Kevin Sonsa-Kini - Publié le 19 septembre 2020
ENVIRONNEMENT - Les deux mois de confinement nous ont habitués au silence, au calme, au chant des oiseaux... même en ville ! Comment retrouver cette sérénité sonore aujourd'hui ?
Le confinement a-t-il été une parenthèse enchantée pour les nuisances sonores en ville ? Si les bruits des voitures et des travaux ont en effet vite repris après le 11 mai, en revanche, il semble qu'il y ait un avant et un après dans l'esprit des gens. Plus rien ne sera pareil, maintenant qu'ils ont goûté aux voluptés du silence en agglomération.
Dans les médias, on ne compte plus les témoignages de gens qui ont pris conscience de l'inconfort sonore dans lequel ils vivaient auparavant, jusqu'à se demander : "mais comment je faisais avant pour supporter ça ?" Entre déménagements à la campagne et crises de nerfs, la rentrée demeure mouvementée !
Mais rien n'est perdu, nous explique Antoine Perez Munoz, chef de projet dans l'accompagnement des politiques publiques chez Bruitparif, le centre d'évaluation technique de l'environnement sonore en Ile-de-France. Dans cet entretien accordé à 18h39, il nous explique les mesures à prendre pour envisager un environnement sonore plus calme en ville.
18h39 : Comment cette baisse du niveau sonore en milieu urbain a-t-elle été perçue durant le confinement ?
Antoine Perez Munoz : Durant cette période, les cafés, restaurants et aéroports étaient fermés. Chez Bruitparif et avec un organisme qui s'appelle Acoucité et qui a mis en place une enquête de ressenti, nous avons pu traiter et récupérer les résultats de la région Île-de-France. Le ressenti des répondants va dans le même sens avec une perception beaucoup plus accrue d'éléments étouffés par l'environnement sonore de type chants d'oiseaux, bruits naturels.
Si on se projette un petit peu, on pourrait penser que l'épisode du confinement nous aura fait gagner une sensibilisation au sonore et sur ce que pourrait être la qualité de vie avec un environnement sonore différent. On voit clairement que l'enjeu économique et les conséquences économiques qu'on doit supporter ont un prix à payer, qui n'est pas justifié par la qualité de l'environnement sonore qu'on gagne. Mais ça porte sur le devant de la scène ces questions et, du coup, la nécessité de mettre en place, sur le long terme, des solutions qui permettraient de protéger l'environnement sonore.
Comment est-il possible de retrouver le calme sonore urbain que nous avons perdu depuis le déconfinement ?
Il y a des actions qui vont dans le sens d'une adaptation à la situation actuelle due à la présence du virus. Celles-ci auront un effet bénéfique sur l'environnement sonore. Dans les espaces urbains, on peut espérer à terme une diminution nette du bruit routier grâce à un recours massif au vélo et autres modes de déplacement de type trottinette, qui sont mieux adaptés à la pandémie. Même si le but n'est pas de lutter contre le bruit, il sera plus profitable d'utiliser des véhicules moins polluants et plus silencieux.
Une ville sans voiture serait-elle la norme pour réduire le bruit en ville ?
Je ne suis pas spécialement pour une ville sans voiture, mais une ville dans laquelle la voiture individuelle aurait beaucoup moins sa place. On mettrait par exemple des secteurs sans voiture. C'est une tendance qui émerge dans beaucoup de métropoles à travers le monde, et aussi à Paris. Après, il faut que cette démarche soit largement partagée pour que ce ne soit pas certains habitants qui en bénéficient et d'autres non.
Y a-t-il des politiques d'urbanisme à mettre en place pour réduire le bruit en ville ?
L'idée de mettre en place des politiques d'urbanisme est en train de faire son chemin. Toutes les opérations d'urbanisme prennent en compte la question du bruit de manière un peu encadrée et réglementée. On est amené systématiquement à devoir gérer les contraintes du bruit. Donc il faut trouver des solutions qui permettent au maximum de lutter contre le bruit à la source et de protéger les logements, pas seulement en les isolant correctement du bruit extérieur. Il faut aussi protéger, éloigner, orienter et en dernier recours, isoler correctement les habitations. On peut protéger en isolant les infrastructures, c'est-à-dire installer des murs anti-bruit ou couvrir les voies routières ou ferrées.
On peut aussi construire un front de bâtisse continu le long des infrastructures, éventuellement avec des bâtiments à vocation non résidentielle. Ceux-ci permettent d'avoir en retrait des zones calmes, y compris à l'extérieur des habitations. Le volet de protection permet de valoriser le bâti qu'on utilise à des champs d'activités de bureau ou tertiaire. Dès qu'on éloigne les constructions de l'infrastructure, on constate rapidement une diminution du bruit. Si vous doublez la distance par rapport à l'infrastructure, vous diminuez de trois décibels, le niveau de bruit ressenti. C'est un principe qui se heurte à la valeur du foncier en milieu urbain.
Enfin, il y a un autre volet qui est l'orientation du bâtiment. C'est le fait de pouvoir jouer sur la taille des immeubles de manière à utiliser cet effet écran. Le but, c'est d'éviter de créer des façades très exposées au bruit, éviter aussi de créer des bâtiments qui provoqueraient des caisses de résonnance. Clairement, les solutions d'ordre urbanistiques sont identifiées comme des moyens d'éviter de créer des situations de surexposition chez les futurs résidents.
L'Autriche par exemple, a mis en place, des écrans anti-bruit sur les abords des voies rapides. Doit-on suivre ce type d'exemple en France ?
C'est un principe de lutte contre le bruit qui constitue une solution de premier recours quand elle est possible. Les écrans anti-bruit ont l'avantage de créer des zones de calme, notamment en milieu extérieur. Elles peuvent protéger l'intérieur des logements et aussi les zones pavillonnaires d'une voie ferrée ou d'une voie rapide. C'est cette solution qui est souvent réclamée par les riverains.