Matthieu M. - Publié le 30 mars 2021
SOLIDARITE - Villa Village est un ancien hôtel du 16ème siècle rénové dans le but de créer un lieu de mixité sociale et d'âge.
Quand on tape son nom sur Google, on tombe davantage sur des photos de soirées mondaines que sur des logements sociaux. Et pourtant, Anne de la Baume, 76 ans, ancienne présidente de la fondation de la Vocation, vient de financer seule, la rénovation d'un hôtel particulier lillois pour y loger des personnes en difficulté.
Surnommé Villa Village, ce lieu intergénérationnel qui compte 11 logements, a pour vocation de loger, sans condition de ressources, des étudiants ainsi que des personnes âgées. Un projet que Mme de la Baume souhaite mettre en œuvre depuis l'adolescence. Elle nous raconte :
“Quand j'avais 15 ans, j'allais en maison de retraite avec ma meilleure amie qui connaissait plein de vieilles dames russes. Elles me montraient des photos de ces femmes quand elles avaient encore de l'allure avec des robes perlées, une élégance. Mais ce qu'elles étaient devenues était sinistre, dans ce grand réfectoire avec uniquement des personnes âgées et leur déambulateur. Je me suis demandée : pourquoi on ne les mélange pas avec des étudiants, des enfants ?”.
Un hôtel particulier du XVIème siècle qui accueille tout le monde
C'est donc 60 ans plus tard, après avoir réuni l'argent pour le faire, qu'Anne de la Baume concrétise son projet. Budget total : 3 millions d'euros. “Je ne voulais pas faire de dossiers administratifs. J'avais les moyens pour être totalement libre”, confie-t-elle.
Cette Parisienne fait donc l'acquisition d'un hôtel particulier du XVIème à Lille. Une ville qu'elle a choisie parce qu'elle y a passé une partie de son enfance chez ses grands parents, mais aussi “parce que c'est moins cher qu'à Paris”, souligne-t-elle. Situé entre le Vieux-Lille et la gare, Villa Village est en plein centre, un élément capital pour Anne de la Baume qui explique : “les gens doivent être dans le centre. Quand on est une personne âgée, être à la campagne ce n'est pas très stimulant intellectuellement. Être dans la ville c'est être dans la vie.”
Depuis la fin des travaux qui ont duré 4 ans, la résidence se divise entre l'hôtel particulier entièrement aménagé avec ses studios et deux pièces, ainsi qu'un bâtiment contemporain dans la cour, réservé aux étudiants. Car Villa Village a beau être un lieu intergénérationnel, Anne ne souhaite pas que les résidents, jeunes comme séniors, “soient obligés de se voir et de partager des choses. C'est un immeuble de location normal”, précise-t-elle.
Normal, pas tout à fait puisque les conditions de location sont l'inverse de celles pratiquées par les agences immobilières d'ordinaire. “Pas de dépôt de garantie, pas de mois d'avance” et on ne vous demandera pas un salaire trois fois supérieur au loyer. Ce sont des associations qui se chargent de mettre en relation les futurs locataires, des personnes précaires, avec Villa Village. Le loyer est 15 à 20% inférieur à la moyenne des loyers lillois, mais Anne de la Baume précise que la majorité du loyer est payée par les aides de la CAF.
“Je ne vais pas faire moche parce que c'est pour les pauvres !”
Des habitations qui font des envieux tant l'endroit est à mille lieues de l'idée que l'on peut se faire d'un logement social. “On m'a demandé pourquoi je faisais si beau ? Je ne vais pas faire moche parce que c'est pour les pauvres !”, s'exclame Anne de la Baume. En effet, on a jamais vu de HLM avec un lustre magistral scintiller au-dessus des tables de la salle commune !
Bien que la propriétaire du lieu peine à trouver des personnes âgées qui sont plus réticentes à déménager, le bouche à oreille semble fonctionner. Parmi les locataires, on trouve des couples avec ou sans enfant, des personnes seules. Tous semblent ravies de l'expérience selon Anne de la Baume. “Certains m'ont dit que c'est tellement bien qu'il faut un temps d'adaptation”, s'amuse-t-elle.
Mais pas question de crier victoire, la bienfaitrice se veut patiente. “Ce sont des gens en grande difficultés, j'estime que cela sera réussi quand ça marchera depuis plus d'un an”, rappelle-t-elle. En revanche, Anne de la Baume compte bien “vendre” son concept à qui le veut bien une fois que la réussite de son projet aura été assurée. “Ça peut être des mairies, des régions. Plutôt que de faire des bâtiments pour les étudiants et des bâtiments pour les personnes âgées, croisez-les !”, conseille-t-elle.