Lisa Hör - Publié le 3 juillet 2018
DÉCRYPTAGE - Non, le zéro déchet n'est pas un truc de bobos. Non, ça ne sert pas à rien de réduire ses poubelles, même si on est une minorité à agir.
Les 28, 29 et 30 juin 2018, la 2e édition du Festival Zéro Waste se déroule à Paris au Cabaret Sauvage. La rédaction de 18h39 est partenaire de l'événement et se mobilise pour vous faire vivre de l'intérieur ce temps fort de la consommation responsable et vous guider pas à pas dans votre démarche zéro déchet !
Est-il possible de changer le monde en s'attaquant au volume de sa poubelle ? Après le Festival Zéro Waste, organisé à Paris du 28 au 30 juin 2018, nous pouvons répondre, sans la moindre hésitation, un grand oui !
De tous les ateliers et conférences organisées, nous avons retenu 4 grandes leçons, à mettre en pratique dès maintenant.
Idée reçue n°1 : Recycler, c'est déjà pas mal
“Se mettre au zéro déchet,c'est assez urgent”, nous avait expliqué Flore Berlingen, directrice de Zero Waste France, avant le festival.
Laura Chatel, également membre de l'association, nous a administré une piqûre de rappel : face à la montagne de plastique déversée dans le monde chaque année, le recyclage est loin d'être suffisant.
En 4 graphiques simples, elle démontre dans cette conférence filmée que l'augmentation de la production de plastique au niveau mondial n'est absolument pas compensée par le recyclage.
D'autant que “la plupart des plastiques qui arrivent sur le marché ne sont tout simplement pas recyclables”, rappelle-t-elle.
Rendez-vous à 11 minutes 30 de la vidéo : Laura Chatel présente un clip édifiant réalisé par l'ONG Greenpeace. Celui-ci met en images la quantité d'énergie nécessaire pour produire une simple cuillère en plastique, qui finit à la poubelle après une seule utilisation.
Après ça, c'est sûr, penser à prendre des couverts réutilisables pour le prochain pique-nique semble demander beaucoup moins d'efforts !
Idée reçue n°2 : Avec le zéro déchet, on va finir par s'éclairer à la bougie
Le zéro déchet peut faire peur : une chose en entraînant une autre, est-ce qu'on ne va pas revenir à l'éclairage à la bougie ? Que nenni ! Il ne s'agit pas de se télétransporter dans le passé, mais de renouer avec le bon sens d'autrefois.
Par exemple, repriser ses chaussettes à la façon de nos grands-mères, comme nous l'inspire l'atelier pratique pour apprendre à recoudre ses vêtements troués.
Un peu plus loin, quelques couches lavables sont exposées. Là encore, il s'agit de retrouver une pratique qui était la norme il y a encore 60 ans. Le confort en plus, puisqu'à présent nous avons des machines à laver ! (Et oui, malgré la consommation d'eau de la machine à laver, les couches lavables restent plus écolos, comme nous l'expliquions dans ce live Facebook.)
Il n'y a pas que les habitudes dans la maison qui peuvent s'inspirer du passé, mais aussi la façon dont on la construit. Il est possible d'acheter des matériaux de construction d'occasion, par exemple via l'association Mineka, ou d'éviter de jeter ses déchets de chantier lorsqu'on rénove un logement.
Comme nous l'a raconté Morgan Moinet, fondateur du site de veille et d'information materiauxremploi.com, raser les bâtiments et jeter les matériaux de construction est une pratique plutôt récente. À l'inverse, avant la première guerre-mondiale, il était encore courant de démonter les bâtiments et de réemployer les matériaux.
Idée reçue n°3 : Le zéro déchet, c'est un truc de bobos
Un truc de bobos, le zéro déchet ? Réservé à une élite qui n'a pas d'autre préoccupation que de préparer son compost et faire ses courses en vrac ?
“Je me bats contre cette idée reçue”, a lancé à l'auditoire Audrey Pulvar, présidente de la Fondation pour la Nature et l'Homme. “Le réchauffement climatique est global et nous concerne tous”.
Les populations les plus pauvres sont d'ailleurs les plus exposées aux conséquences du réchauffement climatique, a complété Véronique Fayet présidente du Secours Catholique-Caritas France.
"Les personnes en précarité que nous rencontrons nous disent 'Nous, on sait ce que c'est que la frugalité, on a des solutions, venez voir comment on fait'. Donc il faut faire AVEC les personnes en situation de précarité", a affirmé fortement Véronique Fayet.
Bien sûr, subir la frugalité et choisir la sobriété, ce n'est pas la même chose, mais l'idée est bien de tous et toutes se retrouver sur la question de la réduction des déchets, quel que soit son niveau de vie, en partageant des solutions accessibles.
Idée reçue n°4 : De toute façon, on ne peut pas faire grand chose à notre échelle
Est-ce que ça vaut le coup d'agir seul-e dans son coin ? Oui, mais ça ne suffit pas, répond Cyril Dion, réalisateur du documentaire Demain, venu présenter son nouveau livre Petit manuel de résistance contemporaine (Actes Sud, 2018).
“Si vous arrêtez de consommer un certain nombre de produits industriels et que toute la chaîne de production s'en trouve modifiée, évidemment que tout le gâchis que les industriels génèrent va diminuer, argumente-t-il. Pour autant, étant donné l'urgence, on a besoin de passer à l'étape ultérieure et de s'organiser.”
Il propose d'abord de raconter de nouvelles histoires, pour former un récit fédérateur qui entraîne toute la société vers le zéro déchet.
“Le monde dans lequel on vit est le fruit d'une histoire, peut être qu'on peut le regretter aujourd'hui mais, à l'époque ça nous a vraiment fait rêver de se dire que le progrès technique, le confort, l'accumulation de richesses de l'argent allait nous rendre heureux”, explique-t-il.
Puisque nous arrivons aux limites de cette société de surconsommation, à nous de créer et mettre en avant de nouveaux récits, pour rêver à d'autres modes de vie, poursuit Cyril Dion.
C'est là où chaque action individuelle compte vraiment : telle famille qui ne produit plus qu'un kilo de déchet par an, tel quartier qui a complètement changé après avoir créé un jardin partagé, ce sont autant de récits inspirants et contagieux.
“Si on gagne cette bataille de l'imaginaire ensuite mécaniquement ça va se traduire dans les structures politiques et économiques”, estime Cyril Dion.
Deuxième volet de la stratégie de Cyril Dion pour changer la société : voir grand mais commencer petit. Il s'appuie pour cela sur le livre Comment faire tomber un dictateur, quand on est seul, tout petit et sans armes de Srdja Popovic (Hors collection Payot, 2015).
Appliqué au zéro déchet, cela donne : plutôt que de chercher à convertir la mairie de sa ville au zéro déchet, commencer par installer un composteur dans sa propre cour d'immeuble (avec l'aide de ce guide pour installer un composteur collectif par exemple).
Une fois que ça marche bien, aller voir les immeubles voisins pour leur proposer de faire de même. Quand les composteurs auront fleuri dans le quartier, la mairie devrait venir d'elle-même pour proposer d'étendre l'idée au reste de la ville !
Un plan d'action qui rappelle celui d'un autre acteur du changement : Rob Hopkins, le fondateur du réseau des villes en transition, qui nous avait donné les clés pour agir avec sa communauté.
Alors, quand est-ce qu'on s'y met ?