Matthieu M. - Publié le 24 juin 2020
SOLIDARITÉ - Le Collectif des Associations Unies propose 15 mesures à adopter d'urgence pour les sans-abris et mal-logés. Le porte-parole alerte quant à la fin des mesures prises pendant le confinement.
Dès les premières annonces du confinement, “des moyens jamais obtenus jusqu'ici pour protéger les personnes les plus vulnérables”, ont été déployés, peut-on lire sur le site du Collectif des Associations Unies. Parmi eux, le prolongement de la trêve hivernale jusqu'au 10 juillet et l'ouverture de places d'hébergements supplémentaires pour les personnes sans-abri ou primes pour les plus précaires.
Pourtant, comme le rappelle ce collectif qui regroupe 36 associations nationales de lutte contre les exclusions, “le problème restera entier au mois d'août”. Pourquoi ne pas prolonger ces mesures exceptionnelles, qui ont prouvé qu'il est possible de mettre un terme au sans-abrisme en France ?. Nous avons posé la question au porte-parole du Collectif des Associations Unies et directeur de la Fédération des Acteurs de la Solidarité, Florent Guéguen.
Pendant le confinement, on a parlé de “moyens sans précédents” pour l'hébergement des personnes sans-abri. De quelles mesures parle-t-on ?
Florent Guéguen : Il y a eu un effort très net de l'État à travers une mise à l'abri assez massive des personnes à la rue ou qui sollicitent le 115. Concrètement, le gouvernement a prolongé à deux reprises la trêve hivernale, ce qui a permis de maintenir les hébergement hivernaux pendant toute la période et de reporter les expulsions locatives pour impayés de loyer.
Il y a eu des ouvertures de places massives. On estime qu'environ 35 000 places supplémentaires ont été mobilisées par rapport à l'année dernière, si on ajoute les places hivernales qui devaient fermer le 31 mars, la réquisition des chambres d'hôtels (environ 12 000 places), et les centres d'hébergements qui ont pu ouvrir dans les bâtiment disponibles.
Selon une enquête menée par la Fédération des acteurs de la solidarité, les appels au 115 ont baissé pendant le confinement. Est-ce le résultat de ces mesures exceptionnelles ?
Pendant cette période, les efforts ont payé : de mars à mai, il y a une nette diminution des demandes au 115 et un taux de satisfaction en hausse. Très clairement, c'est grâce à l'impact des ouvertures de place, plus le fait que les personnes hébergées ont pu avoir un hébergement garanti sans qu'ils aient à rappeler tous les jours le 115 pour s'assurer d'avoir une place. Cela a diminué le nombre de demandes au 115 de 70 % sur la France entière.
Pourquoi le déconfinement inquiète-t-il autant les associations ?
Après fin mai, on est dans la période qui est la plus difficile. Pour l'instant, le gouvernement n'a pas annoncé une nouvelle prolongation de la trêve hivernale. Le 10 juillet, il peut y avoir une fermeture des centres hivernaux et potentiellement une reprises des expulsions locatives. Alors même qu'on sait qu'il y a beaucoup de ménages qui ont perdu des ressources et qui ont du mal à payer les loyers.
Est-ce que cette expérience du confinement démontre que l'État à les moyens de régler la problématique du sans-abrisme ?
Exactement. C'est ce qu'on a dit au ministre du logement : ces chiffres montrent que quand l'État met les moyens en terme de création de places et de coordination des associations, ça produit des résultats concrets. Dans certaines villes moyennes, on est très proche de l'objectif 0 SDF. On voit que cet objectif est atteignable si l'État s'engage sur des moyens budgétaires et politiques.
Alors pourquoi ne pas faire de la trêve hivernale un état permanent ?
La question est budgétaire et foncière. Prolonger les places sur toute l'année, ça coûte, et ne pas expulser toute l'année, ça coûte aussi car il faut indemniser les propriétaires. La difficulté est aussi foncière car c'est difficile de trouver des immeubles disponibles dans les grandes villes, là où le marché est très tendu. Mais la période a montré que quand on veut, on peut. Le sans abrisme n'est pas une fatalité.
Que demande le Collectif des Associations Unies dont vous êtes le porte-parole, suite à l'annonce de la fin de la trève hivernale ?
On demande très clairement à ce qu'il y ait zéro remise à la rue à partir du 10 juillet. Ce que l'on demande c'est d'enjamber l'été. On considère qu'on est dans une année particulière et que l'État doit s'engager à maintenir toutes les capacités d'accueil. On sait que l'offre hôtelière a vocation à diminuer pour l'hébergement social. Il faut que l'État propose des créations de places nouvelles pour compenser. Si on n'a pas cette garantie, on va passer de la crise sanitaire à la crise humanitaire
Le Collectif des Associations Unies propose 15 mesures à adopter d'urgence pour les personnes sans-abri et mal-logées. Que trouve-t-on dans ces propositions ?
Ces propositions ont été élaborées par 36 associations nationales sur l'hébergement et le logement. Pour la partie logement, il faut réduire le nombre de personnes à la rue sur le long terme et que les capacités d'hébergement soient pérennisées. L'objectif final, c'est de permettre de retrouver un logement, pas de rester vivre dans une chambre d'hôtel. Pour cela, on demande d'abord d'augmenter notoirement la production de logements sociaux. On estime qu'il faudrait atteindre un niveau de production annuelle de 60 000 logement accessibles aux plus pauvres alors qu'aujourd'hui la production est de 35 000.
Il faut aussi renforcer un certain nombre de dispositifs comme l'accompagnement social dans le logement pour les personnes en “sortie de rue”, pour éviter les rechutes. Et régulariser les personnes qui ne peuvent pas accéder des ressources faute de statut administratifs. Il y a des gens qui errent dans les hôtels faute de titres de séjour.