Lisa Hör - Publié le 25 février 2019
BIEN CHEZ SOI - La fumée de cigarette s'infiltre partout, même chez les non-fumeurs. Quels sont les recours et les solutions techniques pour se protéger ?
Quand elle ressort de sa salle de bains, Isabelle sent la cigarette. Pourtant, elle n'a jamais fumé de sa vie : c'est la fumée de ses voisins qui s'infiltre dans son appartement. “Ça doit passer par les tuyaux, et il y a sans doute des fissures sous la baignoire”, analyse-t-elle. Si elle oublie de fermer la porte, l'odeur se diffuse dans les autres pièces.
Ce tabagisme passif à domicile est loin d'être anecdotique. “Ça représente 60 à 80 % des plaintes qu'on reçoit aujourd'hui”, estime Céline Fournier, responsable communication de l'association Droits des Non-Fumeurs. “Les gens sont protégés au restaurant, sur leur lieu de travail, ils deviennent moins tolérants à la fumée de tabac.”
À raison, puisque le tabagisme passif a de nombreuses conséquences sur la santé, a fortiori chez les personnes asmathiques. Alors, comment respirer un air sain chez soi ?
Une cigarette = 3 à 4 mois de pollution
“L'impact d'une seule cigarette dans un logement dure de 3 à 4 mois”, comme le souligne Nicolas Blondet, responsable de l'Association de Promotion de la Qualité de l'Air Intérieur et du nouveau label Intairieur. Les revêtements, les meubles, les tissus absorbent les 4000 substances toxiques de la fumée, et les relarguent dans l'air intérieur au fur et à mesure. Et contrairement à ce que l'on pourrait penser, la fumée d'une cigarette fumée à la fenêtre ne reste pas à l'extérieur.
Mais impossible d'interdire à ses voisins de fumer chez eux : “le bailleur ne peut rien dire, précise Céline Fournier. On a obtenu quelques médiations, pour trouver une solution commune, mais c'est quand même assez à la marge.” En revanche, la loi bannit la cigarette des parties communes des immeubles (halls d'entrée, escaliers, ascenseurs…). Si elle n'est pas respectée, chacun-e peut saisir son syndic et demander à ce qu'une signalétique soit mise en place, avec un rappel collectif.
Comme l'association DNF l'explique sur son forum, il est possible de porter plainte contre un voisin, pour trouble anormal de voisinage, mais “il vous faudra réunir des preuves suffisantes qui démontrent le caractère excessif de ce trouble.”
Écrire à son bailleur ou au syndic
Pour limiter les dégâts, mieux vaut laver les tissus régulièrement, plutôt que d'utiliser des sprays anti-odeurs, eux-mêmes émetteurs de particules polluantes. Aérer son logement 10 minutes chaque jour, même en hiver, est aussi indispensable.
Si le logement est équipé d'une ventilation mécanique contrôlée (VMC), il ne faut surtout pas obstruer les entrées d'air dans les pièces de vie, ni retirer les bouches d'extraction dans la cuisine, la salle de bains et les toilettes. Sinon, l'air vicié ne sortira pas.
Pour limiter la fumée de cigarette (et les autres polluants extérieurs) brassée par l'air extérieur, Nicolas Blondet conseille d'installer des entrées d'air filtrantes, en vérifiant en magasin qu'elles sont bien compatibles avec votre VMC et ne vont pas diminuer son débit.
Mais, dans l'ancien, la fumée des voisins peut passer par une multitude de petites ouvertures, par exemple à travers un plancher en bois. L'association DNF explique dans une brochure comment demander au bailleur ou au syndic de copropriété “de tout mettre en œuvre pour protéger les parties communes et votre appartement des nuisances tabagiques, que la propagation de la fumée se fasse par les portes, les conduits d'aération, les balcons ou les fenêtres de vos voisins”.
La solution ultime serait de rendre les logements parfaitement étanches et d'installer une VMC double-flux, qui filtre mieux les polluants extérieurs. Mais un bailleur ou un syndic qui se lancerait dans de tels travaux ferait preuve d'une exceptionnelle bonne volonté, alors qu'aujourd'hui, la tendance est plutôt à faire la sourde oreille.
Un jour peut-être, des immeubles non-fumeurs verront-ils le jour en France, comme cela se fait au Québec. La question soulèvera sans doute d'intenses débats, mais elle mérite d'être posée !