Emmanuel Chirache - Publié le 22 janvier 2021
INNOVATION SOCIALE - Près de Lyon, l'Entreprise des possibles a fait construire des chalets cosy pour des femmes avec enfants victimes de violences conjugales.
La métropole lyonnaise compte 3 à 4000 sans-abri, un chiffre représentatif d'une pauvreté qui explose partout en France ces dernières années. Et dans la rue, l'espérance de vie d'une personne n'excède pas 49 ans. Des solutions d'accueil existent, mais elles sont souvent insuffisantes, parfois inhospitalières, toujours précaires. C'est à partir de ce constat que l'Entreprise des possibles, un collectif d'entreprises de la région, a décidé de réinventer les dispositifs de réinsertion sociale.
Parmi les nombreux projets lancés par la structure, on trouve ces sept chalets hauts-de-gamme, tout équipés, fabriqués par Huttopia et situés en plein dans le domaine cossu de Montcelard, non loin de Lyon. Habituellement dévolus aux touristes du monde entier, ces maisonnettes chaleureuses accueillent depuis novembre des femmes et enfants victimes de violences conjugales, grâce à un partenariat avec l'association Habitat & Humanisme.
Loin des centres d'accueil traditionnels, ces chalets cosy disposent d'une cuisine, d'une salle de bains, d'un canapé, d'un lit, même d'une petite terrasse... Majoritairement constitué de bois, ils offrent un cadre chaleureux idéal pour se reconstruire. Nous avons pu nous entretenir avec Patrick Lepagneul, délégué général de l'Entreprise des Possibles, au sujet de cette initiative originale et pleine de promesses.
"Je me souviens d'une jeune intermittente du spectacle qui dormait dans sa voiture"
18h39 : D'où est venue l'initiative, cette idée de construire des chalets ?
Patrick Lepagneul : Les lieux d'accueil traditionnels sont souvent peuplés d'hommes en proie aux addictions, à la violence, ce qui peut retenir les femmes de s'y rendre. A l'inverse, ces chalets sont pensés comme des lieux de répit pour elles, qui les aident à rebondir et les font entrer dans une spirale positive.
Souvent, quand on pense sans-abri, on pense vagabond, alors qu'on en est loin. On parle d'étudiants qui galèrent, de femmes divorcées, de gens licenciés, de malades graves qui sombrent dans la dépression. Il existe une pluralité de publics et de causes dans ce domaine. Je me souviens par exemple d'une jeune intermittente du spectacle qui dormait dans sa voiture…
Pourquoi devraient-ils être hébergés dans des endroits moches et précaires ? On s'est dit que non, on peut faire des choses jolies et agréables. On leur doit du respect et des solutions dignes, c'est comme ça qu'on aide les gens à se sentir respectés. Les centres d'hébergement, c'est parfois crade, avec de la promiscuité, ce sont des lieux de privation de liberté. Il existe d'autres voies, comme Le tambour à Lyon, le lieu d'accueil est cosy, c'est comme à la maison. C'est ce qu'on veut faire à Montcelard, le parc est magnifique, ça participe à cette reconstruction !
L'Entreprise des possibles, c'est quoi ?
70 000 demandes de logements sociaux par an
Justement, vous pouvez nous dire un mot sur ce domaine de Montcelard ?
C'est un beau parc qui appartient à l'industriel Alain Mérieux, à l'origine de L'Entreprise des possibles. Il y a une université, des entreprises, un centre pour personnes âgées dépendantes, géré par Habitat & Humanisme. Les sept chalets ont été financés par la Fondation Mérieux, pour un coût de 200 000 euros environ.
Dans ce parc, il y a d'autres entreprises partenaires, l'idée c'est de faire du bénévolat de compétences : des salariés adhérents vont aider les locataires des chalets pour des cours de français ou du soutien scolaire. On veut amener une synergie entre les moyens financiers et les ressources humaines des entreprises pour lutter contre la précarité.
Y aura-t-il d'autres terrains d'accueil pour des chalets similaires ?
La métropole de Lyon est venue voir le projet, elle a commandé une vingtaine de chalets pour répéter l'opération à Villeurbanne sur un plus grand terrain. Contrairement à Montcelard, ce sera un tiers lieu et les chalets seront construits en partie par les habitants des environs, on veut en faire un lieu de vie pour amener une lumière positive sur le quartier. C'est encore Huttopia qui aménage le site, l'ouverture est prévue en mars. En tout, il y aura trois sites aménagés sur Lyon.
Ce n'est qu'un début, il va falloir faire beaucoup plus : à Lyon, il y a 70 000 demandes de logements sociaux par an. 10 000 seulement sont acceptées, ça vous donne une idée de l'ampleur de la tâche.