Maïlys Dorn - Publié le 8 janvier 2018
MAISON-ÉCOLO - À Pau, Aryla a aménagé son studio en laboratoire du "écolo et pas cher" sans pour autant vivre en marge de la société.
Maïlys Dorn, architecte d'intérieur et autrice du blog optimisemonespace.com, est partie avec sa famille pour un tour du monde de 333 jours à la rencontre des acteurs et penseurs de l'habitat, pour poser la question "Quel sera l'habitat de demain ?". Dans cet article, elle partage sa rencontre, la veille de son départ, avec Aryla, qui vit à Pau (Pyrénnées Atlantiques), et tente de baisser sa consommation électrique au maximum.
Pour Aryla, 37 ans, vivre en accord avec des convictions écologiques n'est que la conséquence de ses désirs profonds d'autonomie et d'économies. Elle ne vit pas pour autant en marge de la société.
Locataire d'un petit studio de 27 m² en plein cœur du centre-ville historique de Pau, elle a su transformer un logement vieillot et mal entretenu, en petit paradis. Un laboratoire du "écolo et pas cher". Le tout, en investissant un minimum d'argent, et un maximum de créativité.
Tout a commencé avec cette machine à laver
"Tout a commencé avec cette machine à laver", raconte-t-elle. Un de ses amis cherchait à se défaire d'un vieux lave-linge de 30 ans d'âge. "Il était trop fainéant pour l'emmener à la déchetterie, alors il m'en a fait cadeau !", raconte-t-elle en riant.
Ce n'est qu'après avoir monté à pied les 4 étages de son immeuble, avec cette lourde machine, qu'Aryla réalise qu'elle ne peut pas la brancher chez elle. La machine est trop encombrante pour sa petite salle-de-bains, et l'unique prise dédiée au sèche-cheveux n'est pas adaptée.
"Il était hors de question pour moi de le redescendre, après les efforts qu'on avait fait pour le monter !" Aryla cherche alors une solution pour utiliser ce lave-linge autrement.
Pédaler 15 à 30 minutes pour laver son linge
Avec son compagnon, elle décarcasse la machine, récupère le tambour et le raccorde à un vieux cadre de vélo récupéré dans la rue. Voilà comment est née la machine à laver à pédales ! Le couple l'installe sur sa terrasse : la vue sur les Pyrénées est une bonne motivation pour pédaler.
"Quel bonheur de pédaler face à cette vue, et surtout quel bonheur de réaliser que l'on peut laver son linge sans électricité !", s'émerveille Aryla.
Même si cela demande un peu d'organisation. D'autant qu'il faut parfois faire avec la météo en patientant ou en pédalant sous la pluie. Selon l'état du linge, 5 à 10 mn sont nécessaires pour chaque étape : lavage, rinçage, essorage.
Le raccordement à l'eau se fait grâce à un tuyau d'arrosage branché dans sa baignoire. Equipé d'une douchette, ce simple tuyau sert donc à la fois à se doucher, arroser ses plantes, et laver son linge !
L'économie d'électricité devient une obsession
Son obsession d'économiser de l'électricité s'est développée lorsqu'elle a reçu sa première facture : 78 euros pour un mois en hiver, pour un simple studio de 27 m² qui n'était équipé ni de lave-linge, ni de sèche-linge, ni de lave-vaisselle, ni de télévision…
En revanche, la mauvaise isolation et les 3 convecteurs électriques énergivores ont eu raison de sa facture de chauffage. Elle avait pourtant - lui semblait-il - allumé avec modération.
Se sentant victime d'une injustice car la facture ne reflète pas ses efforts, et ne supportant plus l'idée de consommer une électricité nucléaire, elle a alors développé son désir de tendre vers l'autonomie.
Ses prochaines étapes, pour se passer d'électricité ? Elle aimerait fabriquer un frigo du désert (2 pots en argile entre lesquels on place du sable et que l'on arrose 2 fois par jour, le tout recouvert d'un linge humide) pour conserver ses aliments.
Un rocket-stove est aussi en projet. Ce foyer qui permet de cuisiner en utilisant très peu de bois lui permettra de faire la cuisine sur sa terrasse.
Enfin, son rêve ultime est de profiter de son pédalage pour produire sa propre électricité, à l'instar du vélo-générateur inventé par l'ingénieur indien Manoj Bharvaga, qui permet d'alimenter un foyer pendant 24h grâce à 1 heure de pédalage !
Le pouvoir de faire des choses avec ses mains
"Quand on commence à faire un truc de ses mains, explique-t-elle, on réalise le pouvoir que l'on a. C'est difficile, parce qu'on n'a pas été éduqué comme ça, mais c'est un pas à franchir. Après, on y prend goût et on n'a plus envie de dépenser son argent bêtement. C'est gratifiant, de se dire qu'on n'a besoin de personne !"
Lorsque l'on visite sa maison, on va de surprise en surprise. Aryla affirme pourtant qu'elle n'est pas plus douée de ses mains que quelqu'un d'autre. Sa volonté d'autonomie la pousse pourtant à créer, apprendre, et réaliser que "tout est possible".
Avec ces mêmes convictions, Aryla a entièrement rénové sa cuisine et sa salle-de-bains pour un budget inférieur à 100 euros, grâce à une réhabilitation créative 90% récup' : mobilier fabriqué sur-mesure avec du bois de palette et des tuiles d'ardoise, porte coulissante réalisée avec les planches d'un vieux meuble et des roues de skate…
Elle a aussi créé un véritable potager sur sa terrasse, qui lui offre de superbes fruits et légumes bio.
Une maison autonome, ça commence peut-être aussi par s'offrir l'autonomie de reprendre en mains son habitat ?