Matthieu M. - Publié le 30 mars 2020
MAISON - La situation des femmes à la maison risque d'être plus difficile pendant la quarantaine. Nous avons demandé à des spécialistes comment inverser la tendance.
Et si le confinement faisait voler en éclats la répartition des tâches au sein des foyers ? Ménage, vaisselle, courses ou devoirs des enfants : sans grande surprise, ce sont souvent les femmes qui risquent de pâtir de cette organisation nouvelle, surtout si elles télétravaillent et qu'elles sont mères.
À la maison, les femmes en font plus que les hommes, ce n'est un secret pour personne. Pour preuve : selon une étude IFOP de 2019, 73% des femmes françaises estiment faire plus de tâches ménagères que leur conjoint à la maison. Ces dernières consacrent en moyenne 3h30 de leur journée aux tâches domestiques contre 2h pour les hommes selon l'Observatoire des Inégalités.
Le coronavirus va-t-il renvoyer le couple dans les années 50 ?
En période de confinement, la situation a de grandes chances de s'aggraver. “Ce qui pose problème c'est de se retrouver à devoir garder les enfants pendant que le mari télétravaille alors que l'on doit soi-même télétravailler”, souligne le docteure Aurélia Schneider, psychiatre et spécialistes des thérapies comportementales, autrice de l'ouvrage La charge mentale des femmes… et celles des hommes (Ed. Larousse, 2018).
Même en période de crise sanitaire et de quarantaine, il n'y a pas de raison pour que l'un des parents soit davantage en charge des enfants et des tâches domestiques que l'autre. Surtout quand les deux parents travaillent depuis la maison.
Évidemment, il ne s'agit pas “de donner des préconisations universelles et applicables unanimement à chaque famille”, comme le rappelle Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne, autrice de La charge mentale des enfants, quand nos exigences les épuisent (Ed. Larousse, 2020). Car les situations familiales sont différentes selon l'âge des enfants ou la situation professionnelle des parents.
Pourtant, comme le souligne Helen Lewis dans son article publié dans le média américain The Atlantic et intitulé “Le coronavirus est un désastre pour le féminisme” : “l'un des effets les plus saisissants du coronavirus sera de renvoyer de nombreux couples aux années 50. Autour du monde, l'indépendance des femmes sera une victime silencieuse de la pandémie.”
La situation inédite que nous expérimentons toutes et tous, même dans les couples où le partage des tâches est savamment réparti, risque de reproduire les vieux schémas traditionnelles où la femme s'occupe du foyer tandis que l'homme travaille. Pour le docteure Schneider, cela s'explique par l'incertitude de la situation économique. Comme en moyenne, l'homme gagne plus qu'une femme, “il va vouloir bosser plus, par peur que la famille ne manque d'argent au bout d'un moment”, précise-t-elle. Par conséquent, dans un couple hétérosexuel, la femme hérite des enfants et du ménage.
Communiquer avec son conjoint et impliquer les enfants pour ne pas subir le confinement
Fort heureusement, rien n'est irréversible. La première chose à faire si vous constatez un changement en votre défaveur, c'est d'en parler, se concerter. “Il faut échanger sur nos impératifs respectifs, les temps de pause possibles, les ajustements envisageables et selon surtout la flexibilité que notre métier ou que l'employeur nous donne”, indique Aline Nativel Id Hammou.
En somme : chaque soir, faites en sorte d'organiser l'emploi du temps du lendemain. Car l'égalité stricte et parfaite des tâches n'est pas possible, le tout est de trouver un rythme qui convienne à chacun. Et ce n'est pas parce qu'une femme est mère au foyer qu'elle doit gérer toute la journée les enfants et la maison, tandis que son mari travaille ou se repose. “Tout le monde participe, c'est absolument indispensable”, souligne le docteure Schneider.
Pour cela, Aline Nativel Id Hammou conseille d'élaborer un planning pour la semaine, dans lequel chacun indique ce qu'il peut faire. Si cela ne tient pas, Aurélia Schneider recommande d'essayer d'y aller petit à petit, en confiant la responsabilité de deux repas par semaine au conjoint. Pendant ce temps-là, l'autre peut prendre du temps pour lui ou elle.
Et les enfants aussi doivent mettre la main à la patte. La répartition des tâches n'est pas qu'une affaire d'adulte ! “C'est le moment où jamais de leur apprendre à étendre le linge, plier les t-shirts, pareiller les chaussettes ou faire son lit”, rappelle le docteure Schneider. Pour les motiver, Aline Nativel Id Hammou propose de tourner ces missions nouvelles sous forme de jeu : “pourquoi ne pas devenir un super héros du confinement, un survivant sur le modèle de Koh Lanta ?.”
Concernant, l'accompagnement scolaire des enfants, c'est la même chose. “Il faut partir sur ce que le parent se sent de faire et surtout sur ce qu'il est le plus à l'aise”, recommande Aline Nativel Id Hammou. Mais attention à ne pas se mettre une pression trop grande, apprenez à lâcher du lest, vous êtes son parent, pas son ou sa professeur-e ! La psychologue ajoute : “les parents ne peuvent pas être tout à la fois.” Cette même règle s'applique pour les tâches ménagères : acceptez que la maison ne sera pas parfaite, tout ne doit pas être fait tous les jours.
Aurélia Schneider s'insurge contre les familles parfaites qui affichent leur “confinement de rêve” : en plus d'avoir une maison parfaitement en ordre qui ressemble à un magazine de déco, la famille fait de nombreuses activités culturelles et enrichissantes pendant la journée. “Surtout ne regardez pas ça ! C'est un anti-confinement ! Voilà comment se foutre le moral à zéro. C'est hyper décourageant. Il ne faut surtout pas regarder ce que font les autres”, s'indigne-t-elle.
Plutôt que de voir cette épreuve du confinement comme une course à la perfection, voyez comme le comme une expérience ! Qui sait, peut-être que toute la famille en sortira grandie ?