Lisa Hör - Publié le 9 mars 2021
GUIDE PRATIQUE - Vous projetez de bâtir une cabane dans les bois ou encore d'y installer une tiny house. Mais que dit la loi ?
Quitter la ville et se retirer dans les bois, y bâtir sa cabane en haut d'un arbre. Ou plus simplement, une maison avec de grandes fenêtres ouvertes sur la nature. Cela fait rêver, surtout depuis que nous passons bien plus de 18h39 par jour chez nous, télétravail et couvre-feu oblige ! Alors est-ce possible de construire une habitation en forêt ?
Oui, mais pas n'importe comment ! La législation est très précise, et pas facile à suivre. On vous explique pas à pas.
Est-ce seulement possible d'acheter une forêt ?
Oui, vous pouvez acheter votre petit bout de forêt ! "La forêt française est à 3/4 privée, on ne l'imagine pas quand on s'y promène. Il y a plus de 3 millions de propriétaires de parcelles de bois, explique Pierre-Louis Fayet, conseiller en investissements forestiers au sein de la société Forêt Investissement. Mais il y a beaucoup de demandes et très peu d'offres car les forêts changent de mains très peu souvent, en moyenne tous les 80 ans."
Côté budget, tout dépendra du secteur géographique. Comptez entre 20 et 30 000 euros l'hectare dans le Nord, contre 1000 euros l'hectare dans des régions moins prisées, dans le Tarn ou la Lozère, par exemple, dans une forêt avec un petit capital de bois. Cela tombe bien, si vous souhaitez vous installer sur votre terrain, vous ne cherchez pas des arbres à exploiter, juste un joli cadre.
A-t-on le droit de construire une maison classique en forêt ?
Si vous avez la chance d'acquérir un terrain forestier avec une habitation déjà construite, c'est le plus simple, et de loin.
Autrement, il est interdit de construire un habitat permanent, c'est-à-dire une résidence principale occupée pendant plus de 8 mois de l'année, sur une parcelle de forêt pas encore construite, si cette résidence a des fondations et si elle n'est pas autonome vis-à-vis des réseaux publics d'eau, d'électricité et d'assainissement.
En effet, une forêt, si elle n'est pas protégée et donc totalement inconstructible, sera généralement classée en zone N (naturelle) ou A (agricole) dans le Plan Local d'Urbanisme. "On y exclut toute construction à l'exception d'une maison d'agriculteur ou d'un bâtiment nécessaire à l'activité, explique Gilles Lecat, agent commercial chez Forêt Investissement. Certains secteurs, surtout dans les zones N, peuvent éventuellement être réservés à l'usage de loisir. On pourra alors monter des projets de cabanes dans un but touristique."
Votre projet de vie n'est donc pas perdu ! Sur un tel secteur, vous pouvez envisager la construction d'un habitat de loisir (non permanent) ou alternatif. Dans les deux cas, il doit s'agir d'une construction sans fondation et autonome en eau, en énergie et pour l'assainissement. L'autorisation sera accordée ou non par la mairie en fonction du secteur, du plan d'urbanisme et des caractéristiques de l'habitat.
Qu'est-ce qu'un habitat alternatif ? Il s'agit de "l'ensemble des constructions ne disposant pas d'un régime juridique spécifique codifié par le Code de l'Urbanisme, et notamment les cabanes dans les arbres, mais également sans que cette liste ne soit exhaustive, toutes roulottes, yourtes, tipis, mobil-home, containers ou encore péniches et maisons flottantes…", explicite le site de Forêt Investissement. On les appelle également habitats légers, car ils sont déplaçables ou démontables facilement, sans dommage pour le terrain.
Cela vous laisse un large choix !
Quelles habitations alternatives sont autorisées en forêt ?
Tout d'abord, consultez les documents locaux d'urbanisme. L'obtention d'une autorisation dépend :
- de la zone dans laquelle se situe votre forêt (zone A, zone N, secteur aménagé comme un camping où vous pourrez installer un habitat de loisir...),
- du type d'habitation de loisir ou d'habitation alternative que vous voulez aménager (mobile comme une roulotte ou une tiny house, fixe comme une cabane ou une yourte),
- de sa surface,
- de ses équipements (sanitaires ou non par exemple).
Le site de Forêt Investissement détaille les démarches nécessaires (déclaration préalable en mairie ou demande de permis d'aménagement notamment), dans les différents cas de figure.
Quelle est votre marge de négociation avec la mairie ?
Si le Plan Local d'Urbanisme interdit toute construction sur votre terrain, il est possible de demander à la mairie de modifier son PLU. "Ce sont des procédures qui demandent souvent plusieurs années", prévient Simon Coudon, responsable juridique chez Forêt Investissement, qui indique pouvoir accompagner des clients dans cette démarche.
Bon à savoir : la loi Alur de 2014 donne au maire le pouvoir d'autoriser l'installation d'un habitat léger permanent sur un terrain non-constructible. Un cadre légal mal connu et encore peu appliqué, expliqué en détail par l'association Hameaux Légers dans cette vidéo :
Il arrive aussi souvent que les petites communes n'aient pas de Plan Local d'Urbanisme, poursuit Simon Coudon. Dans ce cas, c'est le règlement national d'urbanisme qui s'applique. Les constructions sont seulement autorisées dans les parties déjà urbanisées de la commune, sauf exception. Cela pour éviter l'éparpillement et le mitage, c'est-à-dire l'implantation d'habitats dispersés dans des paysages naturels. Vous pourriez par exemple demander un permis de construire pour une maison en bordure de forêt, uniquement si elle est dans la continuité des autres constructions du village.
Quels sont les risques si vous construisez sans autorisation ?
Vous vous exposez à une amende comprise entre 1 200 euros et un montant maximal ne pouvant excéder 6 000 euros par m² en cas de construction d'une surface de plancher rendue inutilisable, ou 300 000 euros dans les autres cas (article L480-4 du Code de l'Urbanisme). En cas de récidive, cela peut aller jusqu'à une peine d'emprisonnement de six mois.
"En cas de condamnation, il est prononcé en règle générale la démolition des ouvrages en infraction, avec la remise en état des lieux, aux frais du bénéficiaire des constructions illégales", précise Forêt Investissement.
C'est ainsi que Xavier Marmier, qui vit dans une cabane dans les arbres sur son terrain, est sommé aujourd'hui par la mairie de sa commune de déconstruire sa maison. Il a saisi la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Nous l'avions rencontré il y a quelques mois :
Pour éviter ce parcours du combattant, vous pouvez consulter la carte sur laquelle l'association Hameaux Légers recense les terrains disponibles pour la construction d'habitats réversibles. Certains pourraient se trouver en forêt !
À retenir
- Il est généralement interdit de construire en forêt une maison avec fondations et reliée aux réseaux de la commune, dans laquelle habiter toute l'année.
- En fonction du secteur sur lequel se trouve le terrain, pouvez cependant demander une autorisation ou un permis de construire à la mairie, pour un habitat de loisir ou un habitat léger, c'est-à-dire démontable facilement. Il devra être sans fondation et autonome (eau, électricité, assainissement).
- Vous pouvez demander à la mairie d'installer un habitat léger sur un terrain non-constructible, en vertu de la loi Alur.
- Si vous construisez sans autorisation, vous risquez d'avoir à démonter votre maison (en plus de payer une amende).