Lisa Hör - Publié le 1 février 2021
CONSEILS - Comment rénover une maison ancienne sans dénaturer les lieux ? Claire Meunier et Pauline Suhr de l'agence Ré-architecture vous guident.
Ne pas construire de neuf. Mais "ré-utiliser des surfaces oubliées". "Re-donner vie à des bâtiments existants". Et surtout "ré-vélér l'âme des lieux". Voici l'engagement de Pauline Suhr et Claire Meunier, architectes DE-HMONP (diplômées d'Etat, habilitées à la maîtrise d'œuvre en nom propre), tel qu'elles l'écrivent sur le site de leur agence Ré-architecture.
Cette démarche repose sur une conviction, qu'elles nous exposent par téléphone : "Les villes sont assez grandes, mais elles sont sous-utilisées. Beaucoup d'espaces sont vides et abandonnés, il vaut mieux réévaluer la ville que de l'étendre."
Les campagnes aussi sont pleines de maisons vides. Là encore, retaper un corps de ferme en ruine, une vieille maison de maître ou même, un pavillon des années 1980, répond au souci écologique actuel.
Mais c'est aussi un idéal et une quête pour ces deux spécialistes de la rénovation : "Nous sommes passionnées par la découverte, par tout ce que l'on va trouver quand on enlève les couches de papier peint."
Cette passion, vous êtes nombreux et nombreuses à la partager. En témoigne le succès des photos de vieilles pierres, tommettes et parquet ancien sur Instagram. Lorsque nous partageons des articles avant / après sur Facebook, avoir respecté l'âme du lieu est souvent le premier critère dans vos commentaires.
Nous avons donc demandé à Pauline Suhr et Claire Meunier de nous expliquer comment elles travaillent.
Une démolition précautionneuse
Tout chantier commence par diagnostic sur la spécificité du bâti. Les maisons en pisé, nombreuses dans la région lyonnaise où intervient souvent Ré-architecture, souffriront si on ne les rénove pas avec des matériaux qui laissent respirer les murs en terre.
Ensuite, le grand inventaire peut commencer. Des portes aux poignées, des baignoires sur pied aux radiateurs en fonte. Tout cela peut être réutilisé tel quel ou détourné. Le réemploi n'est pas seulement une tendance et un véritable atout déco. Il est aussi éco-responsable et anti-gâchis.
Puis vient la démolition. Mais en prenant des gants ! "On peut trouver des choses sous un sol, entre deux cloisons… il y a une eu époque où l'on cachait beaucoup de choses, ça nous est arrivé de trouver une belle rosace sous un faux plafond", préviennent les architectes. Elles s'entourent d'artisans habitués à toutes ces surprises de la rénovation. Le maître-mot : s'adapter.
Exemple typique dans une maison où le précédent propriétaire avait créé une multitude de chambres minuscules. "1,90 m de large, à peine de quoi mettre un lit, raconte Claire Meunier. En démolissant une cloison, on a découvert une moulure cachée sous le faux plafond. Nous avons revu les plans pour la remettre au centre d'une pièce."
L'ancien demande parfois du savoir-faire. Si vous dénichez un stylobate (un soubassement mouluré) sous un papier peint, n'hésitez pas à faire appel à un staffeur ou une staffeuse ornemaniste, spécialiste du plâtre, pour réparer les parties abîmées.
C'est mieux comme vous aimez
Bien sûr, tant que votre maison n'est pas classée, vous n'êtes obligé-e de rien pour l'aménagement intérieur. Les architectes du patrimoine ne viendront pas vous reprocher d'avoir repeint cette cheminée de marbre rose. (Sur Instagram, vous vous exposez aux "dommage" et "c'était mieux avant" sous votre photo. On vous prévient juste, encore une fois vous êtes libre.)
Blague à part, concernant les cheminées (a-t-on le droit de les détruire pour gagner de la place ? de les repeindre pour plus d'harmonie ?) comme tout le reste, Pauline Suhr et Claire Meunier préféreront toujours conserver l'existant.
"Après, on n'est pas là pour faire notre petit projet qui nous plaît, ce n'est pas nous qui allons habiter les lieux. Si la personne veut moderniser, on n'est pas réfractaires. On conseille, mais on impose rien", concèdent-elles avec le sourire. Cette cheminée repeinte en bleu est d'ailleurs la preuve que l'audace paie.
De l'épure avant toute chose
Il y a une chose en revanche sur laquelle elles ne transigent pas. Reposez tout de suite ce faux parement de brique, on vous voit. Pour elles, hors de question de mettre du faux ancien.
Même si c'est moins cher ? Oui, même si c'est moins cher. "Quand l'ancien est déjà là, pas besoin d'en rajouter", estiment-elles. Plutôt qu'un carrelage imitation carreaux de ciment, elles poseront un carrelage épuré, qui mettra en valeur les éléments remarquables de la pièce.
De toute façon, l'ancien est souvent déjà très mouluré ou marqueté, par exemple avec un parquet très texturé. Les architectes conseillent donc ne pas rajouter encore de nouveaux motifs. Faites ressortir l'élément fort, celui qui a une histoire (et mettez votre budget sur sa restauration). Et à côté, jouez la simplicité (c'est là que vous ferez des économies). Par ce contraste, votre rénovation n'en sera que plus belle.