Lisa Hör - Publié le 6 janvier 2016
PROSPECTIVE - Le futur dessiné par Rob Hopkins, théoricien des villes en transition, est vibrant et coloré. Les maisons y sont modelées à la main et n'ont plus besoin d'être chauffées.
Voilà huit ans que Rob Hopkins n'a pas pris l'avion. Ce professeur d'université anglais, qui enseigne la permaculture, s'est imposé cette règle en accord avec le mouvement qu'il a fondé : les villes en transition. Puisque le pétrole est une ressource épuisable et polluante, autant adapter son mode de vie dès maintenant, et limiter sa consommation d'énergie.
"La transition est déjà en marche dans une cinquantaine de pays, mais je ne visite pas toutes ces villes, précise-t-il. J'utilise internet." Cette fois, pour la conférence sur le climat, Rob Hopkins se devait de faire le déplacement à Paris. Il est simplement venu en train.
C'est au café transformé en quartier général des acteurs de la société civile pendant la COP21, Place to B, qu'il nous livre sa vision de l'habitat en 2050.
Beaucoup des solutions qu'il préconise sont déjà mises en ?uvre. Notamment concernant le développement de la permaculture, cette refonte de notre agriculture et de notre espace de vie d'après l'observation des écosystèmes naturels.
Le futur qu'il évoque, s'il fait rêver, est donc à portée de mains. Racontée par Rob Hopkins, la fin du pétrole est une bonne nouvelle.
La fin heureuse du pétrole
L'énergie la plus propre est celle que l'on n'utilise pas. "Nous pouvons réduire notre consommation d'énergie de 60% sans affecter notre qualité de vie, assure-t-il. On parle alors de négawatts, à la place des mégawatts."
Les maisons seront suffisamment bien isolées pour ne plus avoir besoin de chauffage. La chaleur de ses habitants suffira à maintenir une température agréable. Les maisons passives, qui existent déjà, seront devenues la norme.
Nos besoins en électricité seront couverts par les champs d'éoliennes ou de panneaux solaires, qui seront gérés par des coopératives d'habitants. Après tout, en Allemagne, c'est de cette façon qu'est déjà gérée la moitié de la production d'énergies renouvelables.
Nous limiterons aussi nos déplacements, pour économiser le pétrole. De quoi faire de chaque voyage une aventure, qu'il s'agisse d'un aller-retour en avion à New York, ou de se rendre en bus dans la ville la plus proche.
Pas question pour autant de déserter les campagnes. Loin d'être de simples dortoirs, elles vivront intensément, autant que les villes. "L'agriculture du futur nécessitera plus de main-d'?uvre, car nous utiliserons beaucoup moins de pétrole", se projette Rob Hopkins.
Une autre définition du confort
"En 2050, nous appliquerons la même logique pour construire nos maisons que pour se nourrir, complète-t-il. Tout comme notre nourriture, produite localement, les matières premières de nos habitations viendront de la région." Plus de béton, ni de métal : nos maisons seront en paille, en argile ou en bois, et même, pourquoi pas, en carton recyclé.
Plus de plastique non plus, pour nos objets de la vie quotidienne. « Nous devrons prioriser, explique Rob Hopkins. L'utiliser pour le matériel médical plutôt que pour des sacs de course par exemple. »
Pas d'imprimante 3D à domicile, dans son univers. "On imagine souvent que l'on peut rester dans la même société de consommation, en produisant différemment. Mais je pense que nous posséderons simplement moins de choses."
Devrons-nous accepter de vivre moins confortablement ? "Ce sera un confort différent, sans télévision dans chaque pièce, répond Rob Hopkins. Ce qui m'apporte un sentiment de confort, c'est de voir l'endroit où je vis évoluer dans le bons sens, grâce à mon engagement. C'est aussi de savoir que je peux compter sur mes voisins."
Une maison tirée d'un rêve d'enfant
Sa maison à lui ne sera donc pas perdue au milieu de nulle part mais intégrée au sein d'une communauté. Il participera à sa construction, comme il l'a fait par le passé pour une habitation en Irlande. "Nous n'avons pas tracé de plan à la règle, mais modelé des maquettes à l'argile, raconte Rob Hopkins. La maison ressemblait à un organisme vivant."
Il l'imagine aussi avec des arbres sur le toit, comme les constructions d'Hundertwasser. Les murs extérieurs, en argile, façonnés à la main, seront tout sauf lisses. "Il pourra y avoir des bancs pour s'asseoir, peut-être des étagères pour des livres... et des sculptures à travers lesquelles ruissellera la pluie."
Il évoque les maisons qui le fascinaient dans son enfance, pleines de recoins et d'escaliers secrets... "En tant qu'adultes, nous pouvons recréer des lieux aussi magiques !"
Et de conclure : "ce sera magnifique, vous aimeriez beaucoup cette maison, vous devriez venir me rendre visite !" Le rendez-vous est pris, pour 2050.