Clémence Leleu - Publié le 3 janvier 2016
SOLIDARITÉ - Permettre aux sans-abris du sud de Paris et de sa proche banlieue de prendre une douche, mais aussi de recréer du lien social, voilà le pari relevé par Mobil'douche.
Il y a de la détermination dans la voix de Ranzika Faïd, ancienne fonctionnaire d'État au ministère du Travail. De celle qui permet de déplacer des montagnes et de pouvoir mettre sur pied un service plus que crucial dans la vie de ceux vivant dans la rue ou en situation de grande précarité.
Elle est, avec deux de ses amies, Laure Di Franco et Stéphanie Look, à l'origine de l'association Mobil'douche : un camping-car qui sillonne le sud de Paris et de l'Ile-de-France. Son ambition ? Apporter une parenthèse dans le quotidien souvent difficile des sans domicile fixe en leur fournissant l'accès à des sanitaires, des vêtements et des collations. Un moment précieux.
Comment vous est venue l'idée de Mobil'douche ?
J'ai toujours fait de la maraude et été très concernée par le sort des gens vivant dans la rue. Mais c'est le résultat d'une enquête BVA commandé par Emmaüs qui a été le déclic. Elle s'intéressait aux SDF et priorisait leurs attentes. Arrivaient en tête du classement, le fait d'avoir un toit, de la nourriture et de rester propre. Dans ma tête il ne m'a pas fallu plus de deux minutes pour créer Mobil'douche.
En 2009, j'ai donc emmené avec moi dans l'aventure deux de mes meilleures amies, qui elles n'ont jamais fait de maraude. Mais c'est surtout grâce au mécénat que l'idée s'est concrétisée, ainsi qu'au soutien de trois députés qui ont puisé dans leurs réserves parlementaires : Laurence Abeille (Vincennes, EELV), Julie Sommaruga (Bagneux, Montrouge et Malakoff, PS) et Michel Pouzol (Essonne, PS).
D'où provient le choix du camping-car ?
À l'origine, nous voulions utiliser un ancien bus de la RATP mais les coûts de transformation étaient trop élevés. Nous n'avions qu'un peu plus de 20 000 euros, ce qui est déjà énorme pour un début. Le choix d'un camping-car nous a été soufflé et nous avons tout de suite adhéré à cette idée.
Nous avons donc investi dans un véhicule que nous avons dû aménager, notamment au niveau de la chaudière car elle doit supporter plusieurs douches successives. Après avoir installé une chaudière de 200 litres et peint le nom de l'association sur le camping-car, nous étions prêts à prendre la route.
Je me souviens encore de la toute première douche de Mobil'douche. Elle a eu lieu le 6 mai 2012 à 20 heures. J'aime dire que ce soir-là deux hommes ont marqué l'histoire, le premier parce qu'il est devenu Président de la République, le second parce qu'il a inauguré Mobil'douche sur la place d'Italie (Paris 13).
Comment s'organisent les maraudes ?
Nous maraudons dans la zone sud-est des Hauts-de-Seine, à Malakoff mais également dans les arrondissements du sud de Paris (13, 14 et 15ème).
Nous passons 26 heures par semaine dans la rue, du mardi au vendredi. Nous essayons d'être au plus près des SDF et nous pouvons fixer des rendez-vous avec les mal-logés pour se déplacer en bas de chez eux.
Nous intervenons aussi en soutien aux structures fixes qui ne disposent pas de douche : auprès d'Entraide et partage à Vincennes, les mardis, et auprès du Café 115 à Issy-les-Moulineaux, le jeudi.
Les réactions ont été plutôt positives ?
Nous n'avons eu aucun souci. Des hommes, femmes et même des enfants ont pleuré de nous voir là. Tellement c'était dingue pour eux.
Nous leur apportons un moment pour eux, où ils se retrouvent et peuvent aussi discuter autour d'un café, se raser, se doucher et bénéficier de vêtements propres.
Trois personnes sont présentes lors des maraudes pour les accompagner. Pour vous donner une idée, Mobil'douche ce sont 660 douches prises en 2014.
Quels sont vos projets ?
Mobil'douche s'est équipé d'un camping-car dédié aux personnes handicapées. Nous aimerions dans l'idéal avoir 4 camping-cars pour pouvoir nous déplacer sur toute l'Ile-de-France et même ailleurs en France.
Mon idée n'est pas de supplanter qui que ce soit. Nous sommes dans l'accompagnement. Notre objectif est la santé, l'hygiène et la dignité des personnes vivant dans la rue. Nous ne pouvons que constater qu'avec Mobil'douche certains vont de mieux en mieux. Ils retrouvent la force de se soigner, de trouver du travail ou de s'y maintenir. Certains ont même retrouvé l'amour.
Nous avons également réussi à créer un poste en CAE (contrat d'accompagnement dans l'emploi, ndlr) depuis un an et demi. Nous avons gagné le respect et la dignité, c'est tout ce que je voulais.