Emmanuel Chirache - Publié le 20 juillet 2021
ÎLE FLOTTANTE - Une première en France : 35 hébergements flottants ont été installés dans un port de plaisance pour accueillir des touristes sur la mer.
Les sensations d'un bateau, mais sans le bateau. C'est ainsi que l'on pourrait résumer le nouveau concept touristique lancé par l'entreprise Alliance Plaisance et l'office du tourisme de Gruissan. Bercé par le léger roulis qu'un brise-clapot atténue, le regard perdu vers l'horizon bleu de l'étang du Grazel, le touriste s'imagine tout de suite en navigateur amarré le temps d'une escale. Pourtant, il a bien les pieds sur un petit appartement flottant, un lodge boat d'une vingtaine ou trentaine de mètres carrés selon le nombre de chambres.
Pourquoi ce nom de "lodge boat" ? Parce que lodge renvoie à un habitat touristique immergé dans l'environnement, et boat parce que l'hébergement est homologué bateau. "Une première en France", jure-t-on d'ailleurs du côté d'Alliance Plaisance, où l'on souligne l'incroyable prouesse technique que ce projet a nécessité. "C'est un tour de force des équipes, nous explique Philippe Ethuin de Alliance Plaisance, ils ont travaillé dans des conditions sanitaires et météorologiques compliquées. C'était un vrai ballet à observer, entre ceux qui créaient l'hébergement et ceux qui assemblaient les plateformes aluminium au sol."
Un an après le début des travaux, le pari est gagné, puisque les 35 hébergements sont installés sur l'eau et peuvent se louer entre 90 et 240 euros la nuit, selon la taille et la saison. A 18h39, nous avons eu l'opportunité d'en tester un dans de parfaites conditions, sous un soleil éclatant.
La plage des chalets, immortalisée par Beinex dans 37,2 le matin
Responsable à l'Office du tourisme à Gruissan, Alain Combres invoque une longue tradition de tourisme nautique dans la ville, station balnéaire depuis le début du XXe siècle. "C'était logique qu'on s'intéresse à l'avenir de ce type de tourisme", confesse-t-il, même si pour lui les îlots d'Alliance Plaisance ne feront jamais oublier la mythique plage des chalets de Gruissan, immortalisée par Jean-Jacques Beinex dans 37,2 le matin.
Les deux prototypes de lodge boat installés l'an dernier devant la capitainerie ont toutefois levé les doutes qui auraient pu entraver la réalisation du projet, puisque le succès a été au rendez-vous. Toujours selon Alain Combres, "les retombées sur la vie locale ont été formidables, avec 12 000 euros de dépenses par lodge et par saison, hors coût de la location." Le test a confirmé l'envie actuelle de la clientèle "de vivre une véritable expérience" et non pas juste de louer un toit pour la nuit.
L'autre avantage des lodge boats, c'est de répondre à la pression forte sur le foncier dans la région, par ailleurs en zone inondable. Avec ce village flottant, Gruissan fait d'une pierre deux coups : pas de terrain à acheter, pas d'inondation à craindre. Bref, une nouvelle voie à tracer pour accueillir le flux grandissant de touristes et de résidents en Occitanie. En haute saison, Gruissan passe de 5000 à 70 000 habitants.
Des critiques sur la "cabanisation" du littoral
Pour le client, le lodge boat permet de vivre un peu à l'écart des autres, sur l'eau mais bien amarré à la marina. Le confort est total grâce à des équipements similaires à un hôtel et une pergola bioclimatique qui fait de la terrasse un endroit idéal pour admirer le lever du soleil. Cerise sur le gâteau, des initiatives locales rendent l'expérience plus immersive, comme le fait d'aller chercher son panier de fruits de mer sur la plage des chalets.
Pourtant, reste un goût d'inachevé. On regrette ainsi que ce soit l'option climatisation qui ait été choisie pour rafraîchir les hébergements et pas une solution plus écologique. A l'intérieur des lodges, les finitions et l'aménagement peuvent encore être améliorés, car on devine que sans un entretien soigné, la durabilité de ces maisons exposées à l'érosion de l'eau et du vent ne sera qu'un voeu pieu.
D'autres enfin reprochent à ce village flottant d'accélérer la "cabanisation" du littoral. Derrière une critique esthétique se cache aussi des questions sur cette fameuse durabilité d'un hébergement inédit. A l'Office du tourisme, on reste à l'écoute des échos, positifs comme négatifs : "On a énormément de retours positifs, répond Alain Combres, mais il faut écouter ce qui est négatif aussi. Enfin, je ne suis pas certain que ceux qui ont utilisé le terme de cabanisation aient mis le pied dans un lodge… c'est une belle cabane !"