Adèle Ponticelli - Publié le 17 avril 2016
UPCYCLING - Le magasin Pirouette, à Nantes, vend des créations uniques et étonnantes réalisées à partir de déchets, pour meubler et décorer son intérieur.
Pirouette n'est pas un magasin comme les autres. On y trouve des lampes dont les pieds sont faits de fourchettes et de cuillères, des tabourets en disques vinyle, des bijoux, des sacs, de la déco... Des créations uniques, tout en récup'.
Ouvert en 2013, dans le coeur historique de Nantes, piéton et animé, Pirouette est un magasin entièrement dédié au réemploi créatif. Il fait partie d'un collectif zéro déchet, qui vise à la réduction des déchets jetés à la poubelle, et sera bientôt rattaché au mouvement Zero Waste France.
Véronic Durand, la fondatrice de la boutique, a choisi 50 créateurs. Ses critères : les objets vendus doivent être utiles, beaux, solides, fabriqués localement et enfin, le matériau réemployé doit être le plus mis en valeur dans l'objet.
Véronic Durand revient sur le sens de Pirouette et l'enjeu du réemploi créatif dans nos vies, qui peut servir à meubler et décorer nos intérieurs.
Qu'est-ce que le réemploi créatif ?
On ouvre sa poubelle, on regarde ce qu'il y a à l'intérieur et on se demande si on ne pourrait pas se resservir de telle ou telle chose autrement. Avec de la créativité, on peut remettre les déchets dans le circuit. C'est le concept de l'économie circulaire.
Pour cela, il faut se questionner sur le poids de nos actes : mettre des choses à la poubelle a des conséquences. Quand on consomme, on doit se poser les questions : ça vient d'où, ça va où ? La vie d'un objet ne se résume pas au moment où on l'a entre les mains.
Le recyclage n'est donc pas la solution miracle pour les matériaux ?
Ce n'est pas la voie unique, et le recyclage n'est pas forcément optimum. Il vaut mieux raisonner en termes de cycle de vie et de consommation d'énergie.
Par exemple, les cartons d'emballage, soit je les recycle, soit je les réutilise directement. Nous, on s'en sert pour faire nos cartes de visite. C'est dans cette réutilisation directe que se trouve le coeur de l'upcycling.
Quels sont les matériaux qui se recyclent le moins bien ?
La chambre à air de vélo se recycle très mal, le disque vinyle et les jouets en plastique aussi. D'autres matériaux, comme les bâches publicitaires, finissent à l'incinérateur car on ne sait pas où les jeter. D'autres enfin ont un recyclage avec une forte empreinte carbone, car ils sont exportés, notamment en Chine.
D'où viennent les matériaux réemployés ici ?
Ils ont plusieurs provenances : des invendus, des vides-greniers, des poubelles, Emmaüs... Les entreprises viennent aussi à moi pour valoriser leurs déchets.
Est-ce que ces produits sont biens perçus par le public ?
Oui, mais beaucoup ont encore du mal à se rendre compte de la valeur des créations uniques. Ici, les prix ne sont pas très élevés, entre 1 et 100 euros et le prix moyen est 17 euros, la marge est faible. Il faut éduquer les gens au fait que la matière d'un objet équivaut seulement à 10% du prix (le fait que l'objet soit fait avec du recyclé ne fait donc pas beaucoup baisser le prix, ndlr).
Pourquoi avoir ouvert Pirouette ?
Je voulais faire quelque chose qui ait du sens. Quelque chose pour l'intérêt général. Je ne dis pas que je suis dans une démarche écolo. Je n'aime pas ce mot “écolo”, car il y a un aspect militant, alors que pour moi c'est simplement de la logique. On ne devrait pas avoir à être militant pour percevoir l'intérêt environnemental.
J'ai passé toute ma vie à me battre pour changer les choses. J'essaye de faire ma part, comme le petit colibri de la légende que raconte Pierre Rabhi. Il va chercher des gouttes d'eau pour éteindre le feu. Un tatou l'interpelle, agacé par l'absurdité de son geste, “tu ne vas pas pouvoir éteindre le feu”. Le colibri répond : “je sais, mais je fais ma part”.