Matthieu M. - Publié le 10 septembre 2018
HABITAT - Entre la colocation et l'habitat participatif, les résidences de coliving se présentent comme une réponse à la crise du logement. Demain, tous colocs ?
Après la colocation, l'habitat participatif et les espaces de co-working, un nouveau concept d'habitation est en train de se développer, il s'agit du “coliving”.
Oui, encore un anglicisme ! Si cet emprunt à la langue de Shakespeare vous fait dresser les poils, alors ce mode de vie tout droit issu de la côte ouest des États-Unis n'est sûrement pas fait pour vous !
Pour répondre à la densité du milieu urbain et à notre besoin toujours plus fréquent d'être mobile, le concept est simple : disposer d'un petit espace privatif, dans lequel on trouve une chambre, une salle de bains voire une kitchenette, et des espaces communs.
À l'origine, le coliving est avant tout un moyen de disposer “d'espace qu'on ne pourrait pas se permettre d'avoir si l'on vivait seul”, explique Stéphanie Morio, architecte au sein de l'agence Bond Society et autrice de l'étude “HOMY - Coliving, cohabiter”
Mais l'originalité, c'est avant tout la capacité qu'ont ces lieux de vie à s'adapter à la demande des personnes qui y vivent.
Proposer des services nouveaux pour locataires exigeants
La résidence marseillaise Babel Community illustre à merveille cette volonté de répondre aux besoins des résident-es des espaces de coliving.
Ouverte en septembre 2017, la résidence fait figure de terre promise pour la “génération start-up”. En plus des appartements privatifs allant du studio au T2, Babel Community propose de nombreux services annexes tels que la salle de sport, une salle de cinéma, un restaurant et un espace de coworking.
Christina Woonings, directrice des opérations de la résidence de Marseille justifie cette offre par la “recherche d'expériences sociales” de la génération Millenials. “Ils ne sont plus dans la même démarche que leurs parents. Ils n'aspirent pas à la propriété, à un logement ou un emploi stable”, rappelle-t-elle.
Bien que l'installation soit souvent provisoire, l'idée est de créer du lien et rompre la solitude dans laquelle il est aisé de sombrer lors de l'installation dans une ville nouvelle. La manière idéale pour ces jeunes urbains de rencontrer de nouvelles personnes et de se sentir intégrés.
Des espaces de coliving aussi divers que les profils qui les habitent
Pourtant le coliving n'est pas qu'un énième concept à la mode à destination des millenials comme nous le rappelle Stéphanie Morio. “C'est un habitat qui concerne les personnes qui sont en transition de vie”, souligne-t-elle. Changement de travail, familles en cours de divorce ou personnes en pré-retraites, il y en a pour tous les goûts ! Des séjours transitoires qui se limitent pour la grande majorité à des périodes courtes, moins d'un an en général.
Et l'architecte de préciser : “Aujourd'hui, le coliving s'adresse à des gens qui ont des moyens financiers, un revenu qui se situe dans la moyenne haute.” Ce qui n'empêche pas la diversité. La dizaine d'espaces de coliving qui existe en France sont à l'image de celles et ceux qui les occupent : hétérogènes.
Le plus petit espace de coliving, le lime living space, se trouve à Bayonne et ne peut accueillir que 5 personnes. En comparaison, celui de Marseille rassemble 85 logements. Loin des petits studios, l'espace Seed-up à Saint Cloud propose une surface moyenne par habitant de 70 m², réservée à ses salarié-es (oui, ils vivent entre collègues...). Tandis que la Super Nana House, à Bagneux, est un lieu de vie exclusivement réservé aux femmes entrepreneures.
Si on élargit le scope hors de France : on trouve à Bali, Outpost Asia l'un des rares espace de coliving à ne recenser que 20% de célibataires, alors que la moyenne se situe bien souvent entre 80 voire 100%, comme le rappelle l'étude de l'agence Bond.
On trouve de tout on vous dit !
La Mutinerie village : l'expérience du coliving en milieu rural
De nombreux espaces de coliving ont choisi de sortir des sentiers battus. C'est le cas de la Mutinerie village, un espace de coliving et de coworking en plein milieu de la campagne, à Saint Victor de Buthon dans l'Eure-et-Loir.
Antoine, 30, designer industriel a décidé de s'y installer, il y a maintenant 4 ans. Hébergé dans un studio qu'il paye 450 euros par mois, le jeune homme partage son quotidien avec des résidents temporaires qui viennent l'espace de quelques jours, travailler sur leur projet, au vert.
L'ambiance y est volontairement participative. Pour que les résidents “s'approprient les lieux, tout le monde met la main à la pâte”, précise-t-il. Les habitant-es, temporaires ou non, gèrent tour à tour le ménage, l'entretien du potager en permaculture et les repas. Tout cela fonctionne sans règlement, ni contrainte. “Les gens qui viennent ici sont prêts à faire ce genre de chose”, rappelle Antoine.
À la Mutinerie village, les résidents viennent chercher un équilibre entre l'émulation de la ville et la tranquillité de la campagne. “Au départ, cela me faisait peur de me retrouver à la campagne, d'être isolé. Mais ici on a tous les avantages : le calme et des gens avec qui échanger toute la journée”, conclut-il.
Le coliving a remplacé le concierge par un community manager
À Marseille, c'est le style de vie qui rassemble les résident-es. Un style de vie qui n'a rien à voir avec l'ambiance éco-village, puisque Babel Community a pour ambition de répondre aux moindres désirs des habitant-es. Ce mode de vie a même créé un nouveau métier : dites adieu aux concierges, bienvenue aux community manager du logement !
C'est un des rôles qu'endosse Christina Woonings chez Babel Community. “Chef d'orchestre de la résidence”, la community manager a pour mission de “créer une émulation de groupe et d'animer la communauté Babel.”
Bien que le service ne soit pas encore tout à fait opérationnel, l'objectif serait de proposer “des services de pressing, de cordonnerie ou encore les meilleurs plans pour aller visiter Cassis”, nous précise-t-elle.
Une chose est certaine, Corentin, locataire de l'espace de coliving marseillais depuis février n'a pas envie de partir, malgré la fin prochaine de son stage dans la cité phocéenne.
Malgré les 730 euros mensuels de son studio, un prix bien plus élevé que le loyer moyen pour une surface identique à Marseille, ce jeune étudiant en école de commerce y a trouvé son compte. “Avec tous les équipements dont on dispose, il y a un retour sur investissement qui est logique”, souligne-t-il.
Un constat que partage Stéphanie Morio. “Le coliving n'est pas plus cher une fois que vous prenez en compte le loyer, les meubles et les abonnements.”
Au-delà de son prix, le coliving est un moyen de créer du lien, en ville surtout, à l'heure où la plupart des urbains connaissent à peine leur voisin de palier. Pour l'architecte de l'agence Bond, le principal intérêt du coliving est “la remise en question de la manière dont on perçoit l'habitat classique”, la frontière entre l'intime et le partagé. “On a pas forcément les moyens d'avoir une chambre d'amis. Si on est 25 à la payer, cela fonctionne !”
Alors que le gouvernement tente de mettre en place un bail de trois mois pour cette génération qui a la bougeotte, le coliving apparaît aujourd'hui comme une alternative crédible.