Clémence Leleu - Publié le 30 octobre 2016
TRI - Canettes, barquettes alimentaires, pots de yaourts ... tous les emballages se placent dans la poubelle de tri sélectif.
Lorsque l'on pénètre dans le centre de tri, au Havre, le bruit des machines couvre instantanément les voix. Dans cet espace transitent chaque jour 100 tonnes de déchets plastiques de l'agglomération havraise. Ils y sont triés puis, par la suite, affrétés par barge jusqu'à Rouen ou Limay afin d'y être valorisés.
Jusqu'ici, rien de très original comparé aux autres centres de tri hexagonaux. Pourtant, lorsque l'on observe de plus près les tapis sur lesquels sillonnent les différents déchets, on aperçoit ici un pot de yaourt, là un emballage de viande ou encore des films plastiques.
Déchets qui ne devraient pas s'y trouver, puisqu'on ne doit habituellement pas les jeter dans la poubelle de tri.
Toutefois, ce sont bien sur les tapis de tri que circulent ces emballages, passant sous les yeux experts du personnel, sans que ceux-ci ne les envoient au rebut.
Tous les emballages se recyclent
Car, depuis le 1er septembre 2016, pour les 17 communes de la communauté d'agglomération havraise, le tri des plastiques a été simplifié. Fini l'éternelle hésitation devant la poubelle jaune (ou grise, selon la couleur choisie pour symboliser le tri sélectif dans votre commune) afin de savoir si l'on peut, ou pas, y placer les déchets que l'on a dans les mains.
Désormais, tous les emballages usagés, (cartons, plastique, films...) se placent dans le bac de tri, sans obligation de les laver. Il suffit juste de bien les vider. "Ça nous a simplifié la vie, surtout avec les enfants qui peuvent maintenant eux-aussi faire le tri, sans que l'on soit obligé de vérifier par dessus leur épaule s'ils ne mettent pas n'importe quoi dans le sac", raconte enchantée Véronique, jeune maman de 3 enfants.
Une révolution pour les 242 000 habitants de l'agglomération. Ils font partie des premiers Français, avec, notamment les habitants de l'Essonne, à bénéficier de la simplification de la collecte de tri. Celle-ci sera obligatoire pour l'intégralité du territoire, à l'horizon 2022.
Cette simplification a été rendue possible grâce à l'évolution des technologies qui ont permis au recycleur de pouvoir prendre en charge et recycler des matières nouvelles.
Le tout chapeauté par Eco-emballages, qui a initié dès cette année cette démarche globale de recyclage de nouvelles résines de plastique auprès des collectivités.
Éviter les difficultés du tri sélectif pour les habitants
“Nous sommes partis du constat que le tri pouvait représenter une difficulté pour les habitants de l'agglomération", explique Florent Saint-Martin, vice-président de la Codah en charge de la collecte et du recyclage des déchets et élu départemental.
"Nous avons donc souhaité étendre les consignes de tri afin de simplifier le message : tous les emballages se trient une fois qu'ils ont été vidés. Cela permet de ne plus se poser de question.” Cette hésitation pouvait détourner les gens du tri, qui, par facilité ou peur de mal faire, laissaient leur détritus dans la poubelle classique.
À l'instar de Didier, 69 ans, qui revendique haut et fort "n'avoir jamais trié quoi que ce soit". La simplification du tri est en train petit à petit de venir chambouler ses mauvaises habitudes."Mes petits-enfants commencent à me faire des remarques pour que je me mette à l'écologie", confie-t-il dans un sourire.
"Comme maintenant on n'a plus besoin de se casser la tête pour savoir quoi recycler, peut-être que je vais m'y mettre", lance ce Havrais de naissance avant de tourner les talons.
Selon les estimations de la Codah, la communauté d'agglomération havraise pourrait valoriser 2 kilos de déchets recyclés par an et par habitant, soit 500 tonnes supplémentaires.
Un centre de tri perfectionné
Pour pouvoir accueillir toutes les sortes d'emballages le centre de tri a dû être perfectionné. Des trieurs optiques plus performants ont été mis en place afin de pouvoir distinguer les différents types de plastique.
Le centre a également investi dans d'autres machines permettant de pouvoir capter les films plastiques, habituellement difficiles à séparer ou encore de dissocier les emballages en aluminium, du type canette, des autres.
"L'objectif de cette modernisation est, en plus de la préservation de l'environnement, la dynamisation de l'emploi local”, détaille Florent Saint-Martin.
En effet, faire le choix de moderniser le site de tri permet de le pérenniser. “À terme, les petits centres de tri pourraient être amenés à disparaître. En modernisant le nôtre, nous le préservons pour les années à venir, tout comme les 40 emplois qu'il génère”, poursuit-il.
Les machines, au rôle prépondérant, doivent être surveillées d'un oeil attentif par les employés du site, ne se substituant donc pas aux emplois existants. Les employés se chargent également du tri en fin de ligne, afin de corriger les erreurs potentielles de la machine.
Pour s'adapter aux nouvelles normes de tri, ils ont dû se défaire de leurs précieux automatismes pour en créer de nouveaux, afin de faire la chasse aux nouveaux déchets indésirables.
“En un mois, les ¾ des effectifs ne se trompent plus dans le tri. Perdre des gestes que l'on fait quasiment par automatisme est très compliqué, il est normal que les choses ne soient pas encore nettes à 100 % après seulement presque deux mois”, concède Sébastien Huyghe, directeur d'Unité opérationnelle, pour le tri et la valorisation en Normandie Ouest pour Veolia qui gère le site.
Les centres de tri français peu préparés
Véolia y a ainsi investi 3,6 millions et Eco-Emballages, qui assure le pilotage du dispositif de tri des emballages, a quant à lui participé à hauteur de 700 000 euros et l'ADEME a participé à hauteur de 20 % du montant des investissements réalisés.
Un investissement qui va être nécessaire aux centres français. En effet, sur les 240 centres de l'Hexagone, seuls 15 % seraient en mesure de gérer le nouveau flux.
Le centre de tri havrais jouit désormais d'une capacité de tri de 42 000 tonnes à l'année, tandis qu'il flirte actuellement avec les 30 000. “Nous avons donc de quoi voir venir”, rassure Sébastien Huyghe.
Espérons que la prochaine étape, après un tri plus pertinent (une fois l'objectif atteint de 75 % de recyclage des emballages, contre 67 % actuellement), soit la réduction du nombre de déchets déposés dans nos poubelles ?