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LE TRÔNE D'ACIER - L'installation de cette maison à la forme cubique inhabituelle ne s'est pas faite sans remous, à Comblain-au pont, en Belgique, en 2004.

Elle trône au milieu des vallons, son cube rouge majestueux solidement installé entre les arbres de la campagne liégeoise. La maison Dejardin - Hendrice détone dans le petit village de Comblain-au-Pont. Elle est l'œuvre de l'architecte Pierre Hebbelinck. Quand le jeune couple de 26 ans le sollicite pour dessiner leur maison, en 2004, c'est avec un budget serré de 100 000 euros (qu'ils dépasseront). L'architecte profite de la contrainte pour être plus créatif et obtient carte blanche : il fera ce qu'il veut.

Il choisit la forme cubique pour son faible coût. Elle "utilise le moins de matière possible" et est, de ce fait, "l'un des modèles les plus rentables qui soient, derrière la sphère". Son design ultra contemporain prouve qu'on peut faire différemment avec un budget raisonnable, selon les prix du marché. Le cube est, par exemple, posé sur deux hauts murs en parpaing pour ne pas avoir à niveler le monticule de terre qui surplombe la route de 4 mètres.

Vu d'en bas, depuis la rue, la maison a encore plus d'allure à cette hauteur. On la pénètre comme dans un vaisseau spatial, par le dessous, pour y découvrir un design intérieur dans cette même ligne extraterrestre :
rouge et blanc, aux formes déroutantes moulées dans un plastique lisse. Pierre Hebbelinck y voit une "sorte de domotique à la Charlie Chaplin". Arguons que le Jacques Tati de Mon Oncle n'est pas loin non plus. Le mobilier a été dessiné sur mesure, au 1er étage, où des espaces ouverts (cuisine, salle à manger et salon) sont délimités par un jeu de niveaux. A travers les grandes baies vitrées, la famille Dejardin-Hendince peut admirer la nature environnante.

Le cube de la discorde au conseil municipal

"On a jamais reçu un truc pareil", s'exclame le conseil municipal quand l'architecte leur présente les plans de la maison. Vue de loin, il faut dire que cette dernière ne ressemble pas à ses voisines, plus traditionnelles. Le projet est retoqué par la municipalité, qui consent cependant à se ranger derrière l'avis de la région. Mais quelques jours plus tard, le verdict rendu par cette dernière est le même.

Pierre Hebbelinck et ses clients obtiennent gain de cause, deux mois plus tard, auprès de Michel Foret, ministre du gouvernement wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et de l'Environnement de l'époque. "Dans une région où tout le réseau sidérurgique s'effondrait, le ministre a défendu notre projet qui a nécessité une recherche de 30 mois" et qui faisait honneur à l'industrie locale de l'acier, explique Pierre Hebbelinck.

Cette "décision politique" ne décourage pas ses opposants. A peine la maison est-elle construite que le conseil municipal veut la faire détruire. Un syndicat de voisins se mobilise également. Mais il est trop tard, le permis de construire est en ordre.

Des cars de Japonais venus pour voir le cube

L'ironie du sort veut que Pierre Hebbelinck soit nommé invité d'honneur de la biennale locale de sculpture en acier, en 2012. En huit ans, la maison Dejardin - Hendrice a placé Comblain-au-Pont sur la carte europénne de l'architecture. D'après Hebbelinck, des "cars de Japonais" y débarquent pour voir ce cube rouge novateur que les magazines spécialisés adorent.  

L'acier Corten, un acier naturellement rouillé, n'avait encore jamais constitué la structure d'une maison, selon Pierre Hebbelinck. "Il était utilisé en cassette", explique-t-il, c'est-à-dire "soit accroché, soit fixé" à la structure. Les parois de 7 mètres (et 5 millimètres d'épaisseur !) de la maison Dejardin - Hendrice ont été fabriquées en "environ 15 secondes", croit se rappeler l'architecte. Une fois acheminées à Comblain-le-Pont, elles ont été assemblées en une journée, "entre 5 heures du matin à 3 heures de l'après-midi", le 12 février 2004, se rappelle l'architecte, ravi de nous voir faire les grands yeux. 

Autre originalité, le toit est un "entonnoir en forme d'origami". Ses "trois lits recueillent toutes les eaux en un seul point". Ce "fameux cornet de frites" permet d'éviter la corrosion de l'acier que les amas de feuilles auraient pu engendrer. Le projet n'était pas sans risques. "Ponts thermique, infiltration, corrosion, durabilité dans le temps, pression au vent…" Mais 17 ans après sa construction et plus moderne que jamais, la maison cube tient toujours debout.