on voulait choisir un van déjà aménagé, mais au Québec, c'est hors de prix. Finalement, on a trouvé un modèle d'exposition en France, qu'on a acheté sans le voir ! A l'origine, neuf, il coûtait 37 000 euros, et c'est une entrée de gamme".

Au fil du temps, le couple affinera ses connaissances en mécanique et en bricolage, ce qui lui permettra d'améliorer lui-même le véhicule : panneaux solaires, rehaussement de 4 cm, filtre à eau, etc. Quand Marie parle de Corentin, elle déclare désormais "c'est mon mari et mon mécanicien !", preuve qu'ils ont tous les deux acquis une bonne expérience de la route.

Aujourd'hui, ils ne referaient d'ailleurs sans doute pas certains choix. "On a traversé le Canada en hiver, se souvient Corentin, sous - 30 degrés ! C'est pas toujours facile, on est souvent à l'intérieur et il y a de la condensation dès qu'on cuisine ! Le van est trop hermétique, alors il faut ouvrir deux fenêtres pour faire un effet de hotte, et c'est pas marrant quand il fait aussi froid. On n'a pas trop l'impression d'en profiter."

Marie abonde : "Il y a beaucoup d'humidité dans le van et pour se laver c'est galère, avec l'eau qui gèle. Du coup, on se douchait dans les piscines publiques." Corentin conclut : "On voulait éviter les hivers, mais sur un périple de deux ans et demi, c'est compliqué de planifier à ce point : problèmes de visa, crise du Covid, et tu te retrouves parfois dans un endroit merdique sans le vouloir."

Encore le Canada © Sourires autour du monde
La Corée du Sud © Sourires autour du monde
Les Philippines © Sourires autour du monde

25 pays visités en deux ans à peine

Ces petits pépins n'empêchent pas Marie et Corentin de voyager dans le monde entier : Canada, France, Suède, Finlande, cercle polaire, pays baltes, Europe centrale, Grèce, Turquie, Iran, Emirats Arabes Unis, Corée du Sud, Japon... La liste est longue et les photos ramenées de ces périples donnent envie ! Autour de ce voyage, le couple nourrit un projet intitulé "Sourire autour du monde", visant à changer le regard sur le handicap lié au syndrome d'Usher, mais aussi à correspondre avec des écoles primaires françaises en leur offrant un matériel pédagogique de première main.

Pour financer tout ça, le couple pioche dans ses économies, fait appel à des financements participatifs, et travaille dès qu'il peut comme saisonniers ou comme rédacteurs pour des sites et des magazines consacrés à la "van life". "Mais le but du voyage, c'est aussi d'épouser un mode de vie minimaliste, note Corentin. Notre plus grosse dépense, c'est le gasoil, ça représente 4 ou 500 euros par mois. Il faut ajouter des frais d'assurance, de visa, Internet… En tout, ça fait 1000 euros par mois maximum à nous deux."

Hélas, le confinement est venu mettre des bâtons dans les roues du projet : "On était retournés au Canada et on voulait aller en Patagonie, mais le covid nous a bloqués avant qu'on puisse entrer aux Etats-Unis". Bref, retour à la case famille en France en mars 2020. Une crise finalement pas si compliquée à vivre pour nos globe-trotters : "Pour nous, c'était presque un déconfinement ! se rappelle Marie. On a rencontré plus de monde que d'habitude, les voisins, la famille... Au niveau social on n'était pas frustrés, parce qu'on ne fait jamais de resto ou de sorties ciné, ça n'a pas chamboulé notre vie. Et puis on a eu la chance d'en profiter pendant deux ans auparavant."

La France © Sourires autour du monde
Le van une fois ouvert (France) © Sourires autour du monde
Les Emirats Arabes Unis © Sourires autour du monde

Comment voyager à travers le monde avec le handicap ?

Et la maladie dans tout ça, comment voyager avec ? Marie ne se laisse pas abattre, loin de là ! "Pour l'audition, je suis appareillée, donc ça ne me gêne pas vraiment. En revanche, les baisses de champ visuel sont perdues pour de bon, c'est surtout embêtant pour les contrastes ou dans la semi obscurité." Dans ces conditions, "il me faut une bonne luminosité et un environnement rangé, stable. Le camion, c'est lumineux mais étroit."

"Faut jouer au Lego et à Tetris un peu tout le temps ! ajoute Corentin. Mais ça va, même la nuit, Marie se déplace dans le van les yeux fermés." On oublie les escaliers et les meubles à angle vif, également. "Je me cogne régulièrement dans la maison de ma mère", nous dit Marie avec un sourire dans la voix. De toute façon, le couple ne se voit pas habiter une grande maison plus tard. Pas d'enfant en vue, et plutôt un projet de tiny house minimaliste, plus simple à habiter quand on est mal voyant.

Prochaine destination ? Le Maroc, sans doute, ou l'Espagne, et puis toujours la Patagonie en ligne de mire, en espérant que la pandémie ne sclérose pas trop longtemps encore la planète. Pour l'instant, "on vit au jour le jour, nous confie Marie, mais dès qu'on peut, on bouge."