Lisa Hör - Publié le 6 juillet 2015
DÉCRYPTAGE - Les makers sont bien plus que des bricoleurs dotés d'imprimantes 3D. Mode d'emploi pour rejoindre le mouvement et fabriquer (presque) tout soi-même.
Pour être dans le coup, plus question de participer au concours Lépine, il faut avoir son stand à la Maker Faire Paris. Pour sa deuxième édition en mai 2015, ce rassemblement des makers a attiré 35 000 visiteurs, contre 8 000 l'an passé.
La preuve que le concept, formalisé aux Etats-Unis au début des années 2000, séduit de plus en plus. Même si, "historiquement, l'humanité a toujours été maker", soutient Bertier Luyt, l'organisateur de l'évènement.
"Il y a des makers qui envoient des robots dans l'espace et d'autres qui font de l'origami", détaille le passionné. "Il y a ceux dont c'est le métier, et puis ceux qui sont makers comme le Mr Jourdain de Molière faisait de la prose : tout naturellement, sans même le savoir."
Il n'y a pas de terme équivalent en français, mais pour faire simple, les makers sont des bidouilleurs. Ils inventent, fabriquent, détournent des objets. Et gravitent dans la galaxie des hackers, ces mordus d'informatique qui s'emparent d'Internet à coup de lignes de code. Mais rien à voir avec les pirates du web, qui ce sont plutôt les crackers, le côté obscur de la force.
Respecter une éthique
Les makers oeuvrent pour le bien, avec par exemple ce projet d'éclairage bioluminescent et sans électricité. Ou simplement pour le plaisir, comme avec ces chaises mutantes miniatures sur lesquelles personne ne pourra jamais s'asseoir.
Quelle différence avec les bricoleurs du dimanche alors ? "Le make, c'est un mouvement social et pas seulement une pratique individuelle. C'est faire avec les autres”, explique Michel Lallement, sociologue et auteur de l'Age du Faire (Seuil, 2015).
Principes fondamentaux énoncés par le sociologue : le partage gratuit des connaissances et l'ouverture d'esprit. "On ne juge pas sur les apparences. Que vous soyez jeune, vieux, homme, femme, ce qui compte c'est ce qu'on va pouvoir vous apprendre et la façon dont vous allez vous épanouir en conséquence. Que ce soit en bricolant un petit truc ou en trouvant une innovation géniale."
Rejoindre un FabLab
Pas besoin de diplôme, pas de hiérarchie... ce monde idéal existe, dans les Fab Labs. Il en existe plus de 300 en France. Ces "laboratoires de fabrication" sont répertoriés sur cette carte. Certains sont intégrés à une université, comme le FacLab à Gennevilliers. D'autres ciblent plutôt les professionnels, comme l'Usine IO à Paris, accessible sur abonnement. Mais la plupart sont ouverts à tous.
Et pourtant, "ils sont encore trop souvent réservés à un public d'initiés technophiles", regrette Christophe Santerre. Pour y remédier ce designer a imaginé la Maker Box avec le magazine Usbek et Rica. À partir d'octobre 2015, cette box donnera accès à un atelier dans l'un des Fab Labs partenaires pour fabriquer (et repartir avec) une lampe, un tabouret, ou un drône. Une bonne occasion d'utiliser des machines que l'on pensait jusqu'ici ne jamais approcher.
Choisir les bons outils
L'imprimante 3D est l'outil le plus emblématique des makers. En superposant des couches de plastique, elle permet en théorie de tout produire soi-même. "Elle garantit un effet waouh, ça fait rêver. On peut imprimer des structures impossibles à produire autrement, comme des os par exemple", décrypte Christophe Santerre. "Mais le procédé demande beaucoup de temps, pour un rendu qui n'est pas encore de très bonne qualité."
Alors oui, les techniques progressent à grand pas et on peut aujourd'hui imprimer une maison. Une société chinoise a même imprimé un immeuble de cinq étages en superposant des couches de béton. C'est spectaculaire, mais est-ce vraiment le plus malin ?
La wikihouse est une maison dont les plans peuvent être téléchargés sur Internet. Une machine à commande numérique permet ensuite de découper les pièces au bon format dans des panneaux de contreplaqué. Il n'y pas plus qu'à assembler les pièces du puzzle.
Moins glamours, la découpeuse laser et la fraiseuse à commande numérique restent plus utiles dans les Fab Labs que les imprimantes 3D. Sans oublier les bonnes vieilles perceuses et autres machines à coudre, qui ne se démoderont jamais.