Matthieu M. - Publié le 25 avril 2018
ENTRETIEN - Pour savoir à quoi ressemblera notre vie future sur Mars, la Nasa a envoyé 6 scientifiques vivre une simulation pendant une année. Cyprien Verseux, Français de 27 ans, faisait partie de l'aventure.
Allons-nous bientôt poser nos valises sur Mars et y installer notre maison ? Bien que certaines personnes comme Elon Musk pensent sérieusement à coloniser la voisine de la planète Terre, personne n'était encore capable de savoir si la vie qui nous attend est supportable.
C'est ce que l'Agence Spatiale américaine (Nasa) a voulu tester en simulant pendant une année les conditions de vie sur la planète rouge. Puisque les astronautes qui s'y rendront, passeront deux ou trois ans sur place, il fallait étudier en amont leurs réactions.
C'est ainsi que 6 équipiers ont pris part à cette expérience hors du commun, enfermés dans un dôme isolé sur un volcan d'Hawaï. L'objectif étant d'envoyer une expédition en 2030.
Parmi ces “faux astronautes”, un Français de 27 ans, Cyprien Verseux, jeune biologiste qui a intégré la mission suite à un stage à la Nasa. Il raconte son expérience avec beaucoup d'humour et de franchise dans Vivre sur Mars (Ed. Michel Lafon).
Depuis la base de Concordia en Antarctique où il se trouve aujourd'hui, il nous a raconté sa vie dans une maison martienne !
Comment se passait la vie dans le dôme “martien” ?
Nous habitions dans un dôme blanc de 11 mètres de diamètre qui ressemblait un peu à la Géode à Paris. On avait au-dessus de notre tête une coupole blanche. En bas il y avait une grande salle qui faisait à peu près la moitié de la surface du dôme. C'est là où on travaillait, faisait du sport, passait du temps ensemble.
Il y avait une autre salle qui comprenait une zone cuisine, une salle à manger, avec une grande table où nous prenions les dîners tous ensemble. Un escalier très raide menait à une mezzanine et aux 6 chambres, grandes comme des placards et aux toilettes sèches. Et enfin, il y avait bien sûr une salle de bains.
Qu'est-ce qui va changer sur Mars par rapport à la terre concrètement ? À quoi doit-on se préparer ?
On doit s'adapter physiologiquement à la gravité, qui est plus faible sur Mars que sur la Terre. Mais c'était une chose qu'on ne pouvait pas simuler dans le dôme. Surtout, nous devions faire attention à toutes les ressources, économiser l'eau notamment !
Cyprien raconte dans son livre :
“Pas question de prendre une douche. Nous nous accordons trente secondes pour nous mouiller, le reste pour nous rincer. Je dépose un peu de dentifrice sur ma brosse à dent, que je ne rince que deux minutes plus tard qu'avec quelques gouttes. Puis j'urine dans un flacon et le dépose dans une bassine.
L'appétit me pousser vers la cuisine. Je mâche quelques fruits déshydratés. Certains ont une texture caoutchouteuse. (...) Mon repas pris, je lave mon bol et ma cuillère avec une éponge humide. Pour toute la vaisselle de la journée, nous devrons nous limiter à quelques centimètres d'eau au fond d'une petite bassin.”
Est-ce que l'on devra produire notre propre énergie sur Mars ?
On avait des panneaux solaires mais on avait un système de secours quand il y avait des ouragans qui nous privaient de lumière solaire. Nous disposions d'un peu de propane, c'était une petite réserve qui nous permettait de maintenir les systèmes vitaux de l'habitat en cas d'absence de soleil.
Le défi c'est aussi de vivre dans un lieu clos : comment apprend-on à organiser son quotidien quand on ne peut pas, ou peu, sortir ?
Au début c'était particulier. On s'est retrouvé à 6 dans un endroit complètement silencieux. Pendant un an, on n'avait ni téléphone, ni Skype, ni internet... Nous n'avons discuté avec personne en dehors de nos équipiers.
Nous avions aussi des tâches que nous devions effectuer ensemble afin d'observer notre niveau de collaboration et capacité à négocier et trouver un compromis.
Deux fois par semaine, nous avions des missions à l'extérieur. Il fallait s'équiper avec des analogues de combinaisons spatiales pour faire des missions de géologie, qui nous prenaient environ une demie journée. Nous ne pouvions jamais sortir à l'air libre, jamais être exposé au vent, ou au soleil directement.
Le reste de la journée était consacrée à nos projets de recherche et un peu de sport, ce qui est très important quand on vit dans un milieu isolé.
En dehors du travail, comment se divertir sur Mars, comment occuper son temps libre ?
Les gens s'imaginent qu'on passait notre temps à s'ennuyer alors qu'en fait on avait très peu de temps libre. En ce qui me concerne, j'ai commencé à jouer de la musique, j'ai appris à jouer du ukulélé à raison de 15 à 20 minutes par jour.
Quels sont les éléments à mettre en place pour rendre un séjour sur Mars le plus agréable possible ?
Une bonne isolation sonore : dans le dôme en tendant l'oreille je pouvais savoir où se trouvait n'importe quelle personne. Ca peut paraître anecdotique mais ça pèse. Avoir la possibilité d'être un peu seul pendant un temps, c'est important.
D'après vous, tout le monde peut-il bien vivre sur Mars ?
Je pense que tous les profils ne sont pas adaptés à une vie sur Mars, il y a des gens qui vont très mal vivre l'isolement, d'être toujours entouré de gens.
J'ai moi-même été sélectionné pour pouvoir participer à l'expérimentation. L'épreuve finale était une mission de survie dans les Rocheuses. Nous étions 8. On nous a déposé à l'entrée du parc et nous avions 5 jours pour sortir de l'autre côté. En chemin on a dû coopérer, monter des campements, trouver de l'eau. À la suite de cela, les 6 équipiers ont été choisis ainsi que les deux suppléants.