Emmanuel Chirache - Publié le 13 mai 2019
AUTOCONSTRUCTION - Livres et dessin animé à succès dans les années 70, les Barbapapa ont contribué à populariser la cause écolo. Leurs "maisons bulles" ont notamment marqué l'esprit des enfants.
Les Barbapapa squatteurs de maison, ça vous étonne ? C'est pourtant ainsi que commence l'une de leurs aventures, durant laquelle Barbapapa cherche un lieu pour y loger sa femme, ses trois filles et ses quatre garçons. Ils s'installent alors tous dans une belle maison en ruines, qu'ils décorent et retapent à leur manière. Hélas, des promoteurs immobiliers viennent vite la raser et voici les Barbapapa relogés dans une barre HLM.
Coincée entre quatre murs dans un habitat moderne et froid, la famille s'ennuie à mourir et prend cette décision révolutionnaire : elle va fabriquer en pleine nature une maison bulle moulée sur le corps rose et rond du paternel. En quelques pages, les Barbapapa racontent la crise du logement suite au baby-boom, l'urbanisation galopante des périphéries et l'émergence de l'habitat écologique, avec une audace rare dans un livre pour enfants. Comme le résume l'écrivain Aurélien Bellanger sur France Culture : "Tout ce que les Français savent de l'urbanisme, ils l'ont appris en lisant Barbapapa".
Une architecture organique à l'image de ses habitants
Pour offrir à la famille Barbapapa une maison qui lui ressemble, la dessinatrice - et architecte - Annette Tison s'est inspirée de deux anticonformistes des années 60 : le Finlandais Antti Lovag et le Suisse Pascal Haüsermann, créateurs de bulles étonnantes en béton. Dans la lignée de l'architecture organique conçue par Frank Lloyd Wright, les maisons bulles obéissent à l'idée de modularité, l'habitat doit s'adapter aux individus, mais aussi à l'environnement en s'inspirant de la nature, de ses lignes rondes, de sa flexibilité face aux aléas, de son originalité singulière.
Chez les Barbapapa, chaque pièce de la maison correspond à la personnalité et aux besoins d'un habitant, qui vit dans un petit cocon à son image. Ainsi le savant Barbidul peut installer une lunette astronomique à travers une percée dans le plafond et la musicienne Barbalala placer un pavillon acoustique tourné vers l'extérieur. Quant à l'environnement tout autour, ruisseaux, serres, arbres fruitiers, potagers, il respecte la nature et invite à sa contemplation. Une véritable utopie soixante-huitarde en somme, où convictions écologiques et épanouissement individuel hédoniste vont de pair.
Earthships, tiny houses et maisons en terre
Attention, tout n'est pas parfait dans le phénomène des maisons bulles. Déjà, certains esprits taquins peuvent l'interpréter comme une dérive de l'individualisme forcené, qui sans le vouloir a recréé un nouveau conformisme, celui de la banlieue pavillonnaire où chacun possède sa chambre, son jardin, son garage. Surtout, elles sont construites dans un "barba plastique" dont rien ne dit qu'il est écolo, tout comme les maisons d'Antti Lovag étaient fabriquées en plastique et en béton.
Pourtant, leur puissance d'évocation reste intacte. Alors qu'ils vont bientôt fêter leurs 50 ans, les Barbapapa démontrent qu'une autre vision de l'habitat est possible, une vision certes individualiste, mais plus humaine, plus écologique, plus autonome. Aujourd'hui, il semble même que cette vision s'impose de plus en plus dans le paysage grâce au développement de l'autoconstruction. Earthships, tiny houses et maisons en terre doivent toutes un barbatruc aux Barbapapa.