Laura Girsault - Publié le 7 mai 2019
PARTAGE DES TÂCHES - Vos enfants ne participent pas à la vie de la maison. Résultat, vous êtes épuisé-e. Mais alors, comment faire pour les impliquer ? Voilà une méthode simple et réellement efficace.
“Je ne suis pas la bonne dans cette baraque !” C'est le cri du cœur qu'a poussé Marjolaine, du blog Marjolie Maman, il y a quelques années. Son mari étant absent la semaine, elle se retrouvait seule face aux corvées ménagères quotidiennes. Ses enfants rechignaient à l'aider. “Même lorsque je demandais le strict minimum, à savoir mettre la table, ils chouinaient et me demandaient : oh non, pourquoi moi, maman !”
Proche du “burn-out”, Marjolaine a décidé que les choses devaient changer : il fallait faire en sorte que les tâches ménagères soient “normales” pour les enfants. Pour cela, elle a instauré les TIG, Travaux d'intérêts généraux. Chaque enfant doit désormais consacrer une heure par semaine aux tâches ménagères, même la plus jeune, qui à l'époque n'avait que 3 ans et demi.
Cela veut-il dire qu'il faut absolument se transformer en gardien de l'ordre et punir ses enfants s'ils ne font pas le ménage ? Rassurez-vous, ce n'est pas ce qu'a fait Marjolaine. Sa méthode est bien plus flexible que ne le laisse présager l'appellation TIG.
Rendre l'enfant autonome très tôt prépare sa vie d'adulte
Pour la jeune femme, la clé est de faire comprendre fermement aux enfants qu'ils ont un rôle dans le fonctionnement de la maison, que les parents ne peuvent et ne doivent pas tout faire. Encore faut-il en être convaincu-e.
Maha Hammad, pédopsychiatre, affirme qu'il faut impliquer les enfants dès leur plus jeune âge : “Il faut commencer à les responsabiliser très tôt, sinon c'est de plus en plus difficile. Si on impose des corvées à un enfant de dix ans et qu'on a tout fait à sa place jusqu'ici, il va voir du mal à l'accepter.”
L'enfant doit apprendre qu'il a des devoirs, des obligations dans la vie de famille, au même titre qu'il doit faire ses devoirs à l'école. Et c'est pour son bien. “C'est primordial pour son développement, se sentir utile. Un enfant qui est très tôt responsabilisé aura forcément moins de problèmes de confiance en soi dans sa vie d'adulte, c'est-à-dire qu'il ne sera pas négligé, prendra soin de lui, de son intérieur, et donc des autres. Si on fait tout le ménage à la place de l'enfant, il sera dépendant de l'autre, et aura toujours besoin d'une béquille dans sa vie d'adulte”, explique la pédopsychiatre.
Donner le plus d'autonomie possible à son fils de 6 ans, Lucas, c'est ce qu'a choisi Chloé Blin-Maginot, accompagnatrice parentale et autrice du livre Vivez une parentalité slow (éditions Le Duc, 2019). “Même très petit, vers un an, un enfant a la capacité de participer aux tâches, à sa hauteur. Il faut qu'il le fasse très tôt : le positionnement de la pédagogie Montessori, méthode éducative datant de 1907, est d'accompagner l'enfant dans son apprentissage, par des exercices de vie pratique”, raconte-elle. Son compagnon ajoute : “Lucas a eu un socle Montessori qui permet de construire une plus grande liberté derrière. Il a intégré des façons de ranger, de trier, d'être inclus dans la vie quotidienne avec la vaisselle, le rangement, des bases de vie qui sont utiles pour nous.”
Alors, comment convaincre votre enfant ?
Mais est-ce vraiment si simple d'appliquer cette méthode ? Pour Marjolaine, il faut avant tout persévérer, inculquer à ses enfants que les tâches ménagères font partie de leur vie familiale, de leur quotidien. “Une fois que le pli est pris, il ne faut rien lâcher et surtout être très patient. Les enfants doivent prendre conscience qu'une partie de l'harmonie familiale dépend aussi de leur implication. Ils ont leur rôle à jouer, c'est très important”, affirme-t-elle.
Cela ne veut pas dire qu'il faut forcer un enfant à faire une tâche ménagère qu'il déteste car “il y en a suffisamment et ça risque de le frustrer, voire de le dégoûter !”. Responsabiliser l'enfant oui, mais trouver des tâches qui lui font plaisir. Par exemple, l'une de ses filles a horreur de passer l'aspirateur et préfère faire la cuisine. Pas de problème, à 6 ans et demi, elle apprend à faire des gâteaux toute seule.
Pour cela, Marjolaine l'a guidée pas à pas, afin qu'elle puisse ensuite y arriver sans son aide. C'est de cette façon qu'elle a réussi à convaincre ses trois enfants d'accomplir leur “TIG”, de manière ludique.
La méthode de Chloé Blin-Maginot ? Organiser des réunions de famille régulièrement, pour établir une feuille de route du ménage pour la famille ! Et puis, toujours, la douceur.
Selon elle, les enfants aiment participer aux tâches ménagères car ils se sentent valorisés. Pour que ça marche, il est important que le parent et l'enfant décident ensemble des tâches, et non que le parent impose. “Il faut tourner cela dans le sens du plaisir, c'est-à-dire montrer à l'enfant qu'il est plus agréable de vivre dans une maison propre.” Pour Chloé, la coopération avec l'enfant est essentielle. Par exemple, lui dire “Ah tiens, regarde, les vitres sont sales. Ça te plairait de les rendre belles et agréables ?” au lieu de “Tu laveras les vitres.” Chaque enfant étant différent, elle préconise d'écouter ses besoins individuels, sans user de punitions.
“Je suis contre les sanctions, confirme le Dr Hammad, je ne conseille donc pas de punir l'enfant s'il refuse. En revanche, il faut lui dire : si tu ne le fais pas, moi non plus. Au bout d'un moment, il aura envie de le faire par lui-même.”
Pour que ça marche, les parents doivent comprendre que le ménage ne peut pas être aussi bien que s'ils s'y attelaient eux-mêmes. Cela permet de relâcher le stress et la pression. En tout cas, cela a totalement la vie de famille de Marjolaine : “Pour les enfants, ça été comme une véritable prise de conscience. Leurs tâches ménagères sont essentielles à l'équilibre global de la maison, et moi, je suis moins fatiguée, plus détendue.”