Maïa Pois - Publié le 5 mai 2020
CONFINEMENT - Pour beaucoup de Français-es, le confinement se vit hors de France. Comment vit-on ce moment intime quand on n'est pas totalement chez soi ?
Depuis le début de l'épidémie et les mesures strictes de confinement mises en place dans le monde entier, près de 3,4 milliards de personnes sont confinées, soit 43% de la population mondiale.
Alors que de nombreux étudiant-es Erasmus ou expatrié-es français ont décidé de rentrer chez eux et chez elles pendant cette période, d'autres ont décidé de passer le confinement hors de France. Une décision qui implique de respecter des règles de confinement plus ou moins différentes de celles appliquées en France, parfois loin de ses proches.
Faut-il redouter l'exil en confinement, ou au contraire permet-il de relativiser, de profiter d'une autre manière de son nouveau pays d'accueil ?
Caroline, installée en Espagne, n'a pas le droit de sortir ses enfants
Expatriée française installée à Barcelone depuis 19 ans, Caroline est confinée avec son mari et deux enfants en bas âge dans un pays qui compte le 2e plus grand nombre de décès dans le monde liés au coronavirus. Ici, confinement strict et pas de système d'attestation de déplacement. Les Espagnols sont autorisés à sortir uniquement pour faire les courses.
Une situation compliquée à gérer pour ses enfants, qui ne sont pas sortis depuis un mois. “Le grand sujet pour toutes les familles, c'est qu'on est le seul pays d'Europe où il n'y a pas l'heure de sortie. Le petit jogging, la petite demi-heure pour le bien être n'existe pas chez nous. On peut promener son chien, mais pas faire prendre l'air à ses enfants.” Malgré tout, elle sait qu'elle a beaucoup de chance, car elle possède une maison et un jardin qui permet à ses enfants de se défouler.
Auto-entrepreneure, elle gère une compagnie de théâtre et fait également du doublage. Avec le confinement, son activité a complètement été repensée. Difficile de faire des cours de théâtre depuis chez soi ou de doubler sans studio ! Mais à chaque problème, sa solution : “J'ai décidé de proposer des cours en ligne pour les élèves qui souhaitaient continuer d'avoir un suivi. Pour le doublage, avec une amie, on est en train d'essayer de monter un studio de fortune en attendant que la situation s'arrange”.
Concernant la sortie du confinement, il n'est pas prévu que les enfants reprennent l'école. Pourtant, depuis mi-avril, les Espagnols peuvent retourner travailler si le télétravail n'est pas possible : “J'espère pouvoir retourner travailler et sortir mes enfants bientôt. J'ai conscience que les choses vont mettre du temps à revenir à la normale, mais pour le moment c'est la sécurité de ma famille qui m'importe le plus.”
En Nouvelle-Zélande, Alexandre reprendra sa vie comme avant
Confinée depuis le 26 mars, la Nouvelle-Zélande est très peu touchée par le Covid-19. Alexandre est en colocation avec un couple et vit dans ce pays depuis maintenant 2 ans. Il est “bar manager” dans la ville d'Auckland mais ne peut plus travailler depuis le début du confinement. Le pays a dégagé des fonds pour soutenir les habitants : “ Je touche 585,5 $ par semaine en plus d'un revenu versé par mon entreprise qui représente 80 % de mon salaire par semaine”.
Peu touchée par l'épidémie, la Nouvelle-Zélande a souhaité toutefois prendre des mesures pour éviter la propagation du virus et impose des mesures similaires aux nôtres : “On doit respecter la distanciation sociale et ne sortir que si nécessaire, rester au maximum dans sa bulle. On peut faire du sport sur une période de 1h par jour.” Pour ce qui est des mesures d'hygiène, dans les supermarchés par exemple, il y a une désinfection des caddies et une distribution de gel à l'entrée et à la sortie du magasin pour ne prendre aucun risque.
Alors que les mesures prises par le gouvernement s'adapteront à l'évolution du virus, Alexandre attend la levée du confinement pour reprendre une vie normale : “A la fin du confinement je ne changerais rien en particulier. La vie continue, le travail va reprendre. C'est une crise inconnue pour nous et notre nouvelle génération. Mais je considère celle-ci comme une expérience pour le futur.”
Au Canada, Sofia appréhende son retour en France
Dans le cadre de son DUT en communication, Sofia est en échange au Canada, à Chicoutimi au Québec, pour un an. Alors qu'elle devait y rester jusqu'à mi-mai, elle s'est retrouvée confinée avec ses 3 colocataires à la mi-mars. Lorsque l'épidémie a commencé, elle n'était pas inquiète puisque le Canada était très peu touché : “Il y avait beaucoup moins de cas ici qu'en France, du coup ça ne me posait pas de problème. En plus, j'avais déjà mon billet de retour pour le mois de mai qui n'était pas échangeable donc j'ai préféré rester”.
Au Canada, les habitants sont libres de faire des activités physiques et de se promener. Cependant, les sorties, comme faire des courses par exemple, sont réglementées : “Nous avons l'obligation d'être à un mètre de distance les uns des autres. Des flèches au sol nous montrent le chemin à suivre pour faire en sorte que personne ne se croise. Il est interdit de toucher ce que l'on ne va pas acheter et une fois arrivés à la caisse, il faut attendre que la personne devant soit partie et que la caissière ait désinfecté son tapis pour pouvoir passer.”
Concernant son retour en France, elle appréhende de devoir prendre l'avion et de se rendre à l'aéroport : “Je sais que des mesures sont mises en place pour que nous ne prenions aucun risque mais ce qui me fait surtout peur c'est de transmettre le virus à ma famille en rentrant. Une chose est sûre, je respecterais les 14 jours de confinement obligatoire du fait de mon retour d'un pays étranger”.
Clara se sent en sécurité à Singapour
Clara est étudiante et en échange pour un semestre à Singapour. Depuis le 22 mars, elle est confinée avec 3 colocataires. Bien qu'elle soit loin de chez elle, elle se sent plus en sécurité qu'en France : “Des masques sont distribués gratuitement et il y a du gel pour les mains partout, dans les ascenseurs, à l'entrée des magasins… On prend notre température très régulièrement.” Le pays étant peu touché, elle sait que s'il devait lui arriver quelque chose, elle serait rapidement prise en charge puisque les hôpitaux ne sont pas débordés.
Les règles du confinement ressemblent à celles mises en place en France, à quelques détails près : “Nous n'avons pas besoin d'autorisation de sortie. Les balades et activités sportives en plein air sont autorisées, à condition de respecter la distanciation sociale et de porter un masque. Tout est aménagé pour respecter les distances : dans les supermarchés, le métro, aux arrêts de bus, et même dans la rue. Les Singapouriens respectent énormément les consignes.”
Des masques ont été distribués dès le début du confinement dans tous les immeubles. Aujourd'hui, il faut en acheter, mais ils sont disponibles en pharmacie à des prix raisonnables, et des thermomètres sont par ailleurs proposés gratuitement aux clients. Le retour en France de Clara, initialement prévu pour fin avril, a été déplacé vers début mai car beaucoup de vols ont été annulés.
Au final, nos exilés ont plutôt bien vécu leur confinement, acceptant les contraintes extérieures comme ils l'auraient fait en France, pour protéger leur santé et celle des autres. Une belle illustration du fameux proverbe anglais "home is where the heart is", qu'on pourrait traduire par "où le coeur aime, là est le foyer".