Lisa Hör - Publié le 20 février 2021
RÉNOVATION - Cette église a été rachetée par un architecte en 2015. Il en a fait une maison surprenante, lumineuse et confortable pour sa famille.
En 2015, alors qu'elle recherchait un corps de ferme à rénover, Marie-Amélie est tombée sur une annonce plus qu'inattendue. Une église, construite en 1910 à Tavey, en Haute-Saône, à vendre sur Leboncoin ! Surprenant, mais pas tout à fait unique, puisqu'entre 10 et 20 églises sont mises en vente chaque année par les diocèses. Son mari, architecte, a tout de suite été emballé par le projet.
"Quand on est arrivés, c'était une église comme on peut en voir dans les campagnes, avec des grands prie-dieu un peu partout. Vraiment dans son jus, assez vétuste, mais un bel espace, avec de la lumière et en même temps pas trop grand. Elle avait une taille assez intimiste, c'est aussi ça qui nous a séduits", se rappelle-t-elle, attablée dans la cuisine, qui se trouve aujourd'hui à la place de l'ancien chœur.
Les bancs de la nef ont été remplacés par un canapé, des fauteuils et un bel escalier-bibliothèque. Mais les arcades et les volumes rappellent que l'on est bien dans un ancien édifice religieux, même s'il a été désacralisé au moment de la vente.
Le clocher a en effet été détruit pendant la Seconde Guerre Mondiale pendant un bombardement. "Il m'importait également de respecter le village, notamment ses habitants, et l'Eglise qui nous a fait confiance pour nous permettre d'acquérir ce bâtiment."
Une chose est sûre : il a su donner à ce lieu une nouvelle vie. En témoignent les enfants, dont les rires résonnent qui nous observent depuis leur salle de jeu, qui offre une vue plongeante sur le salon et l'ancienne nef.
Fiche de chantier
Ouvriers
Artisans pour l'essentiel, Guillaume et Marie-Amélie pour les finitions
Durée des travaux
près d'un an
Budget
65 000 euros à l'achat - prix de la rénovation non communiqué
Des compagnons pour donner un nouvel éclat à l'église
L'entrée se fait par l'ancien porche, dans lequel Guillaume Aubel a installé les bureaux de son agence d'architecture Beluga Studio. On passe une porte et nous voilà dans la partie habitation. Devant nous, en enfilade, une vase pièce à vivre de 80 m², salon et cuisine ouverte.
Ce qui frappe tout de suite, c'est la hauteur sous plafond : 6 mètres et même 7 mètres dans la cuisine. Guillaume Aubel a fait surélever le plafond, pour mettre davantage en valeur les 3 arcades qui surplombaient l'autel.
L'architecte a également fait prolonger jusqu'au sol les fenêtres de chaque côté, pour faire entrer encore plus de lumière sans créer de nouvelles ouvertures ni dénaturer les façades. Pendant la visite, il souligne le travail de Sébastien Dufour, plâtrier Compagnon du devoir et Meilleur apprenti de France, et des compagnons de son entreprise.
Comme souvent derrière les choses bien faites, difficile d'imaginer la technicité du geste pour poser le plâtre autour autour de ces fenêtres. Elles s'insèrent dans des arcs en plein-cintre (c'est-à-dire en demi-cercle), qui se rétrécissent à mesure que l'on avance dans l'épaisseur du mur. Malgré cette pente, le plâtre immaculé est parfaitement lisse. Impression de pureté minimaliste.
Des petites chambres cocooning et un rez-de-chaussée convivial
Tout ce blanc contraste avec la chaleur des des boîtes en bois dessinées par l'architecte et qui abritent les chambres à l'étage. Toute la structure est posée sur une ossature bois. "Si un jour, l'édifice a vocation à redevenir une église, ce sera possible, il suffira de démonter cette structure", explique Guillaume Aubel.
Les murs en OSB sont habillés de plantes grimpantes (en plastique, elles font très bien illusion !) et de tavaillons, des tuiles de bois qui servent à casser la propagation du son pour ne pas qu'il résonne comme dans une église.
Quelques détails techniques
- Avec la hauteur sous plafond, il a fallu poser des plaques de plâtre de 25 mm d'épaisseur (au lieu de 12,5 mm dans une rénovation classique), sur une ossature en acier de 6 à 7 m de haut, réalisée sur-mesure.
- Plancher chauffant pour pouvoir bien chauffer le rez-de-chaussée + poêle à bois.
On monte à l'étage par un escalier-bibliothèque dessiné sur-mesure, que les enfants adorent escalader. Là-haut, les chambres sont petites et conçues dans un esprit monacal, mais aussi un peu cocon.
Tous les meubles et rangements ont été réalisé sur-mesure encore une fois. Dans chaque pièce, une fenêtre intérieur permettent de jeter un regard plongeant sur le salon en bas. "Le lien social, le jeu et la détente sont ainsi ramenés au sein de l'espace de vie principal", explique Guillaume Aubel.
Et c'est vrai que la maison est très loin d'être austère. On imagine bien les voix et les rires monter de la cuisine, lorsque la famille recevait encore de grandes tablées pour dîner, avant l'épidémie.
On repart avec cette impression d'un lieu devenu très convivial. La famille a d'ailleurs su gagner les cœurs des habitants du village, dont certains sont venus prêter main forte pendant les travaux. La voisine d'en face leur a même offert à Noël, une crèche sculptée dans une miche de pain. Touchant clin d'œil à l'histoire des lieux !