Clémence Leleu - Publié le 25 juillet 2016
PATRIMOINE - La maison qui a vu grandir Colette, célèbre auteure du début du 20ème siècle, vient d'ouvrir ses portes au public pour la première fois, après quatre ans de travaux. Visite guidée.
Nichée dans un petit village bourguignon, se cache, à l'ombre d'une rue tranquille, la maison qui a vu grandir Colette, femme de lettres du début du 20ème siècle. C'est donc au 8, rue de l'Hospice, depuis rebaptisée rue Colette, que la future écrivain, a vécu les 18 premières années de sa vie, avant que de graves difficultés financières ne poussent la famille à quitter cette demeure. Un choc pour celle qui confessera avoir “failli en mourir”.
Mais c'est en partie grâce à cet ébranlement que Colette embrasse, à 22 ans, la carrière d'écrivain que nous lui connaissons. En effet, son premier mari, Willy, lui proposera de coucher sur le papier ses précieux souvenirs d'enfance, tous inextricablement liés à cette maison de Saint-Sauveur-en-Puisaye.
Une renaissance fidèle
Cette demeure, paradis de l'enfance de Colette, émaille les pages de nombre de ses romans. Dans Claudine à l'école, La Maison de Claudine, Sido ou encore La naissance du jour, Colette distillera des souvenirs, extrêmement précis de cette maison mais aussi de son jardin, auquel sa mère était tant attachée. L'auteure allant même jusqu'à détailler l'intégralité des livres se trouvant dans la bibliothèque de son père, le Capitaine Colette, ou les détails fleuris d'un papier peint.
Une aubaine pour le directeur de la maison de Colette, Frédéric Maget, qui a pu, grâce à cette minutie, rénover la maison de l'écrivain, sans la dénaturer. Ce ne fût pourtant pas une mince affaire, la bâtisse, inoccupée depuis dix ans, souffrait de graves problèmes d'humidité, et certains plafonds s'étaient même éffondrés.
“Colette est l'écrivain qui parle le plus de sa maison dans l'intégralité de son oeuvre. Tout y est décrit avec grand soin. Ce sont notamment grâce à ces textes que nous avons pu rénover la maison dans la plus grande fidélité à ce qu'elle était lorsque Colette y vivait”, confie celui qui est aussi le président de la Société des amis de Colette.
Le temps suspendu
En complément des textes, les membres de l'association se sont appuyés sur les différents inventaires notariés afin de reproduire le mobilier à l'identique (seul 20% de l'initial ayant pu être récupéré) mais aussi sur des enquêtes stratigraphiques (études des couches successives de peintures ou de revêtements muraux, ndlr) pour orner les murs des mêmes papiers peints que ceux connus par l'écrivain. “Nous avons également fait valider tous nos choix par les Arts décoratifs”, poursuit Frédéric Maget.
Ainsi, lorsque l'on pénètre dans la demeure, après avoir laissé derrière soi la façade blanchie et ses volets et fenêtres “gris de fer”, le temps semble s'être suspendu. Dans la salle à manger la table est dressée, un exemplaire du journal La lanterne déposé sur le bureau du capitaine Colette attend d'être feuilleté, et une lumière sourde éclaire la chambre d'enfant de la petite Gabrielle. On ne serait pas totalement étonné si le piano du salon se mettait à résonner de quelques notes d'un air de classique.
Une maison comme personnage principal
À l'intérieur de cet écrin qui fut tant la bulle d'air de l'enfance de l'écrivain, qu'un des personnages principaux de son oeuvre, rien de contemporain. L'association préférant laisser des pièces vacantes plutôt que de s'octroyer la liberté de meubler avec une vague idée de ce que la pièce aurait pu être.
À l'image de la chambre des frères de Colette. “C'est une pièce qui n'est pas documentée dans ses romans, sans doute car ses frères étaient en pension et qu'elle n'avait pas vraiment de raison de rentrer dans leur chambre. Nous avons donc préféré y exposer des archives.” explique Frédéric Maget.
Dans chacune des pièces, le papier peint a été reproduits à la planche (procédé artisanal consistant à sculpter le motif dans une planche qui est ensuite appliquée sur l'étoffe, ndlr), à l'image des papiers peint à bleuets sur fond blanc et gris, décris par Colette “d'un bleu impitoyable”. Les rideaux ont été montés à la main par des tisseurs lyonnais. La bibliothèque a été recréée avec les livres qui la composaient à l'époque, poussant la précision jusqu'au choix de la même d'édition et couleur de reliure.
Çà et là, certains espaces sont laissés vacants, comme ceux devant accueillir des miroirs en cours de création ou des murs laissés vierge, en attendant de retrouver des miroirs d'époque, ceux d'aujourd'hu n'étant plus fabriqués selon les mêmes techniques.
Les jardins reproduit à l'identique
Enfin, les jardins ont eux aussi été reproduits à l'identique. Chers à Sido, la mère de Colette, ceux-ci ont également vu grandir l'auteure, sous les yeux surprotecteurs de sa mère.
“Le jardin du haut commandait un jardin du bas, potager resserré et chaud, consacré à l'aubergine et au piment, où l'odeur du feuillage de la tomate se mêlait, en juillet, au parfum de l'abricot mûri sur espaliers”, détaillait ainsi l'écrivain dans son roman La maison de Claudine.
La rénovation de cette maison qui a permis de recréer l'intimité de ce qu'elle avait pu être un siècle auparavant tend à se poursuivre. “Nous allons aussi laisser la maison se transformer, vivre d'elle-même. C'est un lieu d'inspiration, mais aussi de transmission”, souligne Frédéric Maget. L'Histoire continue.