Lisa Hör - Publié le 31 mai 2020
architecture - Plus que jamais, nous avons besoin de lumière dans nos logements et d'ouvertures sur l'extérieur.
S'il y a une chose dans nos logements qui a rendu le confinement plus supportable, ce sont bien les fenêtres. Voilà le constat que fait l'architecte Clémence Laville, dans une tribune publiée sur le site du Pavillon de l'Arsenal. Ce sont elles qui nous ont permis - en dehors des réseaux sociaux et d'Internet, de garder du lien.
“Via fenêtres interposées, on discute, on échange des dernières nouvelles et des bons plans du quartier pour éviter les queues interminables devant les magasins d'alimentation, on applaudit, on prend l'air, on aère, on s'y adosse, on remercie, on vit les fenêtres ouvertes comme pour se sentir moins coupé-es de l'extérieur…”, écrit-elle.
14 % des Français-es ne peuvent profiter ni d'un jardin, ni d'une terrasse, ni d'un balcon (sondage Odoxa réalisé entre le 25 et le 30 mars 2020), rappelle-t-elle. Les fenêtres en sont d'autant plus essentielles. Nous avons redécouvert tout ce qu'elles pouvaient nous apporter, de la tasse de café savourée derrière une vitre chauffée par le soleil, aux Questions pour un champion disputées entre voisins chacun depuis son perchoir. Clémence Laville nous invite maintenant à continuer de faire preuve d'imagination et à réinventer l'architecture des fenêtres.
La fin des fenêtres standardisées ?
“Demain, faire que les fenêtres standardisées ne soient plus la règle. [...] Demain, je rêve que les maîtrises d'ouvrage, les finances ne règnent pas en maître, ne dictent pas l'utilisation d'objets pré-pensés et installés à l'identique. Demain, l'architecture sera locale, au plus proche des besoins de ses habitants pour offrir la possibilité de rêver, de créer et de s'épanouir”, se projette Clémence Laville.
Laurent Stalder, professeur de théorie architecturale de Zürich, collabore depuis plusieurs années avec le Window Research Institute, centre de recherche japonais. S'il s'avoue assez pessimiste sur les perspectives de changement des “logiques économiques qui dominent l'architecture”, il envisage que la généralisation du télétravail modifie nos exigences. Assis-es toute la journée derrière nos fenêtres, nous voudrons sans doute qu'elles nous apportent plus de confort.
Et, comme le montrent ses recherches, les possibilités ne manquent pas. Il a ainsi redécouvert de nombreux brevets de fenêtres très originales, déposés au 19e siècle et au 20ème siècle, et qui n'ont pour la plupart jamais été mis en application. A l'image de cette fenêtre aquarium, imaginée en 1877.
Ou encore de cette fenêtre avec réflecteur ajustable, dessinée en 1896, pour proposer une solution aux habitants des immeubles trop rapprochés.
Il cite encore cette fenêtre avec miroirs, qui devait permettre d'observer la rue de part et d'autre en toute discrétion.
Autant d'exemples qui répondent à l'appel de Clémence Laville pour des fenêtres “vivantes, dynamiques”, ou encore végétales.
Besoin urgent de redonner de l'air aux logements sociaux
Les réalisations inspirantes abondent aussi bien sûr dans l'architecture contemporaine. Cette baie vitrée tout en rondeur, dans une maison de l'architecte Steven Holl, a ainsi de quoi faire rêver. Mais la forêt sur laquelle elle offre une perspective imprenable y est pour beaucoup.
Même dans les tiny houses, petites maisons bien plus accessibles financièrement, le cadre et la nature jouent un grand rôle dans l'attrait de ces larges ouvertures.
Mais quelles solutions quand on habite en ville et que l'on n'a pas les moyens d'investir dans de coûteuses rénovations ou constructions ? “C'est pour les logements sociaux qu'il faudrait les meilleurs architectes”, estime Laurent Stalder.
Il cite l'exemple de la transformation réussie de 530 logements dans le Quartier du Grand Parc à Bordeaux, par l'agence Lacaton et Vassal. Une nouvelle façade entièrement vitrée a été rajoutée par-dessus la première, offrant aux habitant-es une vue panoramique sur la ville, des balcons abrités et beaucoup plus de lumière à l'intérieur des différentes pièces.
En attendant d'autres travaux ambitieux de cet ordre, nous pouvons trouver des ressources dans l'aménagement intérieur : installer des verrières, repeindre les murs de couleurs claires ou miser sur la déco pour apporter plus de luminosité.
Ou bien encore, réinventer le paysage vu à travers nos fenêtres à la manière de l'artiste Pejac, qui peint de petites silhouettes sur les vitres et créée des scènes surprenantes. Pendant le confinement, il a lancé un défi aux internautes, les incitant à peindre leurs fenêtres eux-aussi, avec le hashtag #StayArtHomePejac.
Il a reçu des centaines de photos de plus de 50 pays. “Beaucoup me disent dans leurs messages qu'ils n'auraient jamais fait ça sans des circonstances extraordinaires. Disons que nous devenons tous un peu fous, mais dans le bon sens”, raconte-t-il. Espérons qu'il en sera de même pour les architectes.