Emmanuel Chirache - Publié le 11 décembre 2020
SOURD COMME UN POT, MELOMANE COMME UNE PLANTE - Les plantes ont besoin de lumière, d'eau, d'air, mais aussi... de musique et d'amour.
"Musique pour plantes vertes" : si vous cherchez ça sur Internet, vous allez tomber le plus souvent sur quelque chose de fadasse, une espèce de new age monotone et vaguement zen, avec des notes de piano suspendues dans un bourdonnement de fond agrémenté de tintinnabulations de clochettes, comme si les plantes vivaient dans un salon de massage ayurvédique.
Alors quelle surprise de tomber un jour sur le disque génial d'un pionnier de l'électronique minimaliste ! Un album signé du compositeur Mort Garson et réédité en 2019 par Sacred Bone Records, label renommé pour son bon goût. Confidentiel à sa sortie en 1976, lorsqu'il était distribué gratuitement pour l'achat d'une plante à la boutique Mother Earth de Los Angeles, Mother Earth's Plantasia est devenu culte sur le tard grâce à la passion des "diggers", ceux qui cherchent sans relâche des pépites inconnues. Autrefois, ils écumaient les bacs des soldes des disquaires, aujourd'hui ils "creusent" sur le web.
Synthétiseur Moog et musique d'ascenseur
C'est donc via YouTube que ce disque est revenu à la vie, témoignage d'une époque où le retour à la terre post Mai-68 et le mouvement hippie prenaient leur envol. Pour autant, Mort Garson ne prend pas les plantes pour des babas cools en plein trip. Non, son disque ressemble davantage à de la pop lounge maligne et minimaliste, sans les violons et les chichis que Mort Garson utilisait lorsqu'il écrivait les arrangements des Hollyridge Strings, cet orchestre de studio qui reprenait les Beatles et Simon & Garfunkel en mode easy listening.
Ce goût pour l'épure, c'est tout simplement la conséquence de l'amour de Mort Garson pour le synthétiseur Moog après 1967, cet instrument inventé par l'ingénieur du même nom et popularisé notamment par Wendy Carlos dans la BO d'Orange mécanique. L'utilisation du Moog en 1976 n'a rien de révolutionnaire, on le retrouve partout dans le rock, la pop, l'électronique, la musique de films, mais sa combinaison avec une forme de tradition pop kitsch, ce qu'on appelle parfois péjorativement la musique d'ascenseur, rend l'album attachant et solaire, même si on ne sait pas s'il fait vraiment pousser les plantes.
Alors certes, ce n'est pas peut-être pas votre style de musique préféré, mais comme le dit un internaute sur YouTube : "J'oblige mes plantes à écouter mes conneries toute l'année, alors pourquoi je n'écouterais pas leur musique de temps en temps ?"