Marie Tétrel - Publié le 30 avril 2019
PATRIMOINE - Utiliser du bois pour refaire la charpente, créer un espace libre d'accès aux touristes, installer une serre sur le toit... Et si Notre-Dame s'adaptait à son époque ?
Depuis l'incendie, la reconstruction de Notre Dame est au cœur des débats. D'un côté, les puristes réclament une rénovation à l'identique. De l'autre, les visionnaires imaginent un espace futuriste, avec toiture en verre et flèche de carbone. Et si ce débat dépassait la simple opposition des conservateurs et des modernes ?
De nombreux professionnels profitent des discussions pour intégrer à la réflexion des enjeux actuels. Nous avons interrogé deux d'entre eux pour savoir comment inscrire Notre-Dame autant dans son histoire ancienne que dans notre contemporanéité.
Rénovation écologique, ouverture de l'espace au grand public, biodiversité… Et si Notre-Dame priait pour la planète ?
Ouvrir la toiture au public
"Rendre des parties de ce monument historique plus accessibles au public me semble essentiel", introduit l'architecte Nicolas Laisné. Il préconise un aménagement de la toiture pour en faire profiter le plus grand nombre, tout en respectant le patrimoine.
Nicolas Abdelkader, du studio Nab, propose une autre forme d'ouverture dans son projet imaginaire. "J'imagine l'espace comme un lieu d'apprentissage, d'insertion pour les gens en difficulté." Le créatif a imaginé construire une serre sur le toit de Notre-Dame, projet qui a fait beaucoup réagir, notamment sur les réseaux sociaux. “La serre permettrait à ces gens de se former, de se réinsérer dans la société en travaillant la terre."
Utiliser le bois comme matériau écolo
"Le bois est un matériau qui fait le lien parfait entre l'histoire et l'avenir. On l'utilise depuis toujours, mais c'est aussi un matériau digne du XXIe siècle", explique l'architecte Nicolas Laisné, qui a fait de sa spécialité la construction moderne en bois. Selon lui, il cumule trois avantages : haute résistance au feu contrairement au métal, faible empreinte carbone, rapidité de mise en œuvre. "Et il répond aux ambitions écologiques qui animent chacun d'entre nous."
Pour celles et ceux qui s'indignent contre une possible déforestation causée par le besoin de matière première, Nicolas Laisné a une réponse, sans langue de bois. "En France, on a aujourd'hui tout à fait assez de ressources pour reconstituer la cathédrale en bois. Il faut savoir qu'en on exporte 60% directement en Chine pour en faire des meubles. Alors on peut bien garder un peu de bois pour refaire Notre-Dame."
Dans une optique encore plus écolo et innovante, d'autres cabinets ont aussi réfléchi à reconstruire Notre-Dame directement avec des matériaux écolos. C'est le cas par exemple du studio de design Drift, qui propose d'installer des tuiles fabriquées à base de plastique retrouvé dans les océans.
Apporter un peu de biodiversité dans la ville
Dans son projet imaginaire, Nicolas Abdelkader réfléchit à aménager le toit sous forme de serre, pour symboliser la charpente brûlée, surnommée "la forêt". Il émet néanmoins des réserves : "Il ne faut pas l'oublier, c'est une bâtisse qui date du XIIe siècle. Le diagnostic n'a pas encore été réalisé, mais pour que le bâtiment supporte un plancher avec de la végétation, c'est pas gagné."
Il imagine également, en référence aux ruches qui ont survécu à l'incendie, de transformer la nouvelle flèche en rucher. "Nous pourrions y produire le fameux « nectar des dieux »."
Trouver un nouvel usage à la toiture sans la dénaturer
Il n'est pas question pour Nicolas Laisné de faire de la toiture un lieu sans âme. "C'est très important pour moi que cet endroit garde un certain mystère. On parle du mystère de la foi, il faut que ça reste à la fois un lieu accessible mais qui garde un certain mystère."
L'architecte fait notamment référence à certains projets proposés par d'autres agences, qui transforment l'espace en un lieu aseptisé, avec une toiture en verre transparent ou une flèche de métal.
Ouvrir le concours à toutes et tous
"Je pense que le concours va être un concours restreint. Il y a des chances pour qu'il n'y ait que 4 ou 5 agences d'architecture très connues qui pourront y participer", se désole Nicolas Abdelkader. "On devrait ouvrir le concours aux petites agences, voire demander l'avis des citoyens."
Selon le designer, "les agences stars font des projets d'égo très tournés vers la forme, vers l'expression formelle des choses, la plastique." Nicolas Abdelkader espère que les projets qui seront proposés apporteront une dimension plus onirique, incluant des thématiques actuelles, comme l'écologie, le retour de la biodiversité… Un geste fort pour la planète et pour le symbole que représente Notre-Dame.
Si vous souhaitez également apporter votre pierre à l'édifice, vous pouvez faire un don pour la reconstruction de Notre-Dame.