Clémence Leleu - Publié le 12 janvier 2016
ECONOMIE - La ville de Roubaix va mettre en vente des maisons à 1 euro. Le but ? Lutter contre les logements vides et délabrés. Et permettre aux plus modestes d'accéder à la propriété ?
De Roubaix, on ne connaît souvent que ce que l'histoire et les études statistiques veulent bien nous donner à voir. Une ville fleuron de l'industrie du 19ème siècle, notamment textile, dont elle fut l'une des capitales mondiales, mise à genoux par la désindustrialisation des années 70.
Aujourd'hui, les chiffres donnent le vertige. Roubaix est la ville la plus pauvre de France où le taux de pauvreté avoisine les 42%. Témoins du déclin de la ville, la mairie dénombre plus de 4 000 logements vacants, tandis que chaque année 5 000 demandes d'accès au logement social sont déposées, et seulement 40% sont satisfaites
C'est pour cela que Milouda Ala (LR), adjointe en charge du logement, a mis sur pied un programme d'accession à la propriété en proposant l'achat de ces logements pour la somme de 1 euro.
Une première en France
Inspirée par la ville de Liverpool, qui s'est lancée dans ce même dispositif en 2013, la ville de Roubaix planche actuellement sur la mise en oeuvre de ce projet. “Nous nous sommes rendus à Liverpool en septembre pour bien comprendre comment les choses s'étaient déroulées. En constater ses forces mais également ses faiblesses pour en tirer des leçons”, explique Milouda Ala, qui souhaite à son tour redynamiser les quartiers de Roubaix en déshérence, le tout à moindre coût.
Le cadastre de la ville a été passé au peigne fin. Dans quels quartiers se situent les biens vacants ? À qui appartiennent-ils ? Pourraient-ils s'intégrer dans le dispositif ? Autant de questions auxquelles les experts tentent actuellement de répondre.
Pour la première phase de tests, seules les bâtisses vacantes appartenant à la communauté urbaine seront proposées à la vente. “Nous aimerions en proposer une dizaine en 2016, pour démarrer doucement. Voir comment les choses se passent et ne pas se faire déborder”, indique l'adjointe. “Il s'agit de faire de la microchirurgie dans certains quartiers, certaines rues”.
Un mode opératoire que le maire sortant, Pierre Dubois (PS), remet en question. “Il aurait peut-être fallu élargir la zone d'intervention à des portions de rues plus vastes, plutôt que de travailler indépendamment sur des maisons isolées.” Néanmoins, l'ancien édile, aujourd'hui dans l'opposition, n'entend pas lutter contre projet. “Il est nécessaire de tout tenter, ne jamais récuser l'expérimentation ni l'innovation.”
Un cahier des charges précis
Le dispositif est ouvert aux personnes qui ne sont pas encore propriétaires et sont capables de répondre à un cahier des charges précis. Elles doivent mener des travaux de rénovation, pour un montant estimé, en fonction du bien, entre 40 000 et 80 000 euros, le tout dans un délai d'un an et demi maximum. Elles sont aussi tenues de résider dans leur nouvelle maison pendant cinq ans.
“Nous entendons par là lutter contre les marchands de sommeil ou les spéculateurs qui pourraient venir faire des coups immobiliers avec ces maisons”, détaille l'adjointe au logement. Ce n'est donc qu'une fois ces travaux réalisés, puis viabilisés par un organisme de contrôle, que l'acte de vente est signé.
La maison à 1 euro n'est donc pas la panacée pour les catégories sociales les plus faibles. “Ce programme ne risque pas de changer la situation des ménages les plus modestes”, estime Guillaume Chapelle, économiste spécialiste des relations entre le logement social et le marché immobilier.
“Le système bancaire français exclu automatiquement les ménages les plus pauvres des prêts bancaires, car la capacité d'emprunt d'un ménage dépend de son revenu et de son statut d'emploi”, détaille-t-il.
Retour des classes moyennes
“C'est une solution, notamment là où le marché est déprimé, pour faire revenir une population de classes moyennes”, explique quant à lui Vincent Bougamont, directeur général de La fabrique des quartiers, société publique locale, qui travaille en collaboration avec la municipalité sur le projet.
L'idée est de s'adresser à des nouveaux membres de la classe moyenne, qui habitent pour le moment dans des logements sociaux. À surface équivalente, le coût des travaux revenant moins cher que celui d'un achat, ces familles peuvent obtenir un prêt et donc devenir propriétaire.
“En accédant à la propriété, ces familles sortiront de ce parc social et libéreront des places afin de permettre à d'autres de pouvoir y entrer”, conclut Vincent Bougamont.
“Certains auraient sans doute favorisé la construction de logements sociaux supplémentaires. Nous, nous avons pris le pari de répondre à une autre réalité sociale qui est l'envie d'une partie des Français d'accéder à la propriété”, argumente Milouda Ala.
La municipalité envisage ce projet comme une boucle sociale vertueuse. Les logements vacants sont réhabilités puis occupés, le quartier reprend vie, de nouveaux commerces peuvent potentiellement voir le jour...
Seule la mise en ?uvre de cette initiative montrera si elle tient toutes ses promesses.