Lisa Hör - Publié le 18 avril 2017
JARDIN - Les grainothèques et les apéro-graines se multiplient pour permettre aux particuliers d'échanger des graines et redécouvrir des variétés rares ou anciennes.
Il y a quelques années encore, Martial Gronnier ne connaissait rien aux graines. Aujourd'hui, à 50 ans, il est intarissable sur le sujet.
En 2012, ce Parisien d'origine, qui a "toujours vécu en appartement", participe à la création d'un jardin partagé à Massy, en Ile-de-France. Rapidement, plus de 70 variétés de plantes et légumes s'épanouissent sur ce terrain de 150 m2.
"Mon collègue m'a dit qu'on devrait récupérer et ressemer nos propres graines plutôt que d'en racheter, se rappelle-t-il. Je l'ai regardé avec des yeux... Je lui ai dit “ah bon, on a des graines dans notre jardin ?!”"
La surprise passée, il apprend à les récolter et à les conserver. "J'avais des sachets entiers de graines, j'en avais des tonnes, raconte-t-il avec emphase. Je ne voulais pas les jeter, ça me faisait mal au c?ur."
Il découvre alors l'association Graines de Troc, qui vient tout juste d'être lancée, et qui encourage les jardiniers amateurs à échanger leurs graines. À présent, Martial Gronnier en est un fervent ambassadeur : "Le but, c'est de faire comprendre que la graine, c'est une vie, on a de l'or entre nos mains."
Une fortune que chacun peut faire fructifier, sans enrichissement personnel.
Faire sa part pour protéger la biodiversité
Tout jardinier amateur peut en effet, grâce au troc, s'approvisionner gratuitement en variétés traditionnelles, libres et reproductibles, et les ressemer dans son jardin chaque année.
Certaines associations, par exemple celles du réseau Semences Paysannes, ou encore des groupements d'agriculteurs, comme le Biau Germe, commercialisent de telles variétés.
À l'inverse, les sachets de graines que l'on trouve dans les réseaux de distribution classique sont souvent estampillées HF1, pour hybrides F1. "Ce sont des variétés qui ne sont pas reproductibles", explique Sébastien Wittervert, le fondateur de Graines de Troc.
Sélectionnées par les semenciers, elles donnent des plantes très vigoureuses lorsqu'on les plante la première fois. "Par contre à la seconde génération, on aura potentiellement des légumes très pauvres", poursuit Sébastien Wittevert.
Graines de Troc appartient donc à un mouvement qui vise à redonner de l'autonomie aux jardiniers pour qu'ils n'aient plus à réinvestir chaque année dans de nouveaux sachets de graines pour obtenir de beaux légumes.
Par ailleurs, la FAO (l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture), estime que 75% de la diversité des cultures a été perdue entre 1900 et 2000 dans le monde. "L'étude date de plus de 15 ans et le processus ne s'est pas du tout inversé", estime Sébastien Wittevert.
Face à ce "bien commun de l'humanité aujourd'hui en danger", il veut inciter les jardiniers à redécouvrir des variétés anciennes, à "agir là où les semenciers auraient tendance à oublier leur devoir de préserver la biodiversité."
Et ça marche, à en croire Martial Gronnier, notre passionné de Massy : "J'ai rencontré une personne qui cultivait 150 variétés de tomates, une autre qui avait 400 variétés de melons... uniquement pour le plaisir."
On peut ainsi partir en quête de variétés anciennes, que d'autres auront plantées dans leur jardin, comme le poireau perpétuel, plus goûteux que le poireau ordinaire, ou encore le pois asperge, une plante à la fois comestible et très décoratives avec ses belles fleurs rouges.
Grainothèques, apéro-graines, ou échanges par courrier : l'embarras du choix
Sans forcément aller aussi loin, chacun peut participer à son niveau. On trouve aujourd'hui 400 grainothèques en France, installées par des particuliers dans des lieux publics ou privés.
>> Consulter la carte des grainothèques.
À l'image de Valérie Perrier, institutrice, qui a posé l'une de ces boîtes d'échange dans la bibliothèque de Sens, dans l'Yonne.
"Dans un premier temps, je l'ai beaucoup alimentée avec mes graines de courges, de tomates, de persil... J'ai aussi sollicité l'association Sciences Nature et Petite Mains, qui gère des jardins partagés et a beaucoup de graines, raconte-t-elle. Maintenant, le but, c'est que les gens se l'approprient."
Si la grainothèque la plus proche de chez vous n'est pas encore très fournie, on peut également se rendre dans l'une des nombreuses bourses aux graines et autres "apéro-graines" organisés régulièrement dans toutes les régions. L'occasion de rencontrer d'autres amateurs et d'échanger aussi des techniques et savoirs.
Reste enfin la plateforme en ligne Graines de Troc sur laquelle chacun peut proposer des variétés de graines qui sont ensuite envoyées par courriers. En adhérant, on reçoit deux jetons virtuels qui donnent le droit de faire une première demande de graines auprès d'un autre particulier.
Par la suite, parrainer de nouveaux utilisateurs, envoyer des petits sachets de graines, ou encore ajouter de nouvelles variétés sur la plateforme permet de recevoir de nouveaux jetons virtuels pour continuer le troc.
Alors, prêt à faire pousser des variétés oubliées dans votre potager et à faire fleurir des fleurs rares dans votre jardin ?