Clémence Leleu - Publié le 17 juillet 2016
REPORTAGE - Personnes âgées, étudiants et jeunes couples partagent le même toit et se remettent à tisser des liens.
En ce vendredi soir printanier, dans un immeuble cossu du 8ème arrondissement de Paris, Charles, 21 ans, couve du regard Philippe de B, 88 ans, tous deux installés autour de la grande table en bois de la salle à manger, sur laquelle la lumière de fin de journée vient déposer ses rayons. Pourtant, on devine rapidement qu'aucun lien de parenté ne les unit : les gestes sont contenus et une distance polie les sépare.
Néanmoins, voilà bientôt près d'un an que ces deux-là partagent le même toit. Dans ce grand appartement, Charles dispose d'une chambre privée et d'une salle de bains. Il peut même, s'il le souhaite, utiliser l'entrée de service pour une totale indépendance.
Une cohabitation bien organisée, qui permet à Philippe de B, de ne pas passer ses dîners et ses soirées seul. “J'ai toujours baigné dans ma famille, alors lorsque je me suis retrouvé seul, ça les a rassuré que quelqu'un vienne vivre avec moi” explique ce militaire de carrière, qui s'est reconverti ensuite dans les assurances.
Charles doit donc, en échange du gîte et du couvert, être présent pour les repas, tous les soirs de la semaine. “Ça peut parfois être contraignant de devoir bloquer ses soirées, mais j'aime bien cuisiner pour lui et puis cela nous permet de discuter un peu. C'est comme une deuxième famille”, confie Charles, en licence conception et fabrication des aliments à Paris.
Partager ses expériences
Ainsi, en un an, chacun s'est raconté peu à peu à l'autre. Une incursion dans un mode de vie d'un autre âge, pour l'un comme pour l'autre. “C'est une bonne expérience de vie” conclue Charles.
Pourtant, dans quelques semaines, le binôme va sans doute se séparer, Charles devant potentiellement continuer ses études dans une autre ville que la capitale. Un départ regretté par Philippe de B, avec toute la retenue qui le caractérise, “on s'attache aux personnes avec qui on est tout de même.”
“L'accueil d'étudiant chez des personnes âgées tend à se démocratiser, indique Catherine Garnier, de l'association Ensemble2générations, qui a organisé la rencontre entre Charles et Philippe de B. “Il répond à un triple besoin : rompre la solitude et l'isolement des personnes âgées, maintenir un lien intergénérationnel et offrir la possibilité de se loger à faible coût.”
Un immeuble multi générationnel
Le logement intergénérationnel n'implique pas forcément de partager son appartement avec une personne d'une autre génération. A Gonesse, dans le Val-d'Oise, il existe une résidence où cohabitent, au sein de la même structure, étudiants, familles avec enfant et personnes âgées.
Un autre moyen, plus libre, de faire cohabiter les différentes générations entre elles, lorsque l'on sait qu'à 80 ans, 55 % des femmes et 20 % des hommes vivent seuls.
Des logements aménagés en fonction des habitants
Ici donc, les logements, faisant tous partie de l'habitat social, sont aménagés en fonction de leurs destinataires. Ceux dédiés aux personnes âgées sont pourvus de douches à l'italienne et d'équipements spéciaux.
18 appartements sont réservés aux étudiants, 18 autres aux couples avec un enfant et les 18 derniers aux personnes âgées. Tous répartis aux différents étages, toujours dans une logique de mélange intergénérationnel.
En bas de l'immeuble, une salle est dédiée aux activités du centre communal action social (CCAS) de la ville, qui met sur pied différentes missions dédiées aux personnes âgées de la commune, un autre moyen de faire cohabiter les générations.
Une mixité appréciée par les locataires, à l'instar de Thomas Radenac “C'est très plaisant de pouvoir se retrouver dans la salle commune. On fait des soirées foot ou pizzas avec les étudiants et quelques personnes âgées se joignent même à nous.”
Les parties communes ont été pensées pour que chaque génération puissent se croiser et échanger. “Il n'y a qu'un ascenseur pour toute la résidence, et qui dessert à chaque étage un grand hall spécialement aménagé pour que les personnes puissent s'asseoir et discuter” indique Marielle Fritz.
“J'ai l'impression que l'envie d'habiter dans une résidence partagée fait que les gens sont, d'office, plus sympas. Les relations entre voisins sont très agréables ici.”
Le logement inter-générationnel est peut-être la clé pour retrouver à la fois du lien social et une cohabitation apaisée avec ses voisins.