Marie Tétrel - Publié le 19 février 2018
CHANGEMENT DE VIE - Après avoir vécu au Sénégal, ce couple de trentenaires et leurs deux enfants ont adopté un mode de vie plus simple, centré sur la nature, au cœur du bocage normand.
Depuis leur plus tendre enfance, Thérèse et Yannick ont baigné dans le monde agricole. Pourtant, c'est au bout du monde qu'ils ont eu une révélation, qui les a étonnamment poussé à s'installer dans le bocage ornais.
Ce couple de trentenaires, l'une diplômée d'un lycée agricole, l'autre paysagiste, a élu domicile à Caligny, avec leurs deux enfants. Là, ils se sont lancés dans l'aventure de l'agriculture raisonnée et ont choisi une vie plus simple.
Rejoindre une ferme où tout est à créer
En 2015, alors que leur mission pour une ONG au Sénégal s'achève, le couple doit envisager son avenir. En Normandie, le frère de Thérèse, Joseph, vient de s'installer dans la Ferme de la Berouette, une ancienne exploitation laitière presque en ruine appartenant à l'agglomération locale.
Son projet : monter un collectif pour développer une agriculture saine et raisonnée. Le couple visite, tombe amoureux du lieu. C'est décidé, ils viendront vivre dans l'Orne avec leurs deux enfants.
Aujourd'hui, quatre entreprises se partagent le corps de ferme. Chacune a sa spécificité : Joseph fait du maraîchage et élève des poulets, Hannah tisse des fibres végétales et les colorent à l'aide de plantes présentes sur l'exploitation, et Clélia cultive des plantes aromatiques et médicinales. Thérèse et Yannick, eux, ont choisi, en plus de l'élevage de quelques cochons, la culture en permaculture.
La permaculture : un système ultra-productif basé sur la biodiversité
Le couple a longuement réfléchi à l'activité qu'ils pourraient implanter dans cette région bien différente de celles qu'ils avaient pu explorer jusque-là. Ils voulaient fonder un nouveau modèle agricole autour de l'écologie et de l'humain.
Il faut dire que Thérèse et Yannick n'étaient pas étranger-es à une telle pratique. Lors de leur précédent voyage au Sénégal, ils ont découvert la permaculture auprès de Geoff Lawton, l'un des experts mondiaux de la discipline. Son enseignement leur a permis de mettre en place une forêt-jardin sur 3 hectares en milieu semi-aride aux portes du Sahel.
“Cette formation fut l'étincelle qui nous donna envie de nous investir dans l'agriculture”, raconte Yannick. “La possibilité de mettre en place des systèmes ultra-productifs basés sur la biodiversité nous a donné de l'espoir quant à l'avenir de celle-ci. L'idée d'avoir un terrain pour mettre en place un système complexe, riche en diversité, productif et généreux est donc née.”
Observer avant d'implanter une production
Après leur retour d'Afrique, pendant une année, ils ont observé leur nouveau terrain sans trop interagir. “Nous avons appris à connaître la ferme et étudier le sol et la faune, afin de comprendre les opportunités et les restriction du site”, explique Yannick.
Après observation, le couple a décidé d'implanter trois productions principales, qui s'accordent avec la typologie de leur terrain et du climat.
“Nous avons un verger dans lequel des pommiers nous fournissent de quoi faire du cidre, du jus et du vinaigre, nous avons quelques cochons que nous élevons, et enfin nous allons planter une multitude de végétaux pour constituer un jardin-forêt, Le Bosquet de la Vère, qui, à terme, nous fournira une production toute l'année”, précise l'agriculteur.
Prunes, cerises, poires, framboises, fraises, sureau, menthe, rhubarbe ou encore champignons pousseront bientôt dans le bocage ornais, de la façon la plus naturelle possible. Le couple a d'ailleurs lancé une campagne de financement participatif, qui leur apportera le coup de pouce financier nécessaire à la réalisation de leur nouveau rêve.
Vivre en colocation à la ferme
Venir vivre à la ferme de la Ferme de la Berouette, était aussi le moyen pour Yannick et Thérèse de vivre plus simplement, sans artifice.
“Pour le moment, nous vivons tous sous le même toit, mis à part Célia qui vit dans une yourte construite à proximité”, explique le jeune agriculteur. “Les bâtiments sont en mauvais état, mais nous les réparons petit à petit, l'objectif étant de vivre tous sur la ferme, mais dans des demeures séparées.”
Et la cohabitation est-elle difficile ? “Pas du tout”, insiste Yannick. Même s'ils partagent beaucoup de temps ensemble, car en plus de travailler sur le terrain, ils organisent aussi des ventes en direct et se croisent souvent le week-end. Chacun-e sait qu'une bonne communication est la base d'une bonne entente.
”Nous avons fait une formation de communication non-agressive, et nous faisons tous des efforts, car nous savons très bien que notre situation peut être mise à rude épreuve à chaque instant, les jeunes fermes étant très fragiles à leurs débuts.”
Les bienfaits de la ferme sur les enfants
Les enfants semblent heureux de vivre là, le plus grand connaît déjà une bonne partie des herbes sauvages qui poussent sur la ferme, ce qui ne manque pas d'étonner les visiteurs lors des portes ouvertes.
“Nos enfants sont plus connectés avec la nature et ne jouent pas avec des tablettes. À l'école, on nous dit qu'ils sont hyper épanouis, éveillés et avenants. On ne sait pas ce qu'il en sera quand ils seront ados, mais pour le moment, ça ne peut leur faire que du bien”, revendique le papa.
Le couple devra attendre quelques années de plus pour profiter pleinement de leurs nouvelles implantations et pouvoir proposer à la vente tous leurs produits. La nature est lente, mais Yannick et Thérèse ne sont pas pressés.
Avec la mise en place de cette forme d'agriculture, le couple veut aussi démontrer qu'elle est viable, et convaincre les professionnels du monde agricole conventionnel que cultiver autrement est possible. “Eux nous considèrent pour le moment comme des hippies bobo, et nous n'avons pas encore réussi à établir le dialogue, mais nous réussirons à réduire le clivage”, conclut Yannick.
Une belle perspective d'avenir.