Amélie Clère - Publié le 25 février 2021
SOLIDARITÉ - Cette association humanitaire accompagne et soutient les personnes en situation de précarité en les employant pour débarrasser, recycler et vendre des objets en tout genre.
Musique à la radio et odeur de café envahissent les lieux. Dès le matin, tout le monde s'active avenue Gaston Roussel à Romainville en Seine-Saint-Denis (93). Que ce soit pour entreposer et numéroter une table aux pieds sculptés, prendre en photo des chaises anciennes, ou retrouver l'intégralité d'un service à thé, le travail se fait efficacement et dans la bonne humeur.
Nous sommes dans les locaux de Place Nette. Cette association humanitaire de solidarité et de partage existe depuis une dizaine d'années. Depuis 5 ans, elle propose un service de débarras chez les particuliers et entreprises en employant uniquement des personnes démunies qui vivent dans la rue. Que ce soit pour débarrasser les clients ou pour aider les personnes en difficulté à repartir de zéro, le nom de Place Nette fait sens.
400 tonnes d'objets récupérés
Le mot d'ordre ici, c'est que "rien ne se perd, tout se transforme", nous explique Jacques Loch, qui a travaillé pendant plus de 30 ans au sein d'Emmaüs avant de créer l'association. "Il y avait une forte demande de débarras mais très peu d'organismes proposaient de le faire". Contrairement à Emmaüs, Place Nette est payée pour tout récupérer. Que ce soit du déchet, ou des meubles en mauvais état, elle propose de vider entièrement les locaux, maisons et appartements des personnes qui souhaitent se séparer de leurs affaires. Tout est trié, puis recyclé ou revendu.
La dimension écologique et solidaire est très appréciée par les clients : "Ils ont la garantie qu'on ne va pas jeter. En plus ils font une bonne action en faisant appel à notre association qui emploie des personnes en difficulté", ajoute Jacques.
Tous les jours, c'est 2 camions de 12 m² de débarras qui arrivent dans leur entrepôt à Bondy. Les employés trient à la main et vérifient que chaque objet n'est pas cassé. Les déchets comme le plastique ou le matériel électronique qui ne marche pas seront envoyés dans les déchèteries et les circuits de recyclage. "J'ai estimé que sur 400 tonnes d'objets récupérés par an, on en recycle environ 80 tonnes", affirme le président.
Donner une seconde vie aux objets
Ensuite, meubles, habits, livres, électronique, décoration, vaisselle, ustensiles de cuisine, jardinage, équipement médical… Tout ce qui est en bon état sera amené dans des locaux à Romainville pour être pris en photo puis mis en vente sur internet.
"On fait le maximum qu'on peut pour tout trier et sélectionner les objets les plus intéressants pour le site", explique Khaled, appareil photo en main pour shooter une commode vintage.
Et c'est tout un processus à respecter car la vente permet de faire vivre Place Nette. "Il faut nettoyer chaque objet, les mettre en valeur par la photo, des fois recommencer car ça ne va pas… La mise en ligne, c'est un vrai métier ! ", nous explique Manfred, un accompagnant de l'association.
Que ce soit sur les plateformes comme Label Emmaüs, Le Bon Coin, eBay, ou sur leurs réseaux sociaux et leur propre site, c'est 100 tonnes d'objets qui sont revendus chaque année dans toute la France, et même à l'étranger.
Avec très peu de subventions et faute de moyens, l'association n'a plus de lieu de vente physique. Cependant, elle espère prochainement acquérir des nouveaux locaux pour ouvrir un magasin. "Pour que le bateau fonctionne, il nous faut un peu plus de temps", positive Manfred. En attendant, un lieu de Click and Collect a été mis en place au 192 Avenue Gaston Roussel à Romainville.
La boutique en ligne de Place Nette propose et met en valeur des objets originaux et vintage avant tout, qui s'accommodent avec tous les styles et envies de décoration.
"Les sortir de la galère, c'est notre premier objectif"
Avec son statut OACAS (Organismes d'Accueil Communautaire et d'Activités Solidaires), l'association fait partie des communautés Emmaüs qui assurent l'accueil, hébergent, nourrissent et font participer à des activités solidaires des personnes en difficultés.
Au total, une quinzaine de "compagnons" sont accueillis chez Place Nette. Et tout le monde met la main à la pâte. 5 jours par semaine, les plus jeunes conduisent les camions et débarrassent : "Ils aiment bien bouger. Ils vont chez les clients, ils rencontrent du monde. Ils sont contents d'accomplir une mission qu'on leur a donnée". Les plus âgés ou les plus fragiles s'occupent quant à eux du tri et du rangement d'objets légers comme les livres. "L'important c'est qu'on puisse valoriser leur travail en vendant des objets qu'ils ont récupérés et triés. Ça leur permet aussi d'apprendre des métiers comme livreur ou vendeur".
Récemment, un jeune réfugié somalien recueilli par Place Nette est parti travailler pour Construire Solidaire, une société coopérative qui fait de la construction de bâtiments écologiques. "Cela prend du temps, mais il y a des entreprises qui sont prêtes à les accueillir en faisant des efforts pour les réinsérer", ajoute le président de l'association.
"Les sortir de la galère, c'est notre premier objectif. On permet à des gens qui sont sous l'eau de refaire surface. Car quand on est trop mal, à un moment donné on ne sait plus par où commencer", affirme Jacques Loch. En plus d'employer ces personnes à qui la vie n'a pas fait de cadeau, l'association les aide à trouver un logement, et les accompagne dans leur réinsertion.
"Place Nette m'aide pour l'administration, le logement et la nourriture, je leur suis très reconnaissant. Et je les aide comme eux ils m'aident. Je fais beaucoup de choses, je n'ai pas le temps de m'ennuyer !", nous confie Aboubakry, accueilli par l'association depuis l'année dernière.
Pour Jacques Loch, l'entraide, c'est une philosophie de vie. Si bien que son association met aussi à disposition ses stocks pour ceux dans le besoin. Entre dons d'objets et d'habits et partenariat avec d'autres organismes de réinsertion, "c'est une chaîne vertueuse qu'il faut continuer d'alimenter pour rendre le monde meilleur un peu plus chaque jour", conclut-il.