Matthieu M. - Publié le 17 septembre 2021
URBANISME - Le Pavillon de l'Arsenal s'interroge sur les critères qui façonnent ou non la beauté d'une ville à l'heure de la transition écologique.
Difficile de mettre tout le monde d'accord quand une ville tente de changer de style. Récemment, l'Arc de Triomphe empaqueté, œuvre posthume de l'artiste contemporain Christo, a déchaîné les critiques. Tandis que certains hurlent au scandale, d'autres s'émerveillent.
Qu'il soit question de monuments historiques, de jardins ou de bâtiments, “comment se définit, en fonction des projets et des contraintes de chaque siècle, l'esthétique urbaine ?”, s'interroge le Pavillon de l'Arsenal, centre d'urbanisme et d'architecture de Paris, dans son exposition La beauté d'une ville.
Cette exposition, qui se tient jusqu'au 28 novembre 2021, passe en revue les différentes controverses esthétiques à travers l'histoire de Paris et s'interroge quant à la place de la beauté à l'heure où les villes opèrent une transition écologique indispensable. Pourquoi trouve-t-on une ville belle et une autre non ? Existe-il des critères objectifs qui permettent de dessiner une belle ville ?
Beau ou laid ? Un débat vieux comme la ville
On croit souvent que les débats qui concernent l'esthétique d'une ville sont profondément contemporains. Pourtant, c'est une vieille rengaine que l'on retrouve à différents moments de la construction d'une ville.
Par exemple, les grands travaux du baron Haussmann qui ont bouleversé le paysage de la capitale au XIXème siècle et qui sont unanimement considérés comme un chef d'œuvre d'urbanisme ne faisaient pas consensus à l'époque. Victor Hugo, fervent défenseur de l'héritage médiéval de Paris, était très engagé pour la conservation du bâti historique et donc très critique à l'égard des travaux du baron. D'ailleurs, dans son ouvrage Guerre aux démolisseurs datant de 1832, l'auteur des Misérables livre un pamphlet en faveur de la préservation et de la valorisation du patrimoine architectural français.
Le Pavillon de l'Arsenal rappelle dans son exposition que la qualité morphologique d'une ville “résulte de l'héritage de l'opposition entre les nécessaires grands chantiers pour embellir et les défenseurs de la préservation de l'existant.” En gros, vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais ce sont bel et bien les débats houleux qui agitent votre ville qui préparent son apparence future.
Adieu la voiture, vive la verdure : la ville à l'heure du réchauffement climatique
Et puis ce qui fait scandale aujourd'hui fera partie du patrimoine de demain. Et c'est ce qui fait la beauté d'une ville : le mélange des genres ! En Italie, dans la ville de Milan, la cathédrale gothique “il duomo di Milano” côtoie les forêts verticales de l'architecte Stefano Boeri, rien de tel pour casser la monotonie.
L'exemple du projet architectural de Boeri est caractéristique de l'évolution du rôle et de la perception d'une ville. Ces bâtiments recouverts de 900 arbres s'intègrent dans la stratégie de la ville italienne de réduction de la pollution. En effet, le concept de ville durable est devenu un enjeu considérable en termes de transition écologique.
Les villes sont aujourd'hui des actrices incontournables de la lutte contre le réchauffement climatique. Alors que la capitale française se positionne comme l'une des figures majeures de ce mouvement écolo, il y a à peine 60 ans son objectif était tout autre. Bien loin de la préservation de l'environnement, dans les années 60, Paris se veut moderne : en 1964, la capitale vote le projet de voie express rive droite pour faciliter le passage de la voiture en son sein. La ville sans voiture n'était alors pas une option envisageable.
Heureusement les mentalités évoluent, adieu la voiture, place à la verdure ! Tous les trois ans, l'Observatoire des villes vertes dévoile son classement des villes les plus vertes de France. Par conséquent, mettre en avant son patrimoine végétal est devenu un critère esthétique et écologique pour les municipalités. En 2020, c'est la ville d'Angers qui obtient la première place du podium devant Nantes et Metz.
La végétalisation de l'espace urbain est en route ! “Finies les skylines de béton et de verre, finie la pierre seule, bienvenue aux matériaux biosourcés et géosourcés de couleur et à l'esthétique des façades végétalisées”, rappelle le centre d'urbanisme et d'architecture dans son exposition. Une tendance écolo qui impacte aussi le mobilier urbain, qui se met au service de la transition.
À Leicester au Royaume-Uni, le toit des 479 abribus de la ville ont été recouverts de fleurs et de verdure afin d'attirer les insectes pollinisateurs et mettre fin à la disparition des abeilles. Tandis qu'à Lyon, la municipalité a expérimenté une peinture anti-chaleur sur ses trottoirs, composée de billes de céramique afin de lutter contre les épisodes de canicule. “Les contraintes environnementales nous offrent un champ d'exploration extrêmement grand et une occasion de ressourcer l'architecture”, explique dans le cadre de l'exposition l'architecte Eric Lapierre.
Malgré les vives émotions qu'elles suscitent, les innovations architecturales, artistiques et écologiques des villes façonnent à leur manière la représentation de la ville de demain. Mais si ces débats vous laissent de marbre, faites notre test pour savoir si vous pouvez vivre à la campagne.