Maïlys Dorn - Publié le 24 novembre 2017
MAISON-ÉCOLO - Pour 18h39, l'architecte d'intérieur Maïlys Dorn a visité ce lieu unique qui expérimente la géothermie urbaine, les murs végétaux géants et le zéro déchet pour un habitat écologique et une ville plus verte.
Maïlys Dorn, architecte d'intérieur et autrice du blog optimisemonespace.com, est partie avec sa famille pour un tour du monde de 333 jours à la rencontre des acteurs et penseurs de l'habitat, pour poser la question "Quel sera l'habitat de demain ?". Elle partage ses rencontres pour 18h39.fr
C'est un lieu comme on en aimerait en voir tous les jours. Tous les Montréalais me l'ont indiqué : "Vas voir la Maison du Développement Durable !" La "MDD" de son petit nom.
Première surprise en visitant leur site internet, à la rubrique "comment venir nous voir", la MDD insiste sur un point : utilisez les transports en commun !
Ce n'est qu'en arrivant (en métro et à pied donc) que je comprends l'insistance : sur place, pas de parking pour cet immeuble récent. Les architectes ont privilégié l'exploitation du sous-sol pour un tout autre projet.
100% des besoins en chauffage et climatisation sont couverts par un système de "géothermie peu profonde" : 28 tuyaux remplis d'eau et de glycole, descendent jusqu'à 153 m de profondeur sous le bâtiment. Le sol agit alors comme une "banque thermique". L'été, ces tuyaux captent la chaleur du bâtiment et l'emmagasinent dans le sol.
Quand les mois plus froids arrivent, l'installation fait descendre le froid vers le sol et remonter la chaleur vers le haut. Ce froid est utilisé l'été suivant pour la climatisation. Le moins que je puisse dire, c'est que ça fonctionne : alors que la chaleur surprend les Montréalais à l'extérieur, l'air est très agréable à l'intérieur.
Un lieu où l'on se sent bien
Mais ce n'est pas le seul élément qui fait que l'on se sent bien à l'intérieur. En entrant, je suis agréablement surprise par la présence d'un immense mur végétal face à nous, qui humidifie et filtre l'air sur la hauteur des 5 étages du bâtiment. Sur la droite, la façade sud est entièrement vitrée et inonde de lumière tous les étages. L'ambiance est particulièrement plaisante, sans que je comprenne encore tout ce qui participe à ce bien-être.
Dans le hall du rez-de-chaussée, des artisans s'affairent en installant bijoux, lampes, et autres objets de production locale, matériaux recyclés, sur des stands de fortune. Je remarque que tous-tes ont prévu une gourde d'eau, un thermos de thé.
Le jeune homme qui travaille à l'accueil m'explique que la MDD accueille souvent des évènements, dont les intervenants doivent respecter une charte en accord avec leurs valeurs de développement durable. L'interdiction d'utiliser de la vaisselle jetable fait partie des règles à respecter.
Mais le développement durable, c'est QUOI, au fait ?
"Subvenir à nos besoins actuels, sans nuire aux capacités des générations futures à répondre à leurs besoins." Telle est la définition donnée par Lancelot, avec qui j'ai rendez-vous pour une visite.
Lancelot est étudiant à HEC, mais il travaille parallèlement pour Hydro-Québec (l'équivalent d'EDF en France), l'un des partenaires principaux du projet. Il nous en raconte la genèse. À l'origine, il y a l'association Equiterre. Leur objectif : "contribuer à bâtir un mouvement de société en incitant citoyens, organisations et gouvernements à faire des choix écologiques, équitables et solidaires".
En 2002, à la recherche d'un local correspondant à leurs valeurs, ils ont lancé le projet fou de créer un "pôle de rencontres, d'échanges, de projets et d'innovations", en plein c?ur de Montréal. Au bout de 9 ans et avec le concours de 8 organismes à but non lucratif et 45 sponsors, le bâtiment voit enfin le jour et est devenu aujourd'hui un symbole du "c'est possible".
Dans cette "maison", l'espace est partagé par différents utilisateurs de tous âges : il y a des bureaux, des espaces de conférence, d'exposition, un café, et même une crèche. Et pour qu'on soit vraiment "comme à la maison", il y a aussi, pour les personnes qui y travaillent, une cuisine à chaque étage, et un toit terrasse sur lequel il fait bon se détendre.
23000 litres d'eau économisés chaque année
La construction de cet immeuble qui se veut être un "laboratoire du développement durable" repose sur 3 piliers : le respect de l'environnement, le bien-être social et l'équité économique.
L'édifice a été conçu pour consommer 60% moins d'énergie qu'une construction « standard » de la même superficie. Plus de 775 000 dollars canadiens (520 000 euros environ) ont déjà été économisés en frais d'énergie en seulement 6 ans, grâce à :
- une isolation parfaite,
- un important apport de lumière naturelle,
- un toit végétalisé,
- un système de chauffage / climatisation écologique,
- l'utilisation de matériaux recyclés.
Toutes les techniques pourraient être utilisées sur n'importe quel immeuble d'habitation.
Mais ma solution préférée est sans doute le toit végétalisé, avec seulement 7 cm de terre. "Quasiment tous les immeubles du quartier pourraient le faire", précise Lancelot. Cette technique apporte de nombreux avantages : isolation thermique, phonique, "et on récupère par ailleurs toutes les eaux de pluie qui sont utilisées pour nos sanitaires". Jusqu'à 23000 litres économisés chaque année !
Puis, il nous montre un toit voisin, peint en noir, avec une installation de climatisation inefficace, en pointant du doigt l'aberration architecturale. Je souris en repensant aux maisons traditionnelles tunisiennes, toutes blanches, (ou sous terre), qui ne souffrent pas de la chaleur du soleil, et ce, sans aucun système de climatisation...