Amélie Clère - Publié le 8 décembre 2020
Patrimoine - En Alsace, une association se bat pour la conservation des maisons à colombages et du patrimoine local.
Le 30 septembre 2020, à Geudertheim, petit village d'Alsace, une maison a colombages datant du XVIIe siècle a été détruite pour être remplacée par une infrastructure périscolaire. Cet événement a secoué un grand nombre de personnes.
L'Association pour la Sauvegarder de la Maison Alsacienne (ASMA) qui a lutté plusieurs mois pour sauver ce patrimoine-bâti, a rassemblé habitants, historiens et personnalités locales pour faire part de leur désarroi. Même Stéphane Bern, le célèbre animateur et grand passionné d'Histoire s'est joint à la bataille, adressant une lettre ouverte au maire de Geudertheim.
"C'est avec une infinie tristesse et autant de stupéfaction et de colère que j'ai appris par des habitants de votre commune et par l'Association pour la Sauvegarder de la Maison Alsacienne l'acte de vandalisme que vous avez commis en détruisant un joyau du patrimoine alsacien [...]"
Stéphane Bern
La maison à colombages, le charme de l'Alsace
"Imaginez un village alsacien complètement reconstruit qu'avec des bâtiments neufs. Est-ce que vous auriez envie de visiter cette ville ? Cela n'aurait plus aucun charme". Le charme alsacien c'est justement ces maisons à colombages, que Bernard Duhem, président de l'ASMA, s'est engagé à protéger avec ferveur. "Le patrimoine marque notre Histoire. Nous devons à tout prix le protéger et en prendre soin. Au final, nous ne sommes que des passeurs qui le maintenons en l'état", nous raconte-t-il.
Active depuis presque 50 ans, l'ASMA réunit plus de 800 adhérents, habitants, artisans, architectes… Leur point commun ? Tous passionnés, ils se battent pour préserver et restaurer des maisons alsaciennes. "On est prêt à travailler avec tout le monde. Nous n'avons pas de local, pas de subventions, pas de salariés, que des bénévoles formidables. On fait avec nos moyens. Quand on croit en quelque chose, c'est avec amour qu'on donne de notre temps pour cette cause", ajoute-t-il.
C'est pourquoi tout le monde a été navré d'apprendre la destruction de la maison Greder à Geudertheim : "c'est un geste impensable de démolir un pan de notre histoire sans réfléchir !", se désole Bernard. Même si beaucoup d'architectures ont pu être sauvegardées ces dernières années, ce cas de figure existe et n'est sans doute pas le seul. Cependant, l'association ne s'y attendait pas : "Cela faisait 6 mois qu'on travaillait dessus pour trouver un arrangement. On pensait que la maison allait être sauvée", déplore Denis Elbel en charge du dossier et vice-président de l'ASMA.
Comment protéger le patrimoine régional ?
Si l'ASMA a perdu cette bataille, elle n'a cependant pas perdu la guerre. D'autres actions sont menées à bien pour protéger le patrimoine d'Alsace. Pour ce faire, l'association propose des stages, formations et conférences pour diffuser les connaissances nécessaires à celles et ceux qui veulent restaurer une maison ancienne. "Il faut que les gens apprennent à découvrir ces architectures car sans connaissances, on a beaucoup moins de scrupules à détruire", explique Bernard Duhem.
Il y a un autre point tout aussi important qu'évoque le président : le dialogue avec les élus. "On ne peut pas avancer tout seuls". Les membres de l'association travaillent avec les maires des communes et le conseil départemental du Bas-Rhin sur les documents d'urbanisme. "La protection des maisons à colombages n'est pas inscrite comme obligatoire dans Le Plan Local d'Urbanisme (PLU). C'est pourquoi, dès qu'on repère une maison ancienne, on va expliquer au maire de la commune pourquoi il faut la protéger. On fait surtout appel à leur obligation morale", soutien Denis Elbel.
De plus, des alternatives sont apportées par les adhérents afin de concilier valorisation du patrimoine et nouvelle infrastructure. Pour la maison à Geudertheim, l'ASMA proposait par exemple de garder une part de la maison en la transformant en préau pour l'infrastructure périscolaire.
Il y avait aussi bien un intérêt économique car c'était moins cher de réutiliser ce qu'il y avait déjà, qu'un intérêt pédagogique avec les enfants pour leur montrer comment est réalisée une maison en pans de bois", affirme le vice-président. Cette proposition, qui avait pourtant eu l'accord du conseil départemental, n'a malheureusement pas été retenue par le maire du village.
"Un mal pour un bien", cet évènement a aussi permis de montrer les conséquences qu'un tel acte pouvait engendrer. Des personnalités se sont s'emparées de l'affaire, suscitant l'intérêt des médias. "Nous avons récupéré cette notoriété pour dissuader les élus de faire la même chose qu'à Geudertheim", conclut Denis.