Coline Vignerie - Publié le 12 mars 2020
AUTONOMIE - Récup', permaculture et auto-construction : découvrez la naissance d'un village écologique.
Ils sont juristes, employés d'une ressourcerie, surveillants au collège, étudiants, coachs en développement personnel ou encore médecins... Depuis un an, ils ont décidé de vivre autrement. L'idée qui se cache derrière leur tête ? Créer un éco-village et filer vers la décroissance !
C'est en Centre Bretagne que ce collectif s'est installé, persuadé qu'il n'y a pas qu'une seule voie possible pour vivre sa vie. Pierre-Elie fait partie de cette communauté : “Après mes études à Sciences Po Bordeaux, j'ai fait un voyage en stop et sans argent avec ma copine. Aujourd'hui notre souhait, c'est d'essayer des choses nouvelles : construire un mode de vie alternatif, respectueux de la nature et des personnes qui nous entourent.”
Après avoir mûri l'idée pendant plusieurs mois, le collectif doit trouver un lieu. Ce sera Castel Bel Air, sur le bord d'un étang de la commune de Priziac. Le terrain d'une quinzaine d'hectares est situé sur les ruines d'un château entouré de douves datant du XIe siècle. L'étang est accessible par un petit chemin dans la forêt, bordé par la mousse et les myrtilles sauvages. Le collectif prend racine. Tout est en place pour créer un petit paradis, à la fois utopiste et réaliste.
Le but ? Tenter de trouver un équilibre, une harmonie entre les habitants. “Il faut désapprendre, se déprogrammer, pour avancer, nous confie Lynn. Ici, on n'invente rien mais on invente tout”.
Des habitats individuels auto-construits
“La construction de notre cabane a pris deux mois, mais on faisait plein de choses à côté en même temps. Les palettes et les fenêtres, c'est de la récup' par exemple” nous raconte Lynn en nous présentant le petit chalet perché derrière le potager. “On a privilégié le recyclage et les matériaux d'occasion. On apprend par l'échange, avec l'aide de conseils et de tutos. On veut éviter la surconsommation, en favorisant des achats raisonnés et, si possible, locaux.”
Une maison commune est partagée pour les repas et les moments à plusieurs. Deux yourtes, un dôme géodésique et une cabane : chaque habitant ou couple dispose d'un lieu à soi pour se retrouver, s'isoler, se ressourcer. Le but n'est pas de se laisser absorber par le collectif, mais de laisser à chacun la liberté d'être seul s'il le souhaite. Vivre ensemble, mais pas tout le temps. Il est important de préserver son intimité, même dans une tribu !
Loup-garou, concerts et ateliers zéro déchet
Portée par les valeurs de la sobriété heureuse, la joyeuse communauté met tout en œuvre pour faire vivre le lieu qu'elle bâtit jour après jour. Parce qu'un lieu, ce n'est pas qu'un terrain, c'est aussi tout ce qui l'anime. “On a proposé aux voisins de venir célébrer le nouvel an avec nous, et finalement, avec le bouche à oreilles, 90 personnes sont venues, c'était chouette !”, nous racontent-ils.
Musique, danse, fête : sobriété ne signifie pas austérité ! Un des objectifs principaux de l'éco-village : l'ouverture au monde. En effet, si la petite troupe se concentre sur plusieurs missions comme la ferme en permaculture à venir et les chantiers participatifs, elle n'oublie pas pour autant de faire la fête
Les habitants organisent par exemple des soirées à thème (loup-garou, concerts, jeux), animent des journées découvertes, des ateliers zéro déchet ou encore des initiations à la danse. Ici, communauté ne rime pas avec isolement, c'est ce que la tribu de Bel Air aimerait faire comprendre.
La permaculture au potager et dans les relations sociales
Dans l'éco-village, le projet de forêt-potager s'inspire des concepts de la permaculture, un ensemble de règles de culture de la terre respectueuses de l'environnement. Quelques légumes, des arbres fruitiers ou des plantes médicinales sont plantés, dans le but de favoriser la biodiversité. Lynn est déjà bien rodée : “Dans un premier temps, il faut rendre le sol plus riche. Mais pour arriver à l'autosuffisance alimentaire, nous sommes conscients du long chemin à parcourir."
La permaculture ne se cantonne pas au jardin, mais se déploie dans sa dimension plus large. Adeptes de la communication non violente et de la bienveillance, les résidents se retrouvent souvent pour ce qu'ils ont décidé d'appeler, avec une note d'humour, les “thérapies de souple”. Par ces réunions hebdomadaires, les habitants peuvent s'exprimer, régler leurs différends, voir en quoi ils peuvent faire évoluer leurs émotions pour s'adapter, faire preuve de souplesse afin d'améliorer le vivre-ensemble.
Un vivre-ensemble très inclusif, d'ailleurs : deux chevaux, un shetland, deux poules, un chat, quelques moutons et deux dindons habitent aussi dans le village. La présence des animaux ici n'a aucune vocation utilitaire, ce sont simplement d'autres êtres qui ont leur place dans le collectif. En revanche, ce n'est pas certain qu'ils participent aux réunions hebdomadaires ni au pot commun !
Une installation au milieu du Morbihan
Le petit groupe souhaite s'intégrer dans un milieu rural, y apporter une dynamique sans pour autant dénaturer l'environnement : "On discute souvent avec les associations des environs, aussi bien avec ceux qui s'attachent à préserver la biodiversité de l'étang qu'avec les organisations de chasseurs : on part du principe qu'on peut tous s'apporter quelque chose."
Bel Air apporte de la vie, un souffle nouveau dans ce coin de Centre-Bretagne, longtemps boudé par une jeunesse attirée par la vie citadine. Dans un futur proche, un pôle santé holistique sera développé, qui associera les bienfaits de la médecine classique aux alternatives bien-être pour soigner l'ensemble du corps et du mental. Définitivement une bonne nouvelle pour le désert médical que représente la région.
D'autres plans germent encore, comme l'aménagement de la longère, la création de nouveaux ateliers, un festival l'été, et pourquoi pas un café associatif. Si vous souhaitez les encourager, une page de dons a été ouverte pour les soutenir financièrement. A moins que vous ne préfériez les rejoindre directement ?