Matthieu M. - Publié le 1 décembre 2020
ECOLO - Anne-Sophie Parant et Jean-Yves Leroide ont mis trois ans pour récupérer, broyer et stocker les bouchons pour l'isolation de leurs fenêtres et de l'escalier.
Pour réduire la consommation énergétique d'une maison, l'isolation thermique est un élément crucial. Et nombreux-ses sont celles et ceux qui s'intéressent aux isolants biosourcés.
En règle générale, quand on souhaite remplacer la laine de verre ou le polystyrène par des isolants plus respectueux de l'environnement, on se tourne vers le textile recyclé, la ouate de cellulose voire même le chanvre. Mais avez-vous déjà pensé aux bouchons de liège ?
Jean-Yves Leroide et Anne-Sophie Parant qui vivent à Altkirch dans le Haut-Rhin, ont eu une idée surprenante : utiliser 34 000 bouchons de liège pour isoler une partie de leur maison. Jean-Yves vit depuis 10 ans dans cette vieille maison alsacienne du XVIIe siècle, qui appartenait à ses grands-parents.
Rejoint par Anne-Sophie quelques années plus tard, il est devenu urgent d'isoler correctement la vieille bâtisse malgré les nouveaux radiateurs électriques et le poêle à bois. “Il faisait très, très froid”, confirme Anne-Sophie.
Écolo, anti-humidité, anti-insecte : le bouchon de liège, un matériau à valoriser
Alors pourquoi les bouchons de liège ? Tout d'abord parce que c'est une ressource naturelle que la majorité d'entre nous jette à la poubelle. Quand on sait que la fabrication d'un bouchon en liège nécessite un an de travail environ, qui correspond au temps de séchage des planches de liège, c'est fort dommage.
En plus d'être écolo, le bouchon en liège, utilisé comme isolant, a de nombreuses propriétés nous explique Jean-Yves : “il ne va pas absorber l'humidité, ni moisir. Il n'y aura pas de champignons qui vont se développer et pas de risque que des insectes ne grignotent l'isolant.”
Le couple a donc rempli de bouchons de liège des coffrages en bois qu'ils ont installés au niveau des zones à isoler. L'idée est venue d'Anne-Sophie. Elle nous raconte : “Je travaillais dans une maison des associations à Lille, qui avait un bac à récupération de bouchons de liège. Une association belge récupérait ce bac de temps en temps pour en faire des plaques de liège.” Mais pour réaliser des plaques isolantes, il faut faire l'acquisition d'une presse. Problème : c'est cher et ce n'est pas adapté aux petites surfaces.
D'où l'idée des coffrages en bois qu'Anne-Sophie et Jean-Yves remplissent de bouchons de liège broyés. Afin d'y parvenir, les Alsaciens se font prêter un broyeur à végétaux pour réduire les bouchons en petits copeaux. C'est plus long certes, mais le couple est avant tout guidé par l'envie de faire soi-même et de valoriser des déchets.
34 000 bouchons de liège récupérés auprès des restaurateurs et de leurs proches
Sur le papier cela semble facile, mais la quantité de bouchons pour parvenir à isoler une partie de la maison est impressionnante. 6000 bouchons de liège ont été nécessaires rien que pour isoler un petit escalier. Et puisqu'il n'était pas question d'acheter (et boire) des milliers de bouteilles, le couple s'est tourné vers le troc et le don. “Je pouvais récupérer 5 à 6 cagettes de bouchons par semaine auprès de quelques restaurateurs. Au début, ils ne comprenaient pas ce que je faisais avec. Puis certains ont placé une petite boîte à l'entrée de leur restaurant pour que les clients viennent déposer leur bouchon”, se souvient Anne-Sophie.
Sur ces boîtes, le couple laisse son adresse mail pour que les curieux les contactent afin d'obtenir des informations ou de proposer de les aider. “On voulait faire de la sensibilisation car c'est un matériau qu'on a tendance à jeter. Il est important de revoir nos pratiques”, précise Jean-Yves.
Au total, Anne-Sophie et Jean-Yves sont parvenus à récupérer 34 000 bouchons de liège en un peu moins de trois ans. Cet isolant écologique leur a permis d'isoler deux fenêtres et l'escalier. Pour le reste, le grenier notamment, le couple est à la recherche d'un autre isolant, plus adapté aux grandes surfaces.
Car au-delà du nombre important de bouchons, il faut compter le temps de broyage, une demie heure pour 1000 bouchons, et les 6 mois de séchage. Alors certes, il aurait été plus rapide pour eux d'acheter un isolant tout prêt, mais ce n'est pas la productivité, ni l'efficacité qui ont motivé le couple, mais l'envie de tester un matériau nouveau. Pendant ces trois années, Anne-Sophie et Jean-Yves sont d'ailleurs partis 6 mois en Amérique du Sud.
Malgré le travail que cet isolant nécessite, le couple est fier de ce qu'il a accompli. “Nous sommes des amateurs qui aimons beaucoup récupérer. On a détourné un matériau et on l'a valorisé. C'est gratifiant”, souligne Anne-Sophie. Difficile pour le moment de tirer un bilan de l'efficacité des bouchons de liège mais elle l'assure : “On a ressenti cet été un confort différent.” Car oui, l'isolation protège aussi la maison des pics de chaleur. Prochain défi des Alsaciens : l'isolation du toit de la maison. “On cherche encore comment faire, et on est à l'écoute de bons conseils”, rappelle Jean-Yves.