Matthieu M. - Publié le 18 juin 2020
NUISIBLE - Face à l'invasion de moustiques, les riverains s'agacent. Mais les villes sont-elles en mesure d'éradiquer le problème ?
“Ras le bol !”, s'exclame au téléphone Virginie de Kerhor, Bordelaise qui a lancé une pétition le 27 mai dernier intitulée “Monsieur Florian engagez-vous à traiter les moustiques sur la ville de Bordeaux.”
Son initiative a pour but d'interpeller la municipalité et son maire afin de trouver une solution à un problème qui lui gâche la vie : les moustiques. “Depuis trois ans, on est envahi par les moustiques. L'après midi, on doit s'enfermer dans les maisons, portes et fenêtres fermées. On ne peut pas profiter de nos jardins ”, indique-t-elle. Problème selon elle, la ville ne fait rien ou en tout cas pas assez. “Ils ont délégué cela à Bordeaux métropole. Il y a 9 types qui sont chargés de la démoustication pour tout le territoire de Bordeaux”, s'indigne Virginie de Kerhor.
Pour cette agente immobilière qui vit à Bordeaux depuis 48 ans, la municipalité n'investit pas assez de moyens dans la lutte contre la prolifération des moustiques et la stratégie mise en place par la mairie n'est pas la bonne. “Aujourd'hui on est sur du préventif, on tue des larves. Il faut faire du curatif”, précise-t-elle.
Le moustique tigre : une espèce invasive en plein essor
Mais alors que peuvent faire les villes face à cette “invasion” de moustiques ? Gilles Besnard est entomologiste au sein de l'Entente Interdépartementale de Démoustication (EID) Rhône-Alpes et pour le scientifique, il est important de faire la distinction entre le moustique tigre et le moustique “classique”.
Le moustique tigre, reconnaissable à ses rayures noires et blanches, est un invasif qui vient d'Asie et se développe dans tous les petits objets autour des maisons : les seaux, les coupelles sous les plantes, les gouttières. Pour rappel, le moustique tigre peut transmettre des maladies comme la dengue, le chikungunya ou zika, mais les cas restent très rares en France et concernent principalement l'Outre-Mer. “La problématique, c'est que l'action ne peut être menée que chez les particuliers. Mais aucune instance n'est autorisée à entrer chez eux”, rappelle Gilles Besnard.
La population de moustique classique, elle, n'augmente pas d‘après le scientifique. Il faut donc s'occuper en priorité des moustiques tigres si l'on veut agir sur le bien-être des riverains. “La commune peut communiquer, donner l'information nécessaire au citoyen, mais elle ne peut pas le faire à sa place”, souligne l'entomologiste.
Une lutte préventive et écologique contre les larves de moustiques
Du côté de Bordeaux Métropole, on confirme : “Bordeaux est implanté sur des zones humides productrices de moustiques. Il y en a toujours eues. Mais depuis 2014, on constate l'émergence d'une espèce en particulier sur le territoire, le moustique tigre, qui se développe à 80% dans les jardins privés”, nous explique Christophe Courtin, chargé d'études et de coordination au sein du centre de démoustication de Bordeaux Métropole.
Alors quels sont les moyens d'action des municipalités quand les moustiques se développent sur l'espace public ? Repérer puis éliminer les gîtes de larve de moustique, nous assurent les spécialistes. Une approche préventive de la prolifération. Mais ce n'est pas tout. En plus de recenser les zones humides où stagne l'eau, la municipalité peut utiliser un bioinsecticide, le Bti, pour tuer la larve du moustique dans l'eau. “Quand les moustiques adultes sont dans l'air, c'est plus compliqué. Depuis 10 ans, on ne peut plus utiliser de produits qui ont un impact sur les populations de pollinisateur”, nous apprend Christophe Courtin.
Une réponse qui ne satisfait pas Virginie de Kerhor, pour qui le choix entre écologie et bien-être est vite fait. “J'estime qu'il y a un équilibre à trouver entre la protection des petites abeilles et la santé humaine !”, s'insurge la bordelaise.
À Carpentras, dans le Vaucluse, la ville expérimente depuis un an un dispositif écologique de lutte contre les moustiques, les bornes de la société Qista. Confrontée à une population de moustiques de plus en plus importante depuis quelques années, “la municipalité a une responsabilité concernant la prolifération à cause des bassins de rétention”, indique la mairie. En plus de l'installation de grilles fines sur les arrivées d'eau de la commune et de l'utilisation de pastilles de Bti, la mairie a installé des bornes anti-moustiques au niveau des bassins de la commune, une dizaine environ.
“La borne attire les moustiques avec du CO2 grâce à un leurre biologique. Les moustiques femelles s'approchent pour piquer et un ventilateur les bloque. Elles ne peuvent plus redécoller”, détaille la mairie. Depuis mi-avril 2020, les bornes ont capturé 2495 moustiques. Bien que cette technologie atténue la nuisance, les services de la mairie sont catégoriques : la prévention auprès des riverains est primordiale.
Sensibiliser les particuliers pour régler le problème
Alors que faire ? “Grillager, vider les pots de fleurs, ne pas laisser les gamelles du chien pleine d'eau”, insiste la mairie de Carpentras. Une stratégie qui porte ses fruits en Outre-mer où d'importantes campagnes de communication sont mises en place pour inviter les particuliers à détruire les gîtes de larve, responsables notamment de l'épidémie de Dengue à la Réunion, nous apprend France Info.
Quoi qu'il en soit, malgré tous les efforts du monde, une éradication totale du moustique n'est pas possible. “On ne pourra pas arriver à la situation zéro moustique, il ne faut pas rêver”, rappelle Christophe Courtin. Impossible mais pas souhaitable non plus, souligne la mairie de Carpentras.
Le moustique est un maillon de la chaîne alimentaire : “les moustiques sont l'aliment principal des hirondelles et des chauve-souris.” Une bonne raison de vous lancer dans la construction d'un abri à chauve-souris. Un gardien 100% naturel pour vous débarrasser des piqûres de moustiques !