Maïlys Dorn - Publié le 5 décembre 2017
MAISON-ÉCOLO - Luc Muyldermans a adapté le modèle des earthship au climat canadien et intégré une serre avec un potager. Cette maison regorge d'idées écolos pour vivre mieux !
Maïlys Dorn, architecte d'intérieur et autrice du blog optimisemonespace.com, est partie avec sa famille pour un tour du monde de 333 jours à la rencontre des acteurs et penseurs de l'habitat, pour poser la question "Quel sera l'habitat de demain ?". Elle partage ses rencontres pour 18h39.fr
Imagineriez-vous vivre dans une maison qui vous produit de la nourriture toute l'année, tout en vous protégeant de la météo extérieure ? C'est au Québec, à 2 heures de Montréal, que j'ai rencontré le spécialiste des serres accolées à la maison.
Le principe de ces serres est inspiré des "earthships" (maisons vaisseaux) créés par Mike Reynolds, architecte américain : des maisons autonomes, construites en plein désert dans l'état du Nouveau Mexique (USA), capables produire de l'eau potable, de l'énergie, et même, de la nourriture.
Luc Muyldermans a réussi à transposer cette idée au Québec, dans une région où les hivers sont longs et difficiles, et surtout, dans une maison en rénovation. Comme pour prouver que tout est possible, n'importe où, et quelle que soit notre maison.
Le paradis du "tout est possible"
Il est ingénieur de formation, et cela s'entend dans son discours, lorsqu'il m'explique tout le génie de sa "serre d'abondance".
Mais avant de découvrir sa serre, Luc tient à me faire découvrir son havre de paix. Autour de sa maison, nous prenons le temps de nous promener avec sa chèvre, de dire bonjour à son âne, ses poules, d'admirer le petit lac privé qu'il a lui-même creusé, et même, la petite forêt qu'il a plantée, désormais habitée par des castors.
Rien de tout cela n'existait lorsqu'ils ont acheté la maison. Je comprends assez vite qu' "impossible" n'est pas un mot qui fait partie du vocabulaire de Luc.
En arrivant de Belgique, en 1981, sa femme Lily et lui ont misé sur le long terme en entreprenant la rénovation de cette maison datant du début du siècle. Mais le clou de cette rénovation est sans aucun doute, sa serre accolée à sa maison.
Des fruits et légumes dans la maison, toute l'année
Exposée plein sud, toute en verre, sa serre a été dessinée dans la continuité de la pente du toit, comme une extension superbement intégrée.
En entrant, on est surpris par la variété des légumes, ainsi que par l'abondance des guirlandes de raisins au-dessus de nos têtes.
"La vigne ici placée a une double fonction : elle bénéficie en premier de toute la lumière du soleil, pour nous offrir du raisin très sucré, et offre une légère ombre qui évite à la serre de monter dans des températures insoutenables l'été. Mais l'hiver, la vigne nue laisse entrer toute l'énergie solaire dans la serre."
Au mois d'octobre, tomates, aubergines, poivrons, basilic, romarin, et figuier faisaient encore partie du décor, prolongeant ainsi l'été de quelques longues semaines. "On va bientôt arracher les pieds de tomates, mettre un peu de compost et semer les légumes d'hiver", m'explique Luc, heureux de pouvoir passer de sa serre à sa cuisine, sans transition.
Une formidable isolation thermique de la façade
En réalité, cette serre n'a pas uniquement une fonction nourricière. Ainsi accolée à la façade, elle est un superbe "espace tampon" qui permet une excellente isolation des murs extérieurs de la maison. Contre le froid l'hiver, mais aussi contre la chaleur l'été.
Pour la construire et maintenir son efficacité même dans les mois d'hiver les plus rudes, Luc a mis en place différentes stratégies, qu'il nous partage, et met aussi à disposition du grand public dans une formation en ligne qui a déjà été téléchargée par des milliers d'adeptes.
Des bouteilles d'eau et quelques tuyaux noirs pour empêcher la serre de geler
"L'eau est le meilleur matériau disponible sur la terre pour accumuler l'énergie et la redégager !", m'explique Luc avec enthousiasme lorsque je lui demande à quoi sert la centaine de bouteilles d'eau stockées dans sa serre.
"Dès qu'un rayon de soleil passe à travers la serre, même s'il fait 20°C dehors, la serre chauffe, et l'eau contenue dans les bouteilles, récupère et conserve cette chaleur. Une fois le soleil parti, la nuit, l'eau dégage sa chaleur et maintient la serre à une température au-dessus du zéro."
L''hiver, Luc se contente donc de coucher sa collection de bouteilles d'eau entre les rangs de semis. Les bouteilles agissent comme de véritables "bouillottes" qui maintiennent la terre à une température supportable pour les plantes et les graines !
Suivant le même principe, Luc a placé son réservoir d'eau de pluie sous la serre, à 40 cm sous terre. Grâce à de simples tuyaux de plastique noir, placés au soleil pour en absorber la chaleur, et une petite pompe très silencieuse qui consomme très peu d'énergie, Luc peut faire circuler cette eau dans ces tuyaux noirs, qui serviront donc de capteur solaires le jour, et de "radiateurs" la nuit, pour chauffer doucement la serre.
Des cailles pour lutter contre l'invasion de cloportes
Pour lutter contre des petites mouches blanches, Luc se contente d'asperger ses tomates d'eau mélangée à du savon de Marseille.
Mais pour lutter contre une invasion de cloportes, Luc est particulièrement fier de sa trouvaille : il a installé des cailles dans sa serre ! "Contrairement aux poules, elles mangent les cloportes sans détruire mon potager, elles m'offrent aussi des ?ufs et un chant très agréable !"
Une conception tournée vers l'énergie solaire
La conception de la serre de Luc a été particulièrement étudiée pour être légère, tout en étant capable de supporter de lourdes charges (neige).
Le mur en façade est clair, pour refléter la lumière du soleil dans la serre, et le chemin qui permet de circuler dans la serre est fait de matériaux lourds et sombres (ardoise, carrelage), pour accumuler l'énergie solaire.
Un jardin dans la maison
Si, au plus fort de l'été, la chaleur peut tout de même être difficilement supportable à l'intérieur de la serre, celle-ci offre, en plus d'un potager à l'année et d'une formidable isolation, un superbe "jardin d'hiver" où il fait bon se détendre de l'automne au printemps.
Lorsque je demande à Luc comment on pourrait transposer cette idée dans n'importe quelle maison ou immeuble, on se met à imaginer des immeubles dont les balcons seraient des serres, puis il me dit "le mieux, en réalité, c'est d'utiliser le toit. Car une serre est un toit !" Cela aurait l'avantage d'être une excellente isolation thermique, une production de nourriture, et un superbe espace vert.
La maison de demain, avec un toit de verre et un potager sous le toit ? J'adore l'idée, que je note immédiatement dans mon carnet "ma maison de demain".