Matthieu M. - Publié le 16 octobre 2020
SOLIDARITÉ - Les 54 sites des Paysages Nourriciers de Nantes sont nés pendant le confinement pour offrir des légumes aux foyers les plus fragilisés.
Depuis plusieurs années, Nantes (Loire-Atlantique) figure parmi les villes de France les plus vertes. Mais depuis le mois de juin, une importante partie des massifs de fleurs nantais ont été transformés en potagers.
Aujourd'hui, ce sont 54 sites qui sont répartis sur toute la ville et dans tous les quartiers de la commune. Appelé “Paysages Nourriciers”, ce projet n'a pas simplement vocation à rétablir un lien entre les citadins et la production locale de légumes. Cette initiative verte s'inscrit aussi dans une démarche solidaire puisque les légumes récoltés sont distribués aux foyers nantais les plus précaires.
“Cette cinquantaine de potagers solidaires dans tous les quartiers de Nantes, c'est une manière de faciliter l'accès à une alimentation saine et durable aux personnes qui en ont le plus besoin”, a rappelé dans un communiqué, le 8 octobre dernier, la maire de Nantes Johanna Rolland (PS).
“La précarité n'a fait que se renforcer”
Cette solidarité est née pendant le confinement, comme nous l'a expliqué Franck Coutant, pilote du projet des Paysages Nourriciers, au sein du service des Espaces Verts nantais : “Pendant le confinement, le nombre de personnes précaires a augmenté. En parallèle, nos services étaient chez eux et ne pouvaient pas entretenir les massifs de fleurs. Alors est venue l'idée de planter des légumes dans les espaces libres de la ville.”
Un constat partagé par Catherine Daviaud, responsable de projet au Centre Communal d'Action Sociale (CCAS) auprès de la ville de Nantes, chargée du volet solidarité des Paysages Nourriciers. “Pendant le confinement, sur les points de distribution alimentaire venaient des personnes qu'on ne connaissait pas ou qui n'étaient pas revenues depuis longtemps. La précarité n'a fait que se renforcer”, souligne-t-elle.
Pour mettre en place cette opération, les Espaces Verts de Nantes ont eu pour mission de trouver des massifs où planter les légumes des “Paysages Nourriciers”. Au total, 54 sites dont deux pépinières de la ville ont été identifiés, ce qui représente plus de 2,5 hectares de surface à cultiver.
Des courgettes, des choux des concombres et des tomates partout dans Nantes
À partir de la deuxième quinzaine de juin, les premières graines ont été plantées. Malgré des semis tardifs, les premières récoltes de légumes d'été ont pu avoir lieu fin juillet. Courgettes, choux kale, cardes, concombres et bien sûr tomates ont poussé en plein cœur de la ville. De quoi confectionner de beaux paniers aux familles nantaises les plus fragiles. Cette première récolte a été distribuée directement aux foyers, sans passer par les banques alimentaires. “On a fait le choix de ne pas les inclure dans les distribution de légumes d'été, mais plutôt de leur faire un don de légumes d'hiver”, précise Catherine Daviaud. Et d'indiquer : “Aujourd'hui, 2500 foyers ont eu au moins un panier de légumes, parfois deux voire trois.”
Un panier c'est bien, mais cela ne permettra pas de régler le problème de la précarité alimentaire au sein d'une famille, et cela Catherine Daviaud en est bien consciente. “Les Paysages Nourriciers n'ont pas vocation à être la seule source de denrées dont les Nantais ont besoin”, rappelle-t-elle. La responsable de projet auprès du CCAS le voit davantage comme un enjeu de santé publique en proposant à la population des produits frais et locaux.
C'est aussi l'avis de Stéphanie Legoff, chargée de développement au sein de l'association nantaise ANADOM qui propose de l'accompagnement individuel à domicile auprès des personnes handicapées, âgées ou des femmes enceintes notamment. Engagée sur le terrain de la nutrition, l'association a été sollicitée avec une trentaine d'acteurs associatifs pour faire partie du projet des Paysages Nourriciers.
Des potagers pour créer du lien social et se reconnecter à la production locale
“En sortie de confinement, on nous a appelés pour savoir si on voulait une parcelle de légumes. On a dit tout de suite oui !”, s'exclame Stéphanie Legoff. Plus qu'un moyen de compléter le travail des banques alimentaires, le projet de la ville de Nantes est avant tout un outil pédagogique et de lien social. Cet été, tous les mardis, les intervenantes de l'association ont accueilli les bénéficiaires sur leur parcelle pour planter, récolter mais aussi apprendre grâce au jardinier de la ville qui se trouvait sur place.
“On a fait goûter aux familles qui ont pu repartir avec des légumes. Ça a été l'occasion d'en découvrir, d'apprendre à les cuisiner, de faire des recettes avec les enfants. Ils ont passé un bon moment de complicité”, se souvient-elle. Pour cette responsable associative, les Paysages Nourriciers ont permis de reconnecter les foyers fragilisés avec une production locale : “quand ils repartent avec des légumes, ils savent d'où ils viennent”, ajoute-t-elle.
Un élément qui a son importance selon elle, puisque les associations et banques alimentaires ont rarement l'opportunité de distribuer des fruits et légumes locaux et de saison, cultivés sans pesticide. “Le seul produit qu'on s'est autorisé à utiliser c'est le bicarbonate de soude”, s'amuse Franck Coutant. Bien que les légumes du projet nantais ne soient pas labellisés bio, la paille, les plantes et les semences utilisées le sont. En ce qui concerne la qualité des sols de l'espace public, les Espaces verts ont mis “des buttes de compost pour que les racines des plantes n'aillent pas chercher dans le sol dont on est pas sûr de la qualité”, rappelle le responsable.
Une opération qui sera renouvelée l'année prochaine
Depuis le début des récoltes, 11 tonnes de légumes ont été récoltés, l'objectif final étant de 25 tonnes. “Je pense qu'on va les atteindre”, nous assure Franck Coutant, malgré la période hivernale qui arrive à grands pas. Pendant cette période de mise au ralenti du potager, les équipes des Paysages Nourriciers vont en profiter pour récolter les pommes de terre, courges et patates douces, mais aussi semer des engrais verts. Mais avant le retour du printemps et de la nouvelle édition qui a été confirmée par la maire de Nantes, il est temps de procéder à quelques ajustements. “Au quotidien ça a été compliqué d'avoir plein de parcelles partout”, confie Franck Coutant, qui nous explique qu'il est délicat de mobiliser des bénévoles pour “récolter trois courgettes”.
Se pose également la question des clôtures. Sur certains sites, les potagers étaient clôturés, sur d'autres pour des raisons d'esthétisme, les parcelles étaient complètement ouvertes. “On a pas eu de vandalisme”, insiste Franck Coutant. Pourtant, il est arrivé que certaines personnes viennent se servir sans y avoir été invitées, dans les potagers. “On appelle pas ça du vol mais de la collecte spontanée", précise-t-il. Et cet ancien paysagiste d'ajouter : “s'ils ont récolté pour se nourrir, on a rempli notre objectif non ?”.