Eva Yoro - Publié le 4 août 2021
ASSIS TOUTE LA JOURNÉE - Victime collatérale des confinements successifs et de la démocratisation du télétravail, comment épargner notre fessier du “syndrome du cul mort” ?
“Du bureau au canapé, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit”, chanterait sans doute Brel s'il avait pu vivre à notre époque. Non plus attendri par la pénibilité du quotidien des “vieux”, mais bien par celle de toute une génération de travailleurs et travailleuses de plus en plus sédentarisée.
D'ailleurs, il n'y a qu'à jeter un œil sur le portrait d'Emma, la future employée de bureau imaginée par le futurologue comportemental William Higham et une équipe d'experts en ergonomie de l'entreprise britannique Fellowes, pour établir un lien très clair entre les maux de la vieillesse et ceux du travail moderne.
Yeux rouges, dos courbé, plaques d'eczéma, poignets gonflés, varices, poils dans le nez et les oreilles... Notre “future collègue de bureau” a tout l'air de sortir d'un bon décor de série B d'horreur, mais elle illustre pourtant ce à quoi nous risquons de ressembler dans une vingtaine d'années si l'on ne change pas nos habitudes de travail.
“Neuf employés sur dix passent plus de six heures par jour assis et indiquent souffrir de problèmes de santé liés à leur environnement de travail, note William Higham dans son étude. Ces effets ne sont pas temporaires mais chroniques et affectent l'ensemble de la population.”
Le télétravail, auquel beaucoup sont assigné-es depuis le début de la pandémie de Covid-19, n'arrange rien. Même plus de trajet entre la maison et le bureau pour se forcer à marcher ou à pédaler un peu. Heureusement, la sédentarité n'est pas une fatalité. Il est encore temps d'aménager chez nous un espace de travail adapté, pour vous sauver notre fessier !
L'atrophie du muscle fessier vous guette-t-elle ?
Parmi les douleurs rencontrées, de nombreux travailleurs semblent affectés par le “syndrome du cul mort”. Ne souriez pas, si l'expression est quelque peu risible - on en convient -, elle soulève un problème plus que sérieux.
Cloués sur votre chaise de bureau plusieurs heures d'affilée, vos muscles fessiers accusent le coup. Résultat, après une longue période d'inactivité, le simple fait de mouvoir votre corps normalement peut être extrêmement douloureux, notamment parce que votre muscle fessier a “oublié” la façon dont il doit correctement s'activer.
Pour combler cette défaillance, le corps fait donc appel à d'autres muscles et articulations mais leur stimulation est souvent trop brutale ou inadaptée. “Quand je suis inactive, je ressens de l'impatience et des douleurs musculaires plus ou moins vives qui me prennent au niveau des jambes et des hanches, nous confie Marine, 29 ans, attachée de presse et qui fait beaucoup de télétravail. Après être restée dans la même position, j'ai le sang qui ne circule plus et des fourmis. C'est assez incommodant.”
Cette désagréable sensation de fourmis qui envahit les membres inférieurs de votre corps est le signe que votre fessier, après une longue période d'inactivité, est en train de s'affaiblir, vous exposant à des risques de blessures ou d'inflammation au niveau des genoux, du bas du dos ou encore de la hanche.
“Lorsque vous vous asseyez beaucoup, le fléchisseur de la hanche se raccourcit et se resserre, ce qui fait que les muscles des fesses ne se déclenchent ou ne fonctionnent pas de manière aussi optimale qu'ils le devraient”, prévient dans le magazine SELF Chris Kolba, physiothérapeute à l'Ohio State University Wexner Medical Center. Un phénomène dont personne n'est réellement à l'abri, y compris celles et ceux qui pratiquent régulièrement une activité sportive.
Bouger beaucoup ? Non, bouger souvent !
Voilà l'astuce imparable de Mélanie Giacon, coach sportive chez l'Appart Fitness pour lutter contre l'atrophie de votre postérieur. Qu'importe que vous vous échappiez le temps d'une promenade avec votre chien, d'une petite vaisselle ou de quelques allers-retours dans les escaliers, “bouger une dizaine de minutes toutes les heures” permet de faire activer la circulation sanguine.
Pour les plus sportifs et sportives, pensez à alterner des mouvements de renforcement musculaire comme des squats ou des hip thrust (mouvement de bassin en direction du plafond, allongé-e sur le dos, les genoux fléchis) en effectuant trois séries de 15 répétitions avec 45 secondes de récupération.
Pour celles et ceux qui ont l'habitude de passer des heures assis-e sur leur chaise de bureau en assistant à des réunions virtuelles, surtout s'il s'agit de rendez-vous passifs, profitez-en pour vous dégourdir les jambes en suivant la réunion sur votre téléphone.
S'il est compliqué pour vous de quitter votre poste de travail, n'hésitez pas à esquisser quelques postures de yoga dès que vous en avez la possibilité, comme la position du chien tête en bas ou des salutations au soleil. Des postures recommandées par notre coach car elles mobilisent particulièrement l'ensemble du corps. Namasté !
Autre piste : simulez un trajet bureau/maison tous les matins et tous les soirs en sortant marchant. D'après ces témoignages, c'est bon pour le moral aussi !
Optimisez votre espace de travail
Pour le nouvel aménagement de notre espace et de notre routine de travail, on est allé demander conseil auprès d'Arnaud Declomesnil, directeur commercial du groupe ErgoSanté, une PME qui imagine et fabrique des solutions ergonomiques au service de la santé au travail.
S'il nous indique qu'il est bien sûr possible d'acheter du matériel de pointe, “il y a tout d'abord plein de petites choses gratuites et faciles à mettre en place” pour optimiser son environnement de travail, comme placer son imprimante un petit peu loin de son ordinateur, un prétexte parfait pour nous inciter à nous lever dès qu'on a besoin d'un papier, conseille Arnaud.
Ensuite, pensez à installer une application avec une alarme sur votre ordinateur, pour structurer votre journée et vous rappeler qu'il est temps d'aller dégourdir ce fessier qui s'impatiente sur sa chaise de bureau. D'ailleurs, n'hésitez pas à troquer une heure ou deux votre siège pour un gymball (un gros ballon, qui coûte entre 10 et 30 euros), très efficace pour mobiliser les muscles du corps en profondeur sans interrompre votre travail pour autant.
Enfin, s'ils n'ont pas encore été massivement adoptés en France, “95 % des bureaux vendus dans les pays scandinaves” sont des modèles à hauteur variable. Leur mécanisme électrique ou manuel permet en effet à son utilisateur d'alterner les positions en changeant la hauteur du bureau lorsqu'il travaille. “La meilleure des positions, c'est d'en changer souvent”, rappelle notre expert.
Privilégiez aussi les sièges adaptés à votre taille et réglables, capables de varier les inclinaisons, un mobilier adapté qui vous permet d'alterner les points de compression et de ne pas laisser une seule zone s'ankyloser.
Et si vous travailliez en mouvement ?
C'est le concept ingénieux de certains équipements de travail qui connaissent un franc succès depuis quelques années. “Il s'agit de modèles qu'on trouve de plus en plus en open space, comme des tapis de marche ou des vélos adaptés au bureau”, détaille Arnaud. Si ces bureaux “gadgets” sont davantage vendus aux entreprises qu'aux particuliers, étant relativement encombrants, il existe sur le marché des modèles plus malléables, faciles à glisser sous un bureau à hauteur variable. Coup double pour les créatifs, puisque “de nombreuses études ont prouvé le lien entre le mouvement au travail et le pic de créativité”, ajoute notre expert.
Pour celles et ceux qui ne se sentent pas encore de faire quelques foulées en peaufinant leur PowerPoint, la tendance du flex office, ou bureau flexible, peut être une bonne façon de tourner sa routine de travail vers une dynamique plus active. Un mode d'organisation qu'Amélie, 35 ans, cheffe de projet, a déjà adopté. “Un coup sur mon bureau fixe, et puis une heure sur le hamac légèrement inconfortable de l'open space et puis un petit tour en salle de réu' me permet de me dégourdir les jambes et de renouveler mon environnement de travail”, assure-t-elle.
À la maison, ça donne une heure sur le bureau pour commencer, un passage par l'îlot central dans la cuisine, pour s'asseoir un peu plus en hauteur (et prendre un café), et pourquoi pas une séance de lecture de dossiers dans le fauteuil suspendu du jardin.
Et si vous êtes plusieurs à travailler à domicile, vous pouvez aussi échanger de poste régulièrement. Oui, le bureau dans la chambre des enfants compte aussi !