Castorama avec la Rédaction - Publié le 21 mars 2022
DÉCRYPTAGE - Que signifient les labels de gestion forestière durable ? Entretien avec le directeur de PEFC France pour comprendre comment ça se passe, sur le terrain.
Article mis à jour le 20 juin 2024
Que ce soit sur un banc en bois massif, un outil pour le jardin avec un manche en bois ou encore sur les catalogues publicitaires, vous voyez quotidiennement le label PEFC ou autres certifications durables apposés sur les produits vendus chez Castorama.
Mais que signifient ces logos ? En quoi attestent-ils du respect des ressources renouvelables en bois ? Comment protègent-ils les forêts ?
Pour en savoir plus, nous avons échangé avec Paul-Emmanuel Huet, directeur exécutif de PEFC France, l'un des deux systèmes de certification de gestion durable des forêts.
Cette association créée en 1999 a pour mission d'édicter des exigences de gestion forestière destinées à être appliquées par des propriétaires forestiers qui souhaitent s'engager dans la gestion durable de leurs forêts. Ces exigences sont établies à l'échelle internationale et ensuite déclinées dans chacun des pays où PEFC est présent.
Que se cache-t-il derrière le label PEFC ?
Quels sont les objectifs de la certification PEFC ?
Paul-Emmanuel Huet : L'objectif de PEFC est d'assurer la durabilité de la gestion forestière à travers 3 composantes :
- économique (la production de bois),
- environnementale (protéger la biodiversité, les sols, les cours d'eau),
- et sociétale (considérer les populations qui vivent dans les forêts, ce qui s'applique plutôt aux zones tropicales, préserver la santé et la sécurité des personnes qui travaillent en forêt, et l'accueil du public).
Notre référentiel, qui regroupe l'ensemble des exigences de gestion forestière durable, est construit pour assurer un équilibre entre ces composantes.
Qu'est-ce qui différencie une forêt gérée durablement ?
Une forêt durablement gérée, c'est avant tout une forêt qui reste une forêt. Dans la vie d'une forêt, différentes opérations sylvicoles vont avoir lieu. Ces activités doivent toujours permettre le maintien global du couvert forestier. Vous devez vous assurer de la continuité du couvert forestier, soit à travers une régénération naturelle soit en replantant.
La préservation de la biodiversité, à titre d'illustration, c'est identifier et protéger tous les éléments de biodiversité remarquables à l'échelle de la propriété. Si elle comprend l'habitat d'une espèce menacée, des zones humides, des mares, des tourbières, vous devez les avoir identifiées et montrer que vous les préservez.
Vous devez prendre en compte les périodes de reproduction des espèces (par exemple, la cigogne noire qui niche au printemps) et informer les prestataires amenés à intervenir en forêt des éléments de biodiversité à préserver.
Ensuite pour la préservation des sols, vous devez éviter de faire passer des engins sur des sols détrempés, en période de forte pluie, limiter le passage d'engins à certains endroits de la parcelle forestière, ou adapter les pratiques sylvicoles en zone de forte pente.
Pour la préservation des cours d'eau, il s'agit de maintenir la végétation de bordure qui protège les berges, et de ne pas franchir les cours d'eau ou des mares avec des engins.
Sur l'aspect sociétal, il faut, à titre d'exemple, engager des mesures de dialogue et de concertation avec les populations autochtones, s'assurer du respect de leur cadre de vie.
Combien de forêts sont concernées ?
PEFC est présent dans 55 pays, pour 330 millions d'hectares et 24 000 entreprises certifiés au total.
En France métropolitaine, ⅓ des forêts et un peu plus de 3100 entreprises sont certifiées PEFC.
Est-ce que toutes les forêts en France ne sont pas déjà gérées durablement ?
La France a une vraie tradition de gestion durable de ses forêts depuis Colbert, au 17e siècle. Le code forestier a gravé tous les fondements de la gestion forestière durable. Même si la majorité des critères PEFC sont déjà remplis par les forêts gérées durablement en France, les certifications peuvent aller au-delà sur certains sujets. Elles amènent aussi un dialogue avec les propriétaires forestiers et d'autres parties prenantes de la forêt, une sensibilisation plus forte, et des contrôles et audits par des tierces parties indépendantes, elles-mêmes accréditées par le Cofrac (Comité français d'accréditation).
Comment se passent les contrôles ?
Le propriétaire forestier qui veut faire certifier sa forêt s'engage à respecter l'ensemble des exigences PEFC et s'engage à pouvoir être contrôlé sur le respect de ces exigences. Les contrôles sont opérés par échantillonnage.
Ensuite, pour que le consommateur puisse acheter un meuble ou un cahier certifié PEFC, il faut que tous les acteurs de la chaîne de transformation soient certifiés PEFC. C'est donc aussi une certification de traçabilité. Au niveau des entreprises, ce sont des contrôles annuels, sur la gestion des flux de matières.
L'engagement de Kingfisher à devenir "Forest Positive"
Le groupe Kingfisher, dont fait partie Castorama, s'est engagé à devenir “Forest Positive” d'ici 2025. Cela veut dire, s'approvisionner à 100 % en bois :
- recyclé,
- certifié durable, avec un label ou une mention A+ qui atteste que le bois est issu de ressources forestières gérées de manière éco-responsable,
- ou certifié PEFC.
Kingfisher financera également des projets de reforestation dans les zones tropicales.
On pourrait penser que le meilleur moyen de protéger la forêt, ce serait de ne pas l'exploiter ?
C'est un peu un fantasme. On a ce paradoxe aujourd'hui. Beaucoup de Français veulent plus que jamais avoir du bois chez eux, des tables en bois massif, du parquet... La construction bois est largement plébiscitée. Et pour cela, il faut une filière bois structurée.
Il faut accepter que la forêt puisse changer de paysage. C'est temporaire à l'échelle d'une forêt, ce n'est qu'une partie du cycle. Même si les coupes de bois peuvent être impactantes visuellement, avec le reboisement ou la régénération naturelle, au bout de quelques années l'impact sur le paysage est déjà différent, la forêt ayant repoussé.
Aujourd'hui, la France importe beaucoup de bois alors que la surface de la forêt française continue à augmenter. On prélève seulement la moitié de l'accroissement annuel.
Il faut accompagner ce besoin croissant en bois dans le respect des 3 composantes de la forêt - économie, biodiversité, société. Le besoin de dialogue est plus fort qu'avant pour préserver l'équilibre.