Lisa Hör - Publié le 29 avril 2016
DÉCRYPTAGE - Cette méthode d'écoconception permet de construire des bâtiments démontables et recyclables, pour préserver à la fois l'environnement et la santé humaine. Découvrez comment.
Le secteur du bâtiment produit 35 millions de tonnes de déchets par an en France. Face à ce constat, des architectes font le pari de construire des bâtiments zéro déchet et 100 % recyclables. C'est la démarche du "cradle to cradle", du "berceau au berceau" en français.
Explications avec Steven Beckers, architecte belge du bureau d'étude Lateral Thinking Factory.
Architecture écologique : un cycle de vie vertueux
Qu'il s'agisse de gobelets en plastique ou de voitures, aujourd'hui la plupart des produits industrialisés ont une durée de vie limitée, et terminent rapidement à la poubelle. On en produit de nouveaux en extrayant toujours plus de matière première, et en épuisant les ressources.
L'objectif est de sortir de cette logique du "cradle to grave", "du berceau à la tombe", pour tendre vers le "cradle to cradle", "du berceau au berceau". Les produits sont alors conçus pour pouvoir être transformés en matière première, une fois que l'on cesse de les utiliser.
Cela peut très bien s'appliquer en architecture. "La matière première est très présente dans le bâtiment, et aujourd'hui on construit sans penser à ce qu'elle va devenir, explique Steven Beckers. Il faudrait au contraire construire pour ne plus jamais produire de déchets."
En 2002, l'architecte américain William Mc Donough et le chimiste allemand Michael Braungart dans leur livre Cradle to cradle, créer et recycler à l'infini (Éditions Alternatives). L'ouvrage, publié en 2002 en anglais, a été traduit en français en 2011 seulement.
Un délai qui montre à lui seul qu'en France, cette idée prend du temps à faire son chemin... Même si quelques projets sont en cours, comme cette école labellisée cradle to cradle en Bretagne.
En pointe sur le sujet : les Pays-Bas, avec comme projet phare le quartier d'affaire du Park 20/20, entièrement construit dans une démarche cradle to cradle.
Écoconception et upcycling
Première piste : ne pas démolir les bâtiments à la fin de leur vie, mais les démonter, pour les réassembler sous une autre forme. Cela doit être anticipée dès la conception de l'édifice.
Steven Beckers cite l'exemple actuel de Futureform Buildings. Cette société britannique construit des immeubles entiers à partir de modules en acier, semblables à des containers, assemblés les uns aux autres, et démontables.
Ensuite, à chaque cycle, on récupérera la matière première (bois, béton...), pour la réutiliser à l'identique. C'est le principe de l'upcycling. Un modèle économiquement valable puisqu'entre le moment où on l'a achetée, et le moment où on la récupère, son prix sur le marché aura augmenté.
"La différence de prix permet de payer la main d'oeuvre et l'énergie pour transformer la matière à nouveau", analyse Steven Beckers.
Qualité de l'air intérieur : des logements bons pour la santé
Autre point essentiel du cradle to cradle : utiliser des matériaux de construction non-polluants, respectueux de l'environnement et de la santé des occupants.
"Aujourd'hui dans les grandes villes, l'air est plus pollué à l'intérieur des bâtiments qu'à l'extérieur", insiste Steven Beckers.
"Il est assez facile de concevoir un bâtiment neuf en "cradle to cradle", mais 95% des chantiers à venir concernent la transformation de l'existant", tempère Steven Beckers.
Certaines rénovations sont déjà réalisées en suivant la méthode du cradle to cradle. Le défi consiste alors à isoler, en prenant garde aux isolants choisis, pour que ces logements soient moins gourmands en énergie.
"Si l'on utilise des matériaux toxiques, ça ne sert à rien", juge l'architecte, en évoquant les polluants qui pourraient être libérés au moment de la déconstruction. Le cradle to cradle est donc un pari pour l'avenir, à la fois pour l'homme, et pour l'environnement.