Lisa Hör - Publié le 23 décembre 2018
AIR PUR - Pour lutter contre la pollution de l'air, architectes et constructeurs déploient des solutions surprenantes, à base de matériaux innovants et d'algues.
La pollution de l'air provoque 48 000 morts en moyenne par an en France, d'après une étude de Santé Publique France. Et si l'architecture permettait aux habitant-es des villes de mieux respirer et de vivre plus longtemps ?
C'est la promesse de plusieurs projets d'immeubles en France. Certains utilisent une technique connue depuis les années 1970, la photocatalyse. D'autres veulent intégrer des micro-algues aux façades.
De nouveaux matériaux pour dépolluer les villes
Fin novembre 2018 a été posée en Alsace la première pierre d'une résidence dont la façade sera “capable d'absorber l'équivalent des rejets en CO2 de 20 voitures à l'année”, affirme le promoteur Trianon Résidences.
En réalité, ce n'est pas le dioxyde de carbone (l'un des principaux gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique), qui sera éliminé. Mais bien d'autres gaz, notamment les oxydes d'azote (NOx), émis par les voitures et dangereux pour la santé. Même si l'argument mis en avant par le constructeur n'est pas le bon, cela reste donc une bonne nouvelle !
Mais comment cela fonctionne-t-il ? Cet immeuble va être recouvert avec un parement en béton innovant, qui utilise la technologie photocatalytique TX Active®. La photocatalyse, en quelques mots, est une réaction physique qui se produit lorsque des gaz entrent en contact avec un matériau catalyseur exposé au rayonnement ultraviolet (par exemple du soleil). Au contact de ce matériau, ici un béton, les gaz dangereux sont transformés à plusieurs reprises. Toute la question est de savoir ce qu'on obtient avec cette réaction en chaîne.
“À la fin de la photocatalyse, on est censés obtenir de la vapeur d'eau et du dioxyde de carbone”, explique Laurence Galsomiès, docteur ès sciences de l'environnement au service qualité de l'air de l'Ademe, qui renvoie vers cette fiche technique. Problématique, car ce sont deux gaz à effet de serre ! De plus, “la réaction en chaîne peut s'arrêter en cours de route et on peut se retrouver avec d'autres composés polluants”, ajoute Laurence Galsomiès.
Les Ciments Calcia, qui ont développé ce revêtement, se veulent quant à eux rassurants et mettent en avant un autre résultat : “Les oxydes d'azote sont transformés en sel”, assure Romain Merling, ingénieur et responsable de la prescription. “Quand il pleut, ce sel est lessivé et transformé sous forme liquide. Mais cela représente une très faible quantité dans les eaux de rejet.”
Dans tous les cas, la photocatalyse, mise en œuvre avec de nombreux matériaux innovants, des bétons au carrelage en passant par les peintures, reste complexe et ne fait pas purement et simplement disparaître la pollution.
Des algues à la conquête des immeubles
Et le CO2 alors ? Comment les immeubles pourraient-ils en réduire la concentration en ville ? Les architectes Anouk Legendre et Nicolas Desmazières, de l'agence XTU, misent sur les microalgues ! La façade de leur immeuble In Vivo, qui doit être construit dans le 13e arrondissement de Paris, en sera couverte.
Ces micro-algues se développeront dans un double vitrage rempli d'eau et seront alimentés avec de l'air prélevé à l'extérieur du bâtiment. “Elles consomment du gaz carbonique, qu'elles transforment en oxygène et en biomasse, détaille Anouk Legendre. C'est une façon simple de décarboner.”
Autres avantages : ces algues pourront être récoltées et transformées, en aliments par exemple, et l'hiver, la façade agira comme une serre pour chauffer le bâtiment et économiser l'énergie.
Petit bémol : cela suppose de construire de nouveaux bâtiments de A à Z. Le studio d'architecture londonien EcoLogicStudio a conçu une autre solution, plus flexible : un rideau en bioplastique, rempli de micro-algues, à installer sur n'importe quelle façade. Mais ce rideau ne se fond pas vraiment dans le décor… Que donnerait-il sur des immeubles historiques ?
“L'architecture du futur doit être vivante et dynamique et intégrer des bactéries”, affirme Claudia Pasquero, membre du duo à l'origine de ce rideau d'algues. Pourquoi pas des arbres plutôt, à l'image de cet immeuble forêt ? “Je ne suis pas contre les arbres, répond l'architecte. Je suis pour examiner différentes possibilités, mais les algues sont plus adaptées à un environnement urbain très dense.”
D'ailleurs, les arbres peuvent aussi soulever d'autres problèmes, souligne Laurence Galsomiès, de l'Ademe : “Certaines espèces de chênes émettent des COV (ces composés organiques volatils qui polluent aussi l'air intérieur des habitations, ndlr.), et d'autres arbres peuvent émettre des pollens très allergisants.”
D'où l'intérêt de se tourner vers d'autres végétaux, comme les algues, ou encore la mousse de ce mur végétal capable d'absorber autant de CO2 que 275 arbres.
Malgré tout, aucune solution n'étant totalement neutre pour l'environnement, ne serait ce que pour l'énergie nécessaire à la déployer, le mieux reste “de traiter le problème à la source, et de ne pas polluer”, comme le reconnaît l'architecte Anouk Legendre. Et de ce côté, on connaît la solution : moins de voitures ! C'est un autre défi…