Matthieu M. - Publié le 15 juillet 2020
TRADITION - L'association Charpentiers sans Frontières a réalisé un petit exploit pour valoriser des techniques de charpenterie du XIIIe siècle.
Le 9 juillet 2020, le Président de la République a finalement tranché : Notre-Dame de Paris et sa célèbre flèche seront reproduites à l'identique. Exit le “geste contemporain” dont parlait Emmanuel Macron quelques jours après l'incendie du 15 avril, les chances de voir un potager trôner en haut de la cathédrale sont désormais proches de zéro.
“C'est une bonne nouvelle”, nous a confié François Calame, fondateur de l'association Charpentiers sans Frontières, qui vient de reproduire une partie de la charpente de la cathédrale à la main, en suivant des techniques du XIIIe siècle. En un peu moins d'une semaine, 25 charpentiers bénévoles se sont affairés dans le jardin du château d'Ermenouville pour construire, sans aucune machine, la ferme n°7 de la toiture de la cathédrale.
La ferme est un élément triangulaire de la charpente qui permet de soutenir la toiture. Et le défi est de taille. “La ferme fait 14 mètres de portée, 10 mètres de haut. Elle pèse trois tonnes et a nécessité 9 arbres, 11 m3 de bois”, précise François Calame. Un chantier impressionnant de par les dimensions du projet mais aussi à cause de la portée symbolique de l'ouvrage. “Elle illustre la grande maîtrise technique des charpentiers du XIIIe siècle qui maîtrisent le principe de la triangulation, une forme géométrique indéformable. Cette charpente a duré 800 ans, elle aurait pu durer très longtemps encore”, souligne-t-il.
Un chantier qui a réuni 25 bénévoles de 8 pays différents
Le but des Charpentiers sans Frontières est d'apporter la preuve aux architectes de la cathédrale Notre-Dame qu'il est possible de reconstruire la charpente grâce au bois français en utilisant des techniques artisanales. Cette idée est née le 16 avril 2019, le jour après l'impressionnant incendie dont les images ont fait le tour du monde.
Ce jour là, à 8h du matin, François Calame décroche son téléphone et s'entretient avec Régis Martin, inspecteur général des Monuments Historiques en charge de la cathédrale. “Nous avons fait savoir que nous étions à disposition pour participer à un projet autour de la reconstruction de la charpente”, explique-t-il. À partir de ce moment là, l'association travaille quotidiennement à l'élaboration d'un projet. Les bénévoles collaborent avec l'interprofession nationale France Forêt Bois qui les met en relation avec des propriétaires de chênes pour obtenir du bois gratuitement.
Pour que les 25 bénévoles venus de 8 pays différents puissent reproduire cette partie de la charpente, les architectes en chef de la cathédrale leur ont fourni “tous les dessins et les relevés”. En moins d'une semaine, tout ce petit monde travaille en groupe pour mener à bien le projet. “Notre principe c'est de n'utiliser aucune machine. On peut se dire que c'est archaïque mais la réalité est complètement différente”, assure François Calame. En plus de travailler à la main, les charpentiers mettent un point d'honneur à utiliser du bois frais, vert même, car en charpente le bois doit contenir 50 % d'humidité. Un travail très physique : la taille se fait à la hache. “C'est addictif”, prévient-il.
Une technique de levage à la main utilisée en haute montagne
Pas certain que tout le monde sombre dans cette addiction. Surtout quand on sait que pour mettre la ferme de trois tonnes debout, les charpentiers ont utilisé la technique du levage à la main. “Une technique ultra pointue qui est utilisée en sauvetage à la montagne avec des câbles, un système de poulie pour démultiplier la force”, rappelle François Calame.
Alors que le planning prévisionnel prévoyait 7 jours de chantier, ces passionnés ont mis deux jours de moins et sont parvenus à terminer l'ouvrage en 5 jours seulement. Le chantier s'est terminé le 7 juillet dernier. Malgré ce rythme intense, “l'atmosphère a été joyeuse et professionnelle”, raconte-t-il. “C'est un groupe de gens qui a plaisir à être ensemble pour réussir un objectif prestigieux.” Depuis la fin du chantier, la ferme est encore dans le jardin du château et pourrait être présentée à proximité de la cathédrale de Paris, mais rien de sûr pour le moment.
Selon le fondateur de l'association, les architectes de la cathédrale qui sont venus voir le résultat “étaient réceptifs à ce qu'on a fait. Mais on ne se fait pas d'illusion, on ne taille pas la charpente de Notre-Dame, on fait juste une proposition pour montrer que c'est possible de le faire de cette manière”, nous confie-t-il. Malgré sa prudence, François Calame espère que le chantier saura convaincre les décisionnaires. “Si une partie de la nouvelle charpente devient visitable par le grand public, ça paraît comme une évidence qu'on ne va pas leur faire admirer une charpente taillée par des machines”, s'exclame-t-il. Et d'ajouter : “Nous sommes à disposition !”. Le message est passé.