Marie Tétrel - Publié le 16 mars 2021
RÉCOMPENSE - Le prix Pritzer récompense le travail du duo d'architectes, qui conçoit depuis plus de 30 ans, de nouveaux espaces abordables à partir de structures existantes.
Le grand prix annuel de l'architecture, le prix Pritzker, l'équivalent du prix Nobel de l'architecture, vient de consacrer pour 2021 la carrière des architectes Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal. Ils succèdent au duo Yvonne Farrell et Shelley McNamara, ainsi qu'à Arata Isozaki.
"Leur travail, qui répond aux urgences climatiques et écologiques de notre temps autant qu'à ses urgences sociales, en particulier dans le domaine du logement urbain, redonne de la vigueur aux espoirs et aux rêves modernistes d'amélioration de la vie du plus grand nombre", estime le jury du prestigieux prix. Le travail d'Anne Lacaton et de Jean-Philippe Vassal reflète l'esprit démocratique de l'architecture, proposant une vision aussi soucieuse de l'environnement qu'humaniste.
L'architecture durable à prix abordable
Pour les architectes français, basés à Montreuil, chaque structure peut être réutilisée, réinventée, optimisée. Là où certains privilégient la destruction pour repartir sur des bases nouvelles, le duo s'applique a composer avec l'existant. Un point d'orgue couplé d'une volonté de concevoir durable à prix abordable, à travers l'utilisation de matériaux économiques et écologiques.
Le projet qui les a fait connaître, la maison Latapie, rénovée en 1993, en est le premier exemple. La bâtisse, aux allures de hangar, cache en son dos une extension en panneaux de polycarbonate. L'espace créé déploie la surface habitable, ouvert sur l'extérieur. Et si on peut leur reprocher que leur architecture ne répond pas forcément à une esthétisme normée, "nous ne recherchons pas une esthétique", explique Jean-Philippe Vassal. "Si les gens à l'intérieur se sentent à l'aise, se sentent heureux, ont la possibilité d'être seuls ou de regarder les nuages, c'est ce moment qui crée l'architecture."
Une architecture de proximité
Autres projets phares : la réhabilitation de grands ensembles sociaux. Pourquoi dynamiter les barres d'HLM, vestiges de la fin des années 50, quand on peut les transformer ? "C'est tellement violent, tellement affreux d'habiter quelque part depuis 10 ans et soudain de voir disparaître un logement dans lequel un ami, un voisin a existé", explique l'architecte dans un article de nos confrères de FrancetvInfo. "Alors qu'on peut garder les gens-là, et à partir de l'existant, produire des logements que le standard est incapable de produire au même niveau de qualité - en dépensant deux fois moins d'argent."
Une vision appliquée par exemple en 2011 à la Tour Bois Le Prêtre à Paris, ou en 2017 à la Cité du Grand Parc de Bordeaux. Les petites pièces étriquées, aux fenêtres minuscules, sont transformées en espaces modulables, ouverts sur de nouveaux balcons créés de toutes pièces, dont les grandes baies coulissantes donnent sur la ville. Une démarche confortée par les confinements successifs, durant lesquels on s'est rendu compte de l'importance d'intérieurs réconfortants.
Par sa récompense, Anne Lacaton devient la sixième femme à figurer au palmarès de ce prix longtemps exclusivement masculin. Une petite victoire dans le monde de l'architecture, mais bien peu suffisante pour mettre en avant les professionnelles du secteur selon Catherine Guyot, présidente de l'association Women In Architecture.