Emmanuel Chirache - Publié le 8 octobre 2020
JARDIN PUNK - Auteur de BD et passionné de nature, Simon Hureau a mis 10 ans pour magnifier un jardin autrefois triste et monotone.
"C'était pas vraiment un coup de coeur cette maison au début, se remémore Simon Hureau quand on l'interroge. Il fallait se projeter, c'était assez sombre, sinistre, presque glauque. Mais il y avait tout ce qu'on cherchait finalement : de l'espace, une dépendance, une rivière qui coulait sous le jardin, un puits, un grenier, une cave, tout était là mais il fallait bosser !"
Difficile à imaginer quand on voit aujourd'hui cette maison chaleureuse et surtout ce jardin foisonnant, tout en longueur, dont la transformation au fil du temps fait l'objet d'une bande dessinée parue chez Dargaud : L'Oasis. Passionnante épopée au coeur de la biodiversité du quotidien, ou comment on peut apporter sa pierre à l'édifice écologique avec une volonté tenace, beaucoup d'envie, un peu de débrouille et la complicité de la nature elle-même, si prompte à se rendre là où on l'accueille.
"L'ancien propriétaire a bétonné la rivière pour faire passer son camion"
Dans son jardin, Simon Hureau est parti de loin, très loin. Ce dessinateur sensible à l'écologie hausse les sourcils en évoquant l'ancien propriétaire. "Disons qu'on n'a pas été surpris quand on l'a vu, c'est toute une époque ! Il a bétonné la rivière pour faire passer son camion, il a bétonné la cour pour faire rentrer ses voitures, c'était un temps où il fallait se simplifier la vie et ne pas trop s'embêter avec du jardinage. Aujourd'hui encore, quand on gratte la terre, on continue à trouver du plastique, des emballages, des bouts de verre... Ce qui comptait à l'époque, ce n'était clairement pas la sauvegarde de la nature, c'était de partir à la chasse le week-end, de pouvoir rentrer son fourgon."
Alors que trouvait-on dans ce jardin ? "Les haies, c'était du cotoneaster au cordeau, raconte Simon, et le reste juste une vigne histoire de dire qu'on a deux-trois fruits. Les deux seuls arbres, c'était des cerisiers." 10 ans plus tard, Simon Hureau a arraché tous les cotoneasters, brisé la dalle pour dégager l'escalier menant au canal sous le jardin, réparé la jolie pompe à eau du vieux puits, conservé quelques vignes et les cerisiers. En parallèle, il a planté un palmier, un sureau, un tilleul, un laurier, des rosiers, des lilas, de la glycine, un noyer, un noisetier... Il a agrandi le poulailler, lancé un potager, créé une mare, démarré un verger. Bref, il a enrichi la diversité du jardin, créant ainsi un espace accueillant pour les espèces animales (pour plus de détails, voir la vidéo ci-dessous).
Un jardin punk sans le savoir ?
Ancien urbain, Simon n'est pas non plus totalement novice en matière de nature, ses parents possédaient un petit jardin de ville et sa passion pour les insectes, les oiseaux et les plantes ne l'a jamais quitté. Pour autant, il revendique une forme sympathique d'amateurisme éclairé, abreuvé par les livres et encyclopédies qui garnissent sa bibliothèque. "On s'est acheté un guide du jardin bio, c'est notre Bible, s'amuse-t-il, mais il n'y a rien de tel que la pratique pour développer ces connaissances !"
Sa devise ? Tester ! "On n'avait pas de vision, tel arbre à tel endroit, non, on tâtonne, on essaye une plante, ça marche ou pas, on s'adapte. On s'inspire de ce qu'on voit dans la nature en se promenant, on comprend peu à peu le biotope de la région." Une démarche finalement très proche de celle de Eric Lenoir et son concept de "jardin punk", mélange d'observation, de laisser faire et d'intervention raisonnée pour garantir une diversité maximale au sein de la faune et de la flore.