Matthieu M. - Publié le 6 novembre 2021
ARCHI - Le Pavillon de l'Arsenal s'intéresse aux habitations légères et décarbonées dans sa nouvelle exposition. Un impératif écologique pour l'architecte Philippe Rizzotti.
La construction est le deuxième secteur le plus émetteur de dioxyde de carbone en France. Pour atteindre nos objectifs et limiter le réchauffement climatique, il faut absolument réduire l'impact de l'industrie du bâtiment. Mais comment ? C'est l'une des questions brûlantes au coeur des débats à la COP 26, la conférence sur les changements climatiques qui a lieu en ce moment à Glasgow en Ecosse.
La réponse pourrait bien se trouver au Pavillon de l'Arsenal à Paris, où se tient l'exposition intitulée L'empreinte d'un habitat - construire léger et décarboné.
33 projets architecturaux, imaginés entre 1920 et 2020 proposent des pistes pour construire en utilisant moins de matériaux et donc réduire l'empreinte carbone. Nous avons interrogé le commissaire de l'exposition, architecte et enseignant, Philippe Rizzotti.
L'exposition du Pavillon de l'Arsenal s'intéresse aux constructions légères et décarbonées. Qu'est-ce que cela signifie au juste ?
Philippe Rizzotti : Les objets que nous avons analysés sont des prototypes, des projets expérimentaux faits par des architectes de renoms qui se sont intéressés soit à construire à bas coût, soit à explorer les outils industriels pour construire plus rapidement.
L'idée de construire léger, c'est évaluer la quantité de matériaux nécessaire à la construction d'un habitat. Un pavillon de maçonnerie traditionnel pèse 1,2 tonne du mètre carré, cela représente beaucoup de matériaux. Ceux que nous avons étudiés, représentent moins de 50 kg en tout.
Les projets les plus contemporains intègrent des dispositifs technologiques pour atteindre une neutralité carbone dans la consommation d'énergie.
Vous avez parlé des pavillons traditionnels. Pourquoi est-il important de développer des alternatives à ce type d'habitat ? Quelle pollution engendrent-ils ?
La solution des pavillons s'est imposée par facilité et souci d'économie dans les pays industrialisés, en construisant avec du béton ou des blocs de béton préfabriqués.
Aujourd'hui, différents chercheurs ont fait le bilan et ont conclu que nous n'avions plus assez de ressources disponibles pour en construire pour tout le monde. L'un des leviers qui nous semble intéressant est de limiter la quantité de matière pour la production de logement. Car la production de logement, c'est plus de 30% des émissions carbone et jusqu'à 50% de l'utilisation des ressources naturelles en Europe.
La ministre du logement, Emmanuelle Wargon a déclaré récemment que la “maison individuelle est un non sens écologique”. Qu'en pensez-vous ?
On n'a jamais autant vendu de maisons individuelles en France qu'en 2020. Écologiquement c'est une aberration, car en rassemblant les logements, on construit moins de routes, moins d'infrastructures donc on économise à tous les niveaux.
La France a été l'un des premiers promoteurs de la maison individuelle pendant toutes les Trente Glorieuses. Je ne suis pas sûr que l'on puisse imposer aux Français de supprimer ce rêve. Il faut donc proposer des alternatives. On peut tout à fait diviser par deux la quantité de matière première utilisée, cela permettrait de contenter tout le monde tout en économisant de la matière et l'empreinte carbone.
Pour vous, la condition pour continuer de construire des maisons individuelles est de les rendre plus légères. Vous avez sélectionné 33 projets architecturaux dont vous avez étudié plusieurs données comme les matériaux, l'empreinte carbone, l'efficacité. Quel est le projet qui coche le plus de cases selon vous ?
C'est la maison en 8x8 de Jean Prouvé et Pierre Jeanneret, parce qu'elle est extrêmement légère, très peu carbonée, extrêmement efficace à mettre en œuvre et son système constructif est intéressant. Son seul point faible, c'est qu'elle n'est pas très efficace énergétiquement, elle manque d'inertie, d'isolation. Personne n'accepterait de vivre dans un chalet en bois comme celui-ci... Néanmoins, au niveau de l'intelligence de la conception, c'est l'un des plus performants et il est assez facile de s'en inspirer pour en faire un modèle contemporain de maison individuelle. À condition qu'elle soit totalement autonome en énergie et en eau, de façon à ce qu'elle soit sans impact sur l'environnement.
Au-delà de la question de l'empreinte carbone ou de l'économie de ressources, y a-t-il autre chose dont on devrait s'inspirer dans ces 33 projets ?
Le vrai point commun entre ces projets, c'est qu'ils sont tous démontables. Ils sont la preuve que tous les matériaux sont importants. Cela fonctionne comme de l'or : un matériau que l'on est capable de le fondre et de transformer. Pourquoi ne ferait-on pas la même chose avec du bois, des métaux, de l'aluminium et même avec des plastiques ? Nos maisons pourraient toutes devenir des gisements de matériaux pour demain.