Matthieu M. - Publié le 26 juin 2020
ECOLOGIE - Atteinte d'éco-anxiété, la journaliste Laure Noualhat livre ses conseils pour ne pas se laisser abattre et poursuivre son engagement.
Article mis à jour le 25 août 2020.
“On nous demande de nous préparer matériellement et économiquement à plus de précipitations, d'inondations, de tempêtes, d'incendies, de sécheresse et de canicules, mais sans nous préparer psychologiquement à ce futur lugubre”, écrit au début de son livre Comment rester écolo sans finir dépressif ? (Ed. Tana, 2020), la journaliste Laure Noualhat.
Cette question qu'elle soulève, nombreux-ses sont les écolos qui se la posent. Quand on sait que la catastrophe est imminente, à quoi cela sert-il de continuer d'agir à son échelle pour tenter de sauver la planète ? Face à ce sentiment d'impuissance, d'angoisse même, un nouveau mal frappe celles et ceux que l'on prenait il y a quelques décennies pour des optimistes verts : l'éco-anxiété.
On l'appelle aussi le “burn out bio” ou la “dépression verte”. Quelque soit le terme choisi, cette pathologie désigne la même chose : “une anxiété liée aux changements climatiques et aux dégradations environnementales”, rappelle-t-elle dans son ouvrage.
Cette maladie, qui n'est pas répertoriée dans la classification internationale des maladies de l'Organisation Mondiale de la Santé, la journaliste la connaît bien, puisqu'elle en est elle même victime. Depuis qu'elle est “tombée en écologie” suite à sa première visite du site de Tchernobyl en 2003, ses quinze années de chroniques quotidiennes dans le journal Libération à propos de l'actualité environnementale n'ont rien arrangé.
“Si vous allez mal, c'est que vous allez bien !”
Pourtant, malgré les difficultés et les souffrances que cette lucidité sur le monde qui nous entoure lui cause, Laure Noualhat refuse de se laisser abattre. “Ça a changé mon rapport au monde. Je n'aurais jamais eu la vie que j'ai eue si je n'étais pas tombée en écologie à 26 ans”, nous explique-t-elle par téléphone, tout en essayant de traverser Paris à vélo.
Comment envisager l'écologie de manière positive et ne pas tout envoyer valser en se recroquevillant sous la couette ? La première chose à faire, si vous êtes atteint-e d'éco anxiété (légère ou sévère), c'est d'accepter. “Être angoissé, avoir peur, ressentir de la colère, c'est une nécessité, c'est un signe de très bonne santé. C'est un postulat de départ pour être un vrai écolo : ressentir une sorte de mal de terre”, souligne-t-elle. En gros : “Si vous allez mal, c'est que vous allez bien !”.
Une fois le diagnostic posé, que fait-on ? “Faire le deuil”, nous répond Laure Noualhat. Cela nous fait une belle jambe ! Le deuil oui, mais de quoi ? “On doit renoncer à nos rêves d'enfant pourri gâté, au 20ème siècle au siècle de la pub, du développement sans limite, sans réflexion sur les limites de la planète. N'importe quel enfant comprend que quand il n'y a plus de gâteau, il n'y a plus de gâteau !”, lance-t-elle. Une étape nécessaire pour retrouver la joie de vivre, selon la journaliste.
Les éco-gestes ne suffisent pas, engagez-vous !
La joie de vivre pour un écolo dépressif, ça ressemble à quoi ? L'expression semble presque antinomique. Le tout, c'est d'être capable de faire un travail d'équilibriste : “savoir que ça va très mal se passer et à la fois agir.”
Passer à l'action serait donc un moyen de calmer son éco-anxiété. Affronter le problème, essayer de le résoudre plutôt que de l'observer avec crainte. De quoi parle-t-on ? Pour Laure Noualhat, les éco-gestes ce n'est pas assez. “Mettre des petits trucs verts, écolo et équitables et bas carbone, ça ne suffit pas”, s'exclame-t-elle. Traduction : se mettre au zéro déchet, installer une jardinière ou investir dans des matériaux biosourcés c'est bien, mais ça ne nous sauvera pas de l'effondrement.
Faut-il renoncer à la Légende du colibri, telle que racontée par Pierre Rabhi ? Vous savez cette idée qui veut que chaque petit geste soit utile. Peu importe la hauteur de votre investissement pour la cause environnementale, tant que vous agissez. “Je ne dis pas que je n'y crois pas, je dis qu'il faut du colibri et du politique. C'est un mélange.”, souligne-t-elle. Car la clé pour Laure Noualhat, c'est l'engagement politique. Pas besoin de vous mettre à lancer des pavés sur les camions Monsanto pour autant, rappelle-t-elle. “On est pas tous obligé d'aller vivre dans une ZAD : on peut au sein de son boulot aller voir la direction développement durable et demander de tout changer.”
La légende du colibri, par Pierre Rabhi from Mouvement Colibris on Vimeo.
En plus de son travail de journaliste environnementale, elle conseille et fait passer ses idées écolos auprès du maire de Joigny, la ville où elle habite. “Il a tout compris. Il a été élu dès le premier tour”, rappelle-t-elle. Et elle invite tout le monde à faire de même ! Car le plus important pour un éco-anxieux, c'est de ne pas rester seul dans son coin. “Se connecter aux autres, aux gens, participer à des réunions” est pour elle une nécessité et cela redonne le moral quand l'envie de baisser les bras vous surprend. Sans oublier de “faire la fête, se nourrir, rigoler, s'aimer”, précise-t-elle dans son ouvrage.
Parmi ses modèles d'éco-anxieux résilients, la journaliste cite Cyril Dion, le réalisateur du film écolo Demain, Nicolas Hulot ou le collapsologue Pablo Servigne. “Ils arrivent à se mettre dans une action collective et embarquer des gens. Ce sont des personnes apaisées”, remarque-t-elle. Et que fait-on de celles et ceux que le sort de la planète indiffère ? “Je veux qu'ils me donnent leur secret !”, nous confie Laure Noualhat en riant. Une chose est certaine : lire le livre de cette éco-anxieuse assumée, vous fera économiser de longues et coûteuses séances “d'éco-psy” si vous êtes atteint-e de la même pathologie !
Et si vous voulez aller encore plus loin dans la légende du colibri, regardez notre interview de Patrick Fischmann, auteur-compositeur et interprète.